Elida Gibbs Ltd contra Commissioners of Customs and Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:255
Date27 June 1996
Celex Number61994CC0317
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-317/94
61994C0317

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIAL FENNELLY

présentées le 27 juin 1996 ( *1 )

1.

Elida Gibbs finance deux types de systèmes de bons pour promouvoir les ventes aux consommateurs de ses produits de toilette au Royaume-Uni. Lorsqu'il présente un bon, le consommateur obtient du détaillant une réduction sur le prix. Lorsqu'il envoie un « bon de réduction » à Elida Gibbs, il en obtient directement un remboursement. Elida Gibbs fait valoir devant le Value Added Tax Tribunal, London, qu'il y a lieu de tenir compte de ces deux systèmes dans l'adaptation rétroactive de la base d'imposition qui fixe le montant de la taxe à verser sur ses propres ventes de produits à des grossistes ou à des détaillants à un stade antérieur. La juridiction de renvoi précitée a déféré deux questions d'interprétation à la Cour.

I — Les faits et le contexte juridique

A — Le contexte législatif

2.

L'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la « sixième directive ») ( 1 ), dispose que:

« Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.

La livraison de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

... »

L'article 11 A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, dispose que:

« A l'intérieur du pays

1.

La base d'imposition est constituée

a)

pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ses opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées aux prix de ces opérations. »

L'article 11 A, paragraphes 2 et 3, définit les éléments qu'il y a lieu d'inclure dans le montant taxable et ceux qu'il y a lieu d'exclure. Selon l'article 11 A, paragraphe 3, sous b), ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition « les rabais et ristournes consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération ».

3.

L'article 11 C, paragraphe 1, dispose, sous le titre ‘dispositions diverses’, que:

« 1.

En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel après le moment oit s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle » ( 2 ).

B — Les faits de l'affaire

4.

Elida Gibbs (ci-après « Gibbs ») fabrique des articles de toilette et c'est une filiale du groupe de sociétés Unilever. 70% de ses ventes sont faites directement aux détaillants; le reste aux grossistes et aux magasins « cash and carry » pour être revendu aux détaillants. Gibbs organise des plans de promotion de ses produits en se servant de deux types de systèmes de bons de réduction et d'un système de bons de remboursement.

i) Les bons de réduction

5.

Dans le cadre du premier système susmentionné, celui des bons de réduction qui est le système de base, Gibbs prépare un plan de promotion générale pour une période

limitée. Elle distribue les bons aux consommateurs, soit directement, soit sous la forme de bons insérés dans des publications diverses, dans des journaux et des magazines. Chaque bon a une valeur nominale et comporte des instructions destinées à la fois aux clients potentiels et aux détaillants. Les détaillants sont informés que l'intégralité de la valeur nominale du bon sera remboursée par Gibbs, sous réserve qu'ils puissent prouver que le bon a été utilisé pour un produit en promotion durant la validité de cette promotion.

6.

Dans le second plan, le plan spécial détaillants, Gibbs, agissant en association avec le détaillant, prévoit une promotion qui dure également pendant un certain temps pour un produit donné ou une ligne de produits. Dans le cadre de ce plan, c'est le détaillant qui imprime les bons et qui les distribue aux clients potentiels.

7.

Indépendamment de la question de savoir si la personne qui achète à Gibbs est un grossiste ou un détaillant, une somme incluant la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA ») est facturée pour la livraison des produits, sans aucune référence à un plan de promotion présent ou futur. La personne qui achète ces produits ne sait normalement pas, au moment où elle les achète, que lesdits produits feront l'objet d'un plan de promotion par la suite. Les ventes du grossiste au détaillant ont lieu à des prix de gros et ne sont pas affectées par un quelconque plan de promotion. Le détaillant met les produits en vente au prix normal affiché.

8.

Dans ce plan de base, le client peut présenter un bon comme paiement partiel pour le produit spécifique. Le détaillant n'est pas tenu d'accepter les bons, mais, s'il le fait, il demande un remboursement directement à Gibbs, en présentant la preuve que les bons représentent des produits Gibbs qu'il a vendus. En application du plan spécifique pour les détaillants, le détaillant est tenu contractuellement d'accepter le bon de réduction.

ii) Les bons de remboursement

9.

Selon ce plan, un bon imprimé figure sur les emballages des produits Gibbs. Ce bon donne droit à un remboursement spécial en espèces d'une partie du prix d'achat payé par le consommateur final au détaillant, tout en constituant en même temps pour ce dernier une preuve de l'achat. Tout client qui répond aux conditions imprimées sur le bon peut l'envoyer directement à Gibbs (ou à son agent) qui procède alors au remboursement promis. Ces conditions, telles qu'elles résultent de l'ordonnance de renvoi, nécessitent que le client renvoie le produit comportant le bon de remboursement ainsi que deux autres emballages de produits Gibbs.

iii) Le recours de Gibbs

10.

Le 24 août 1992, Unilever, qui est la société mère de Gibbs, a demandé aux Commissioners of Customs and Excise (ci-après les « Commissioners ») de lui rembourser la somme de 883894 UKL prétendument perçue à tort, selon elle, sur les bons de réduction et les bons de remboursement depuis 1984, au motif que le remboursement de la valeur nominale des bons constituait une ristourne rétroactive, réduisant de ce fait le montant taxable de la livraison initiale. Le 5 mai 1993, cette demande a été rejetée, au motif que les bons ne constituaient pas une réduction de prix entre le fabricant et le détaillant, mais un élément de la contrepartie de la livraison des biens, par le détaillant au client, c'est-à-dire « la contrepartie obtenue de la part d'un tiers » prévue à l'article IIA, paragraphe 1. Les Commissioners ont, par ailleurs, fait valoir, en outre, qu'il n'y avait pas « de lien direct entre la livraison des marchandises (par le fabricant au détaillant ou au grossiste) et ‘le remboursement’ (du consommateur final par le fabricant) ».

C — La procédure devant les juridictions nationales

11.

Gibbs a mis en cause les décisions précitées devant le Value Added Tax Tribunal, London (ci-après le « VATT »). Gibbs a fait valoir que, selon l'article IIA, paragraphe 1, sous a), la « contrepartie » qui est reçue pour la fourniture des produits en cause est la somme réellement facturée, pour la vente de ce produit, diminuée de la somme déboursée par Gibbs pour le rachat des bons. Gibbs a fait valoir, à titre subsidiaire, que les paiements effectués lors du remboursement des bons devraient être considérés comme relevant de l'article 11 C, paragraphe 1.

12.

Les Commissioners ont fait valoir que les transactions portant sur les bons n'ont pas pour résultat une réduction de la contrepartie obtenue par Gibbs aux fins de la TVA, qui demeure le montant qui doit être payé à Gibbs par les détaillants ou les grossistes pour des produits que Gibbs a fournis. Le remboursement des bons par Gibbs, en application de l'un ou l'autre plan, représente la contrepartie obtenue par un tiers pour la livraison par le détaillant à son client. Dans le cas des bons de réduction, le détaillant obtient, selon les Commissioners, deux éléments de contrepartie, à savoir les espèces qu'il reçoit du client et la valeur en argent du bon qu'il reçoit de Gibbs. Les Commissioners ont fait valoir que la contrepartie de la fourniture au détaillant est le montant que le détaillant doit payer à Gibbs ou, lorsque la fourniture a lieu par l'intermédiaire d'un grossiste, le montant que le détaillant paie ou qui lui est facturé par le grossiste. Il ne peut donc y avoir de réajustement rétroactif, ni pour la livraison par Gibbs au détaillant ni, a fortiori, au grossiste qui ne participe pas au plan en cause et n'est pas affecté par ce plan.

13.

Dans le plan « bon de remboursement », le détaillant reçoit du client l'intégralité du prix de vente; le détaillant n'est pas affecté par les droits au remboursement qui ne concernent que son client. Les Commissioners ont fait valoir que, puisque les détaillants n'opéraient pas de réduction sur le prix de détail des produits vendus, on ne pouvait considérer que Gibbs avait obtenu, pour la vente desdits produits effectuée à un stade antérieur, une contrepartie inférieure à ce qui a réellement été facturé au détaillant (ou au grossiste).

14.

Selon le VATT, les questions de droit communautaire soulevées par la mise en oeuvre de ces deux systèmes n'étaient pas résolues par l'arrêt de la Cour dans l'affaire Boots Company ( 3 ), un argument important étant que le...

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