The Queen, ex parte Centro-Com Srl contra HM Treasury y Bank of England.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:345
Docket NumberC-124/95
Celex Number61995CC0124
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date24 September 1996
EUR-Lex - 61995C0124 - FR 61995C0124

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 24 septembre 1996. - The Queen, ex parte Centro-Com Srl contre HM Treasury et Bank of England. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England and Wales) - Royaume-Uni. - Politique étrangère et de sécurité - Politique commerciale commune - Blocage de fonds - Sanctions à l'encontre des républiques de Serbie et du Monténégro. - Affaire C-124/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-00081


Conclusions de l'avocat général

1 Le présent cas d'espèce est l'une des trois affaires déférées à la Cour à propos de la mise en oeuvre de sanctions économiques à l'encontre de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) dans le cadre de la guerre dans l'ancienne Yougoslavie (1). Ces sanctions comportaient l'interdiction de toute exportation, à l'exception de certains produits de base essentiels tels que les fournitures médicales, et un embargo financier. Centro-Com est une entreprise italienne qui était autorisée à exporter certains produits médicaux à destination des républiques de Serbie et du Monténégro. Les paiements de ces exportations devaient être réalisés à partir d'un compte détenu par la Banque nationale de Yougoslavie dans les livres de la Barclays Bank (Londres). Centro-Com n'a toutefois pas obtenu un paiement total en raison d'une modification de la politique du Royaume-Uni sur le déblocage de fonds serbes: de nouvelles informations ayant suggéré qu'il existait des abus dans le système des autorisations d'exportation, le gouvernement du Royaume-Uni a décidé d'exiger que de telles exportations soient réalisées à partir de son territoire, afin de s'assurer de l'efficacité des sanctions. Dans les procédures engagées devant les juridictions britanniques, Centro-Com a attaqué cette modification intervenue dans la politique gouvernementale, en se fondant en partie sur le droit communautaire. Les questions déférées à la Cour concernent l'effet de la politique commerciale commune de la Communauté et des règlements prévoyant des sanctions, qui ont été adoptés par le Conseil, sur la politique suivie par un État membre à propos des paiements relatifs à des exportations autorisées.

Contexte juridique

2 Pendant la guerre dans l'ancienne Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté un certain nombre de résolutions imposant aux pays membres des Nations unies de prendre différentes mesures d'embargo et d'autres sanctions (2). Dans sa résolution 757 (1992), adoptée le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité a condamné les autorités de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) pour ne pas avoir pris de mesures efficaces en vue de satisfaire aux exigences de la résolution 752 (1992) et a exigé que soit mis fin aux combats en Bosnie et en Herzégovine. Il a en conséquence adopté un embargo commercial et un embargo financier.

3 L'embargo commercial a été défini au paragraphe 4 de la résolution 757 (1992), dans lequel le Conseil de sécurité a décidé, pour ce qui nous importe en l'espèce:

«que tous les États empêcheront: ...

c) la vente ou la fourniture par leurs nationaux ou depuis leur territoire, ou par l'intermédiaire de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, de tous produits de base ou de toutes marchandises, que ceux-ci proviennent ou non de leur territoire, mais non compris les fournitures à usage strictement médical et les denrées alimentaires, ces exceptions devant être notifiées au comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 724 (1991) concernant la Yougoslavie, à toute personne physique ou morale se trouvant en République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ou à toute personne physique ou morale aux fins de toute activité commerciale menée sur ou depuis le territoire de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que toutes activités menées par leurs nationaux ou sur leur territoire qui auraient pour effet ou pour objet de favoriser la vente ou la fourniture dans les conditions sus-indiquées de tels produits de base ou de telles marchandises».

4 L'embargo financier était défini au paragraphe 5 de la résolution, où il a été décidé:

«que tous les États s'abstiendront de mettre à la disposition des autorités de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou de toute entreprise commerciale, industrielle ou de services publics sise en République fédérative de Yougoslavie (Serbie ou Monténégro) des fonds ou toutes autres ressources financières ou économiques et empêcheront leurs nationaux et toutes personnes présentes sur leur territoire d'en transférer ou de mettre par quelque moyen que ce soit à la disposition des autorités de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou des entreprises susvisées de tels fonds ou ressources et de verser tous autres fonds à des personnes physiques ou morales se trouvant en République fédérative de Yougoslavie (Serbie ou Monténégro), à l'exception des paiements destinés exclusivement à des fins d'ordre strictement médical ou humanitaire et à des denrées alimentaires.»

5 Comme on peut le voir, le paragraphe 4, sous c), exige qu'une notification soit adressée au comité créé conformément à la résolution 724 (1991) dans le cas de fournitures médicales autorisées. Les missions générales de ce comité ont été fixées au paragraphe 5, sous b), de cette résolution qui a été adoptée le 15 décembre 1991. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité:

«Décide de créer, conformément à l'article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous les membres du Conseil qui sera chargé d'accomplir les tâches énumérées ci-après et de présenter au Conseil un rapport sur ses travaux, où figureront ses observations et recommandations:

i) Examiner les rapports présentés conformément à l'alinéa a);

ii) Demander à tous les États de lui communiquer de nouveaux renseignements sur les mesures qu'ils auront prises concernant la mise en oeuvre effective de l'embargo imposé en vertu du paragraphe 6 de la résolution 713 (1991);

iii) Examiner toute information portée à son attention par des États au sujet de violations de l'embargo et, dans ce contexte, faire des recommandations au Conseil sur les moyens d'accroître l'efficacité de l'embargo;

iv) Recommander des mesures appropriées comme suite aux violations de l'embargo général et complet sur toutes les livraisons d'armements et d'équipements militaires à la Yougoslavie et fournir régulièrement au Secrétaire général des informations pour communication à l'ensemble des États membres».

6 Il s'avère que ce comité, appelé communément le «comité des sanctions contre la Yougoslavie» et composé de représentants d'États qui sont membres du Conseil de sécurité, est devenu un important organe permanent assurant la supervision au jour le jour de la mise en oeuvre des sanctions (3).

7 La Communauté a adopté différentes mesures afin de donner suite aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité. Celle en cause dans la présente affaire est le règlement (CEE) n_ 1432/92 du Conseil, du 1er juin 1992, interdisant les échanges entre la Communauté économique européenne et les républiques de Serbie et du Monténégro, tel qu'il a été modifié par le règlement (CEE) n_ 2015/92 du Conseil, du 20 juillet 1992 (4) (ci-après le «règlement sur les sanctions»).

8 Les considérants du règlement sur les sanctions se réfèrent aux développements dramatiques en Bosnie-Herzégovine et à l'intervention des républiques de Serbie et du Monténégro dans les affaires intérieures de la République de Bosnie-Herzégovine (5). Le Conseil déclare que la Communauté et ses États membres, réunis dans le cadre de la coopération politique, ont décidé qu'il y avait lieu de prendre des mesures pour dissuader les républiques de Serbie et du Monténégro de continuer à violer l'intégrité et la sécurité de la République de Bosnie-Herzégovine et pour les inciter à coopérer au rétablissement de la paix et du dialogue dans la région (6). Il se réfère ensuite à la résolution 757 (1992) établissant un embargo économique et conclut qu'il y a lieu d'arrêter les relations économiques de la Communauté avec les républiques de Serbie et du Monténégro (7). Il déclare que la Communauté et ses États membres sont convenus de recourir à un instrument communautaire, notamment afin d'assurer une mise en oeuvre uniforme dans l'ensemble de la Communauté «de certaines de ces mesures» (8). Le règlement sur les sanctions était fondé sur l'article 113 du traité.

9 Pour ce qui nous importe, le règlement sur les sanctions dispose que:

«Article premier

A partir du 31 mai 1992, sont interdites:

...

b) l'exportation vers les républiques de Serbie et du Monténégro de tous produits de base et produits originaires ou en provenance de la Communauté;

c) toutes activités ayant pour objet ou pour effet de promouvoir, directement ou indirectement, les opérations mentionnées aux points ... b);

...

Article 2

Les interdictions prévues à l'article 1er ne s'appliquent pas:

a) à l'exportation vers les républiques de Serbie et du Monténégro de produits de base et d'autres produits destinés à des fins strictement médicales et de denrées alimentaires, notifiée au comité créé par la résolution 724 (1991) du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que l'exportation de produits de base et d'autres produits destinés à répondre à des besoins humanitaires essentiels, approuvée selon la procédure simplifiée et accélérée d'approbation tacite par ledit comité;

...

c) à toute activité ayant pour objet ou pour effet de promouvoir, directement ou indirectement, les opérations mentionnées aux points a)...;

...

Article 3

Les exportations vers les républiques de Serbie et du Monténégro de produits de base et d'autres produits destinés à répondre à des besoins humanitaires essentiels destinés à des fins strictement médicales ainsi que de denrées...

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