Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS contra Minister for Transport, Energy and Communications y otros.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:179
Docket NumberC-84/95
Celex Number61995CC0084
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date30 April 1996
61995C0084

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 30 avril 1996 ( *1 )

1.

La présente affaire concerne l'effet des sanctions arrêtées à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et l'interprétation d'un règlement du Conseil de l'Union européenne visant à mettre en oeuvre un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. La procédure au principal a pour objet une décision prise en exécution de ce règlement par le ministre des Transports, de l'Énergie et des Communications irlandais (ci-après le « ministre ») et ordonnant la saisie d'un avion appartenant à Yugoslav Airlines (ci-après la « JAT »), mais exploité par Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS (ci-après « Bosphorus Airways »), une compagnie charter turque. Cette compagnie avait loué l'avion de la JAT, avant l'adoption du règlement, pour une durée de quatre ans. Cet avion stationnait à l'aéroport de Dublin en vue d'opérations de maintenance lorsque le ministre a pris la décision attaquée. Avant de procéder à un examen plus détaillé des faits, il convient que nous décrivions le contexte juridique de l'affaire.

Contexte juridique

2.

Au cours de la guerre dans l'ancienne Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations unies, à qui appartient la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales en vertu de la charte des Nations unies, a adopté un certain nombre de résolutions exigeant des États membres des Nations unies qu'ils adoptent diverses mesures d'embargo et d'autres sanctions. Ces résolutions avaient été adoptées au titre du chapitre VII de la charte et avaient donc un effet obligatoire pour tous les États membres.

3.

La première de ces résolutions était la résolution 713 (1991), adoptée le 25 septembre 1991, dans laquelle le Conseil de sécurité s'est déclaré profondément préoccupé par les combats en Yougoslavie et a décidé que:

« tous les États mettr[aie]nt immédiatement en œuvre, aux fins de l'établissement de la paix et de la stabilité en Yougoslavie, un embargo général et complet sur toutes les livraisons d'armements et d'équipements militaires à la Yougoslavie, et ce jusqu'à ce que le Conseil en décide autrement, après que le Secrétaire général aura eu des consultations avec le Gouvernement yougoslave » ( 1 ).

4.

Dans la résolution 757 (1992), adoptée le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité a condamné les autorités de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Montenegro) pour ne pas avoir pris de mesures efficaces en vue de satisfaire aux exigences de la résolution 752 (1992), demandant qu'il soit mis fin aux combats en Bosnie-Herzégovine. Le Conseil de sécurité a pris d'autres mesures, comportant, entre autres, un embargo commercial et un embargo financier. Il a décidé notamment que ( 2 ):

« tous les États empêcher[aie]nt:

a)

L'importation sur leur territoire de tout produit de base et de toute marchandise en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) qui en seraient exportés après la date de la présente résolution;

b)

Toutes activités menées par leurs nationaux ou sur leur territoire qui auraient pour effet ou pour objet de favoriser l'exportation ou le transbordement de tous produits de base ou de toutes marchandises en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ainsi que toutes transactions faisant intervenir leurs nationaux, ou des navires ou aéronefs battant leur pavillon, ou menées sur leur territoire, portant sur des produits de base ou des marchandises en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et qui en seraient exportés après la date de la présente résolution, y compris, en particulier, tout transfert de fonds à destination de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aux fins de telles activités ou transactions;

c)

La vente ou la fourniture par leurs nationaux ou depuis leur territoire, ou par l'intermédiaire de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, de tous produits de base ou de toutes marchandises, que ceux-ci proviennent ou non de leur territoire, mais non compris les fournitures à usage strictement médical et les denrées alimentaires, ces exceptions devant être notifiées au comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 724 (1991) concernant la Yougoslavie, à toute personne physique ou morale se trouvant en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ou à toute personne physique ou morale aux fins de toute activité commerciale menée sur ou depuis le territoire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que toutes activités menées par leurs nationaux ou sur leur territoire qui auraient pour effet ou pour objet de favoriser la vente ou la fourniture dans les conditions sus-indiquées de tels produits de base ou de telles marchandises. »

5.

Le paragraphe 7 de la même résolution revêt une importance particulière en l'espèce; le Conseil de sécurité y a décidé que:

« tous les États

a)

Refuser[aie]nt à tout aéronef l'autorisation de décoller de leur territoire, d'y atterrir ou de le survoler si cet aéronef est en route pour atterrir sur le territoire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou s'il en a décollé, à moins que le vol de cet aéronef n'ait été approuvé, en raison de considérations d'ordre humanitaire ou autres, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil, par le comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 724 (1991);

b)

Interdir[aie]nt la fourniture par leurs nationaux ou à partir de leur territoire de services de maintenance et d'ingénierie destinés à des aéronefs enregistrés en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou utilisés par ou au nom d'entités sises en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ou de composants de tels aéronefs, la délivrance de certificats de navigation pour de tels aéronefs, ainsi que le paiement de nouveaux dédommagements au titre de contrats d'assurance existants et la fourniture de nouvelles assurances directes pour de tels aéronefs. »

6.

Dans la résolution 787 (1992), adoptée le 16 novembre 1992, le Conseil de sécurité a décidé d'interdire aussi le transit par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) d'un certain nombre de produits économiquement vitaux (voir paragraphe 9). Il a, en outre, décidé au paragraphe 10 que:

« tout navire dans lequel une personne ou une entreprise de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou y exerçant son activité détient un intérêt majoritaire ou prépondérant sera considéré, aux fins de l'application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, comme un navire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), indépendamment du pavillon sous lequel il navigue ».

7.

Les mesures d'embargo ont été encore renforcées par la résolution 820 (1993), adoptée le 17 avril 1993, qui a un rapport direct avec la présente affaire. Cette résolution contient certaines dispositions relatives au transit de marchandises et de produits par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sur le Danube, la règle de base étant que ce transit « ne pourra se faire que lorsque le comité créé par la résolution 724 (1991) l'aura expressément autorisé » (voir paragraphe 15). La résolution prévoit, en outre, le gel des fonds appartenant aux autorités de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou à des entreprises établies dans cet État et des fonds contrôlés par lesdites autorités ou entreprises (paragraphe 21). Le Conseil de sécurité a décidé aussi « d'interdire le transport de tous produits et de toutes marchandises à travers les frontières terrestres ou en provenance ou à destination des ports de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) », des exceptions très limitées étant prévues pour les fournitures médicales et les produits alimentaires, les fournitures humanitaires essentielles et les transits autorisés (paragraphe 22).

8.

Le paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) a une importance capitale dans le contexte de la présente affaire. Le Conseil de sécurité y:

« Décide que tous les États saisiront tous les navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs se trouvant sur leur territoire dans lesquels une personne ou une entreprise de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant à partir de celle-ci détient un intérêt majoritaire ou prépondérant, et que ces navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs pourront être confisqués par l'État ayant effectué la saisie s'il est établi qu'ils ont agi en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992), 787 (1992), ou de la présente résolution ».

9.

Il y a une relation étroite entre ce paragraphe et le paragraphe 25, où il est décidé que:

« tous les États immobiliseront, en attendant qu'une enquête soit effectuée, tous les navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants, aéronefs et cargaisons qui auront été trouvés sur leur territoire et que l'on soupçonne d'avoir été ou d'être utilisés en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992), 787 (1992), ou de la présente résolution, et s'il est établi qu'ils sont en infraction, que ces navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs seront saisis et, selon le cas, pourront eux-mêmes ainsi que leurs cargaisons être confisqués par l'État qui les immobilise ».

10.

La résolution traite ensuite de la fourniture de...

To continue reading

Request your trial
17 practice notes
  • Ebony Maritime SA and Loten Navigation Co. Ltd v Prefetto della Provincia di Brindisi and others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 November 1996
    ...segundo del artículo 10 del mismo Reglamento, es compatible con este último.» (1) - Véase la sentencia de 30 de julio de 1996, Bosphorus (C-84/95, Rec. p. I-3953); véanse los asuntos Centro-Com (C-124/95) y Racke (C-162/96), ambos pendientes. (2) - Véanse también las conclusiones que presen......
  • SAM Schiffahrt GmbH and Heinz Stapf v Bundesrepublik Deutschland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 February 1997
    ...- Voir points 32 et 33 de l'avis 2/94 et points 51 et 52 de nos conclusions du 30 avril 1996 sous l'arrêt du 30 juillet 1996, Bosphorus (C-84/95, Rec. p. I-3953). (40) - Arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C-280/93, Rec. p. I-4973, point 78; arrêt Bosphorus, précité, note 39, point ......
  • The Queen v Secretary of State for Health, ex parte British American Tobacco (Investments) Ltd and Imperial Tobacco Ltd.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 September 2002
    ...Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) (OJ 1993 L 102, p. 14), which was examined by the Court in the Bosphorus case (Case C-84/95 Bosphorus [1996] ECR 90 – Council Regulation (EEC) No 3677/90 of 13 December 1990 laying down measures to be taken to discourage the diversion o......
  • Comisión de las Comunidades Europeas contra Irlanda.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 July 1998
    ...of 18 June 1992 relating to the coordination of procedures for the award of public service contracts (OJ 1992 L 209, p. 1). (12) - Case C-84/95 Bosphorus v Minister for Transport, Energy and Communications, Ireland and the Attorney General [1996] ECR I-3953, paragraph 11 and the references ......
  • Request a trial to view additional results
17 cases
  • Ebony Maritime SA and Loten Navigation Co. Ltd v Prefetto della Provincia di Brindisi and others.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 19 November 1996
    ...segundo del artículo 10 del mismo Reglamento, es compatible con este último.» (1) - Véase la sentencia de 30 de julio de 1996, Bosphorus (C-84/95, Rec. p. I-3953); véanse los asuntos Centro-Com (C-124/95) y Racke (C-162/96), ambos pendientes. (2) - Véanse también las conclusiones que presen......
  • SAM Schiffahrt GmbH and Heinz Stapf v Bundesrepublik Deutschland.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 February 1997
    ...- Voir points 32 et 33 de l'avis 2/94 et points 51 et 52 de nos conclusions du 30 avril 1996 sous l'arrêt du 30 juillet 1996, Bosphorus (C-84/95, Rec. p. I-3953). (40) - Arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil (C-280/93, Rec. p. I-4973, point 78; arrêt Bosphorus, précité, note 39, point ......
  • The Queen v Secretary of State for Health, ex parte British American Tobacco (Investments) Ltd and Imperial Tobacco Ltd.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 September 2002
    ...Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) (OJ 1993 L 102, p. 14), which was examined by the Court in the Bosphorus case (Case C-84/95 Bosphorus [1996] ECR 90 – Council Regulation (EEC) No 3677/90 of 13 December 1990 laying down measures to be taken to discourage the diversion o......
  • Comisión de las Comunidades Europeas contra Irlanda.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 16 July 1998
    ...of 18 June 1992 relating to the coordination of procedures for the award of public service contracts (OJ 1992 L 209, p. 1). (12) - Case C-84/95 Bosphorus v Minister for Transport, Energy and Communications, Ireland and the Attorney General [1996] ECR I-3953, paragraph 11 and the references ......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT