C. Baars contra Inspecteur der Belastingen Particulieren/Ondernemingen Gorinchem.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:502
Docket NumberC-251/98
Celex Number61998CC0251
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 October 1999
EUR-Lex - 61998C0251 - FR 61998C0251

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 14 octobre 1999. - C. Baars contre Inspecteur der Belastingen Particulieren/Ondernemingen Gorinchem. - Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Gravenhage - Pays-Bas. - Liberté d'établissement - Patrimoine investi en actions dans des sociétés établies dans l'Etat membre d'imposition - Exonération de l'impôt sur la fortune - Patrimoine investi en actions dans des sociétés établies dans un autre Etat membre - Absence d'exonération. - Affaire C-251/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-02787


Conclusions de l'avocat général

A - Introduction

1 Le Gerechtshof te 's- Gravenhage (Pays-Bas) demande à la Cour de justice d'interpréter les articles 6 et 52 du traité CE (devenus, après modification, articles 12 CE et 43 CE) et les articles 73 B et 73 D du traité CE (devenus articles 56 CE et 58 CE) au regard d'une législation néerlandaise relative à l'impôt sur la fortune en vertu de laquelle une participation substantielle dans une entreprise est exonérée de l'impôt sur la fortune dans une certaine mesure lorsque l'entreprise est établie aux Pays-Bas.

2 Le demandeur au principal (ci-après le «demandeur») est ressortissant néerlandais et a son domicile aux Pays-Bas. Il est le seul actionnaire de la société Ballyard Foods Limited (ci-après «Ballyard») établie à Dublin, en Irlande, où elle produit du fromage. Étant donné que le demandeur est le seul actionnaire de l'entreprise, il souhaite faire valoir une exemption d'entreprise dans le cadre de sa déclaration fiscale aux Pays-Bas.

3 Dans sa déclaration au titre de l'impôt sur le patrimoine pour l'année 1994, le demandeur a déclaré disposer d'un patrimoine de 2 650 600 NLG au 1er janvier 1994. La valeur de sa participation dans Ballyard au 1er janvier 1994 s'élevait à 749 800 NLG. Le demandeur a fait valoir une exonération d'entreprise de 442 400 NLG à déduire de son patrimoine imposable aux Pays-Bas - conformément au mode de calcul décrit au point 4 ci-dessous - au titre de sa participation dans Ballyard. Il a invoqué à cet égard l'article 7, paragraphes 2 et 3, de la wet op de vermogenbelasting 1964 (1).

4 L'article 7, paragraphe 2, de la loi relative à l'impôt sur la fortune prévoit en faveur du contribuable qui exploite une ou plusieurs entreprises que le patrimoine investi dans cette ou dans ces entreprises fait l'objet d'un abattement de:

a) si ce patrimoine ne dépasse pas 135 000 NLG: 100 %,

b) si ce patrimoine dépasse 135 000 NLG: 135 000 NLG majorés de 50 % du capital excédant ce montant, sans que l'abattement puisse toutefois excéder 1 541 000 NLG.

5 L'article 7, paragraphe 3, de la loi relative à l'impôt sur la fortune dispose que, pour autant que le patrimoine investi dans une ou plusieurs entreprises au sens du paragraphe 2 soit inférieur à 2 947 000 NLG ou si aucune entreprise n'est exploitée pour le compte du contribuable, le paragraphe 2 s'applique mutatis mutandis et est assimilé à un patrimoine investi dans une entreprise celui qui se rapporte, en vertu du point c) dudit article, à des actions et parts qui représentent une participation substantielle, au sens de la wet op de inkomstenbelasting 1964 (2), dans une société établie aux Pays-Bas (pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une société d'investissement au sens de l'article 28 de la wet op de vennotschapsbelasting 1969 (3)). (4)

6 Les autorités fiscales néerlandaises ont refusé de prendre en compte l'exonération et ont fixé le patrimoine imposable à 2 650 000 NLG. Le demandeur a formé un recours contre cette décision.

7 Le gouvernement néerlandais explique la réglementation litigieuse par le souci de protéger le capital des petites entreprises dont les actions sont pour l'essentiel détenues par une personne physique. Dans cette hypothèse, on en arriverait à une double imposition, à savoir en vertu des dispositions relatives à l'impôt des sociétés et en vertu de celles relatives à l'impôt sur la fortune devant être acquitté par le détenteur du capital. Étant donné cependant que, dans ces cas, le capital de la société est en même temps le patrimoine du détenteur des actions et qu'il n'est pas possible d'opérer une distinction entre les deux masses patrimoniales, la double imposition de la même masse patrimoniale est évitée grâce à l'exonération d'entreprise. Il n'y a aucune raison de ce point de vue d'accorder l'exonération d'entreprise aux sociétés ayant leur siège à l'étranger, étant donné que, aux Pays-Bas, seul le patrimoine de leur détenteur est imposé alors que le leur échappe à l'impôt. On ne peut donc pas en arriver a priori à une double imposition par le fisc néerlandais.

8 Le Gerechtshof te 's- Gravenhage a déféré les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1) Faut-il interpréter les articles 6 et/ou 52 du traité CE en ce sens qu'une restriction, figurant dans une disposition législative d'un État membre relative à l'impôt sur la fortune qui exempte le patrimoine investi en actions dans une entreprise - pour autant que ces actions constituent une participation substantielle - de l'impôt sur la fortune dans le chef de l'actionnaire mais limite cette exemption aux actions de sociétés établies dans cet État membre, est incompatible avec lesdits articles?

2) S'il y a lieu de répondre par la négative à la première question, faut-il interpréter les articles 73 B et 73 D du traité CE en ce sens qu'une disposition restrictive telle que visée par la première question est incompatible avec lesdits articles?»

9 Le gouvernement néerlandais et la Commission ont participé à la procédure. Nous devrons revenir sur leur argumentation dans le cadre de l'analyse juridique.

B - Analyse

I - Question préalable sur l'application concurrente ou non des dispositions relatives à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux

10 Les deux questions posées par la juridiction de renvoi semblent se situer mutuellement dans un rapport de subordination. Alors que la première question concerne la compatibilité de la législation nationale avec les dispositions communautaires relatives à la liberté d'établissement, la deuxième est formulée en fonction de la réponse donnée à la première. Si la réglementation interne est compatible avec les règles relatives à la liberté d'établissement, la juridiction de renvoi souhaite savoir si elle est aussi compatible avec les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux.

11 Les parties à la procédure défendent des positions différentes en ce qui concerne les dispositions communautaires applicables.

Le gouvernement néerlandais soutient à propos de l'article 52 du traité, qui régit la liberté d'établissement, qu'il n'est pas applicable en l'espèce. La détention d'actions d'une entreprise relève uniquement des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux. C'est ce qui ressort aussi de l'article 52, deuxième alinéa, du traité qui prévoit une réserve explicite en faveur des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux.

La Commission fait en revanche valoir qu'une participation substantielle au capital d'une société établie dans un autre État membre relève en premier lieu des dispositions relatives à la liberté d'établissement au sens de l'article 52, deuxième alinéa, du traité. La réserve prévue en faveur des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux, que l'on retrouve aussi à l'article 61, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 51, paragraphe 2, CE) dans le chapitre consacré à la libre prestation de services, n'a concerné que la période transitoire qui a précédé la réalisation complète de la libre circulation des capitaux et elle est donc devenue sans objet entre-temps.

Appréciation

12 Les dispositions relatives à la liberté d'établissement comportent en particulier, d'après l'article 52, deuxième alinéa, du traité, la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 58 du traité CE (devenu article 48 CE). Pour cette seule raison déjà, ces activités ne peuvent pas en tant que telles être exclues du champ d'application des dispositions relatives à la liberté d'établissement et être soumises uniquement à celles consacrées à la libre circulation des capitaux.

13 Il existe une étroite relation entre les dispositions relatives à la liberté d'établissement et celles portant sur la libre circulation des capitaux. Cette relation ressort déjà des réserves mutuelles contenues à l'article 73 D, paragraphe 2 (5), et à l'article 52, deuxième alinéa du traité (6). Ces réserves ne signifient cependant pas qu'un comportement ne peut être protégé que par l'une de ces deux libertés fondamentales. Si, à elle seule, une relation quelconque avec la circulation des capitaux excluait l'application du chapitre relatif à la liberté d'établissement, cette dernière liberté perdrait son intérêt pratique, étant donné que l'établissement dans un autre État membre est en règle générale lié à un transfert de capitaux.

14 Les dispositions consacrées aux libertés fondamentales régissent la liberté d'un comportement d'un point de vue économique particulier. Un seul et même comportement est à cet égard susceptible d'être protégé de différents points de vue et, dans cette mesure, de relever simultanément du champ d'application de plusieurs libertés.

15 La Cour de justice est à ce jour partie de l'idée dans sa jurisprudence d'une application parallèle des dispositions relatives à la libre circulation des capitaux, d'une part, et de celles consacrées à la libre prestation de services ou à la liberté d'établissement, de l'autre. Cette jurisprudence est fondée sur la prémisse selon laquelle les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux n'excluent l'application parallèle d'autres...

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