European Commission v Slovak Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:150
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-264/09
Date15 March 2011
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62009CC0264

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Niilo Jääskinen

présentées le 15 mars 2011 (1)

Affaire C‑264/09

Commission européenne

contre

République slovaque

«Manquement d’État – Marché intérieur de l’électricité – Directive 2003/54/CE – Accès prioritaire – Accès non discriminatoire aux réseaux de transport et de distribution – Contrat d’investissement conclu antérieurement à l’adhésion à l’Union européenne – Traité sur la charte de l’énergie – Accord bilatéral sur la protection des investissements – Article 307 CE – Traitement juste et équitable – Expropriation»






I – Introduction

1. La présente affaire porte sur le rapport existant entre, d’une part, l’obligation incombant à la République slovaque en vertu du droit de l’Union de garantir un accès non discriminatoire aux réseaux de transport d’électricité conformément à la directive 2003/54/CE (2) et, d’autre part, son obligation de protéger les investissements au titre d’un accord sur la promotion et la protection réciproque des investissements, signé le 5 octobre 1990 et conclu avec la Confédération suisse avant l’adhésion de la République slovaque à l’Union européenne le 1er mai 2004 (ci-après l’«accord sur la protection des investissements») (3).

2. Au cœur du litige se trouve un contrat de droit privé conclu le 27 octobre 1997 entre Aare Tessin AG für Elektrizität Aare, une société suisse (ci‑après «ATEL»), et un gestionnaire de réseau public en Slovaquie [connu sous le nom de Slovenské elektrané a.s. à l’époque, et par la suite sous le nom de Slovenská elektrizačná prenosová sústava a.s. (ci-après «SEPS»)] (ci-après le «contrat»). Conformément au contrat, ATEL a réglé plus de 50 % des coûts de construction de la ligne de Lemesany-Krosno restant à construire entre la Pologne et la Slovaquie, en échange d’un accès prioritaire à cette ligne pour une période déterminée et non renouvelable de seize ans.

3. La Commission européenne demande désormais à la Cour de constater que, en n’ayant pas garanti un accès non discriminatoire au réseau de transport d’électricité, la République slovaque a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 20, paragraphe 1, et 9, sous e), de la directive 2003/54. Bien que la Commission ne demande pas expressément à la Cour de déclarer que la République slovaque doit résilier le contrat, dans ses observations à la Cour, elle indique que la République slovaque n’est pas tenue de maintenir en vigueur celui‑ci. Elle soutient par ailleurs que la non-application du contrat ne suffirait pas à elle seule à mettre fin à la violation alléguée. À cet égard, la Commission a implicitement invité la Cour à examiner s’il y avait lieu d’obliger la République slovaque à résilier le contrat.

4. De son côté, la République slovaque fait valoir que le contrat est protégé en tant qu’investissement par le traité sur la charte de l’énergie et que la directive 2003/54 doit être interprétée conformément aux obligations qui incombent à l’Union européenne en vertu dudit traité.

II – Le cadre juridique

Le droit international

– La convention de Vienne (4)

5. L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, intitulé «Règle générale d’interprétation», dispose:

«1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

[…]

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties»

– Le traité sur la charte de l’énergie (5)

6. Selon l’article 10, paragraphe 1, du traité sur la charte de l’énergie:

«Chaque partie contractante encourage et crée, conformément aux dispositions du présent traité, des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour la réalisation d’investissements dans sa zone par les investisseurs des autres parties contractantes. Ces conditions comprennent l’engagement d’accorder, à tout instant, un traitement loyal et équitable aux investissements des investisseurs des autres parties contractantes. Ces investissements bénéficient également d’une protection et d’une sécurité les plus constantes possible, et aucune partie contractante n’entrave, en aucune manière, par des mesures déraisonnables ou discriminatoires, leur gestion, maintien, utilisation, jouissance ou disposition. En aucun cas, ces investissements ne peuvent être traités d’une manière moins favorable que celle requise par le droit international, y compris les obligations conventionnelles. Chaque partie contractante respecte les obligations qu’elle a contractées vis-à-vis d’un investisseur ou à l’égard des investissements d’un investisseur d’une autre partie contractante.»

7. L’article 13 dudit traité, relatif à l’expropriation, est ainsi libellé, pour ce qui nous concerne:

«1. Les investissements d’un investisseur d’une partie contractante réalisés dans la zone d’une autre partie contractante ne sont pas nationalisés, expropriés ou soumis à une ou plusieurs mesures ayant des effets équivalents à une nationalisation ou à une expropriation, dénommées ci-après ‘expropriation’, sauf lorsque cette expropriation:

a) est effectuée pour des motifs d’intérêt public;

b) n’est pas discriminatoire;

c) est effectuée avec les garanties prévues par la loi; et

d) est accompagnée du prompt versement d’une compensation adéquate et effective.»

[...]»

‑ L’accord sur la protection des investissements

8. L’article 1er de l’accord sur la protection des investissements, intitulé «définitions», dispose, pour ce qui nous concerne:

«[...]

2. le terme ‘investissement’ englobe toutes les catégories d’avoirs et en particulier:

[…]

c) les créances monétaires et droits à toute prestation ayant une valeur économique;

[…]»

9. Aux termes de l’article 3 de cet accord, intitulé «Promotion et admission»:

«1. Chaque partie contractante encouragera sur son territoire les investissements effectués par des investisseurs de l’autre partie contractante et admettra ces investissements conformément à ses lois et règlements.

[…]»

10. Selon l’article 4 dudit accord, intitulé «Protection, traitement»:

«1. Chaque partie contractante protégera sur son territoire les investissements effectués conformément à ses lois et règlements par des investisseurs de l’autre Partie Contractante et n’entravera pas, par des mesures injustifiées ou discriminatoires, la gestion, l’entretien, l’utilisation, la jouissance, l’accroissement, la vente et la liquidation de tels investissements […]

2. Chaque partie contractante assurera sur son territoire un traitement juste et équitable aux investissements des investisseurs de l’autre partie contractante. Ce traitement ne sera pas moins favorable que celui accordé par chaque partie contractante à des investissements effectués sur son territoire par ses propres investisseurs ou que celui accordé par chaque partie contractante à des investissements effectués sur son territoire par les investisseurs de la nation la plus favorisée, si ce dernier traitement est plus favorable […]»

11. Aux termes de l’article 6 du même accord, intitulé «Dépossession, indemnisation»:

«1. Aucune des parties contractantes ne prendra, directement ou indirectement, des mesures d’expropriation, de nationalisation ou toute autre mesure ayant le même caractère ou le même effet, à l’encontre des investissements d’investisseurs de l’autre partie contractante, si ce n’est pour des raisons d’intérêt public et à condition que ces mesures ne soient pas discriminatoires, qu’elles soient conformes aux prescriptions légales et qu’elles donnent lieu au paiement d’une indemnité effective et adéquate […]»

12. Selon l’article 9 de l’accord sur la protection des investissements, intitulé «différends entre une partie contractante et un investisseur de l’autre partie contractante»:

«1. Afin de trouver une solution aux différends relatifs à des investissements entre une partie contractante et un investisseur de l’autre partie contractante et sans préjudice de l’article 10 du présent accord (différends entre parties contractantes), des consultations auront lieu entre les parties concernées.

2. Si ces consultations n’apportent pas de solution dans un délai de six mois, le différend sera, à la requête de l’investisseur, soumis à un tribunal arbitral. Un tel tribunal arbitral sera constitué comme suit:

a) Le tribunal arbitral est constitué pour chaque cas particulier […]

b) Si les délais mentionnés sous lettre a) du présent article n’ont pas été observés, chaque partie au différend peut, en l’absence de tout autre accord, inviter le Président du Tribunal Arbitral de la Chambre Internationale de Commerce de Paris à procéder aux désignations nécessaires […]

c) À moins que les parties au différend n’en disposent autrement, le tribunal fixe lui-même sa procédure. Ses décisions sont définitives et obligatoires. Chaque partie contractante reconnaît et assure l’exécution de la sentence arbitrale […]

3. Lorsque les deux parties contractantes seront parties à la Convention du 18 mars 1965 pour le règlement des différents relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, les différends pourront, à la requête de l’investisseur, être soumis au Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements [(ci-après le ‘CIRDI’)] en lieu et place de la procédure prévue à l’alinéa (2) du présent article.

[…]

5. Aucun État contractant ne poursuivra par la voie diplomatique un différend soumis à l’arbitrage, à moins que l’autre État contractant ne se conforme pas à la sentence rendue par un tribunal arbitral.»

13. En vertu de l’article 10 de cet accord, intitulé «différends entre parties contractantes»:

«1. Les différends entre parties contractantes au sujet de l’interprétation ou de l’application des dispositions du présent accord seront réglés par la voie diplomatique.

2. Si les deux parties contractantes ne parviennent pas à un...

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