De Haan Beheer BV contra Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen te Rotterdam.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:135
Docket NumberC-61/98
Celex Number61998CC0061
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 March 1999
EUR-Lex - 61998C0061 - FR 61998C0061

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 11 mars 1999. - De Haan Beheer BV contre Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen te Rotterdam. - Demande de décision préjudicielle: Tariefcommissie - Pays-Bas. - Droits de douane - Transit externe - Fraude - Naissance et recouvrement de la dette douanière. - Affaire C-61/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-05003


Conclusions de l'avocat général

La question et son contexte

1 La question qui se pose en l'espèce consiste à savoir si les autorités douanières sont tenues d'avertir un commissionnaire en douane qui agit, de bonne foi, en tant que principal obligé dans le cadre d'une procédure de transit externe lorsqu'elles soupçonnent ou enquêtent sur l'éventualité d'une fraude commise dans le cadre de cette procédure, lui permettant ainsi de prendre des mesures visant à prévenir la naissance, dans son chef, d'une dette douanière afférente à des marchandises frauduleusement soustraites à la surveillance douanière et, dans l'affirmative, quelles peuvent être les conséquences, en particulier en ce qui concerne le recouvrement des droits de douane, du non-respect de cette obligation.

2 Le transit externe est un régime douanier qui s'applique à la circulation de marchandises non communautaires entre deux points du territoire douanier de la Communauté en vue de leur réexportation vers un autre pays tiers. Au cours du transit, ni droits de douane, ni taxe sur la valeur ajoutée, ni accises ne sont dus sur les marchandises. Le «principal obligé», qui est souvent commissionnaire-expéditeur ou commissionnaire en douane, est la personne responsable de l'application correcte du régime et du paiement de tous droits exigibles à la suite d'une infraction ou d'une irrégularité commise à l'occasion de ce transit.

3 Les circonstances de l'espèce, telles que décrites dans l'ordonnance de renvoi de la juridiction nationale et dans ses annexes, sont les suivantes.

4 La société De Haan Beheer BV (ci-après «De Haan»), commissionnaire en douane agissant en tant que principal obligé, a rempli, entre le 29 juillet et le 8 septembre 1993, des formulaires T1 - des déclarations aux fins d'une procédure de transit externe qui détaillent l'envoi et attestent de la bonne exécution des diverses étapes de cette procédure - pour sept lots de cigarettes non communautaires, sur lesquelles aucun droit n'avait été acquitté, destinées à l'exportation vers divers pays tiers, Anvers étant à chaque fois indiquée comme bureau de douane de destination dans la Communauté. En réalité, les cigarettes ne sont jamais arrivées à Anvers, car elles ont été frauduleusement soustraites de la surveillance douanière aux Pays-Bas. Un douanier d'Anvers a frauduleusement apposé un cachet sur les déclarations T1, créant ainsi l'apparence que les marchandises avaient été dûment réceptionnées au bureau de douane de destination (l'implication de ce fonctionnaire, bien que présentée par la juridiction de renvoi comme un fait, est apparemment contestée par la Commission. Il est cependant constant que des déclarations T1 ont été frauduleusement cachetées). Cette fraude était le fait de plusieurs personnes dont un collaborateur de De Haan, mais celle-ci ne connaissait ni ne soupçonnait aucune irrégularité.

5 Toutes ces opérations frauduleuses faisaient cependant l'objet d'une surveillance et d'une enquête menées par des fonctionnaires du Fiscale Inlichtingen- en Opsporingsdienst (service de renseignements et d'enquête en matière fiscale, ci-après le «FIOD»). Une enquête a été engagée à la suite d'un rapport du FIOD établi le 21 juin 1993. Le 25 juin 1993, un juge d'instruction a autorisé le FIOD à placer certaines conversations téléphoniques sur écoute, et cette écoute s'est poursuivie jusqu'au 14 septembre 1993. Le 26 juillet 1993 ou approximativement à cette date, l'écoute a permis de recueillir des informations relatives à certaines expéditions frauduleuses de cigarettes, la première devant intervenir le 29 juillet. L'enquête s'est poursuivie jusqu'au 9 septembre 1993 approximativement, lorsqu'un autre rapport a été établi, proposant la perquisition de certains lieux. Des mandats de perquisition ont été délivrés le 14 septembre 1993, donnant lieu à la découverte de plus de 5 millions de cigarettes sur lesquelles aucun droit n'avait été acquitté. Des suspects ont été interrogés, d'autres quantités de cigarettes récupérées et, le 5 novembre 1993, le FIOD a établi un rapport résumant les résultats de l'enquête.

6 Selon ce rapport, les volets joints au cinquième feuillet des déclarations T1 ont été frauduleusement cachetés et renvoyés à De Haan. L'ordonnance de renvoi précise cependant que le bureau de douane de départ a initialement considéré, sur la base des cachets frauduleux, que les deux premières déclarations T1 avaient été apurées, c'est-à-dire complétées d'une manière attestant du bon déroulement de l'opération de transit, alors que les copies des cinq autres déclarations n'ont jamais été renvoyées à ce bureau et De Haan a été avertie qu'elles n'avaient pas été apurées. Il ressort également du rapport du FIOD que, avant l'établissement du rapport, le collaborateur de De Haan impliqué dans la fraude avait été interrogé et avait fourni des informations sur la fraude, et qu'un certain M. De Haan, qui appartenait à la société, avait été entendu comme témoin.

7 Le 13 juillet 1994, De Haan a été sommée d'acquitter 2 463 318 HFL à titre de droits de douane sur les lots de cigarettes sous sa responsabilité. Elle a contesté cette injonction auprès des autorités douanières et, le 5 septembre 1995, l'Inspecteur der Invoerrechten en Accijnzen (l'inspecteur des droits à l'importation et des accises, ci-après l'«inspecteur») à Rotterdam a réduit de 888 287,40 HFL le montant exigible au motif que la valeur au détail des cigarettes avait été surévaluée. Conformément à cette décision, De Haan était donc encore tenue d'acquitter 1 575 030,60 HFL à titre de droits de douane. Le 10 octobre 1995, elle a fait appel de la décision de l'inspecteur devant la Tariefcommissie qui est, d'après le gouvernement néerlandais, la juridiction de premier et de dernier ressort en matière de droits à l'importation; c'est elle qui a déféré la demande de décision préjudicielle en l'espèce.

8 L'aspect suivant de l'affaire n'a pas été mentionné dans l'ordonnance de renvoi, mais a été souligné par De Haan, le gouvernement néerlandais et la Commission: en plus de sa réclamation auprès des autorités douanières, qui a mené à la décision de l'inspecteur et à l'appel subséquent devant la Tariefcommissie, De Haan a également demandé aux autorités douanières, le 31 mai 1995, la remise des droits à l'importation concernés dans le cadre d'une procédure distincte au titre de l'article 239 du code des douanes communautaire (1). Le 3 juin 1997, la direction des douanes de Rotterdam, estimant ne pas être en mesure de prendre une décision au titre de l'article 899 du règlement (CEE) n_ 2454/93 (2), a invité la Commission à prendre une décision au titre des articles 905 à 909 de ce règlement. La Commission a décidé, le 18 février 1998, que la remise des droits à l'importation n'était pas justifiée. Cette décision a été attaquée par le gouvernement néerlandais devant la Cour de justice dans le cadre de l'affaire C-157/98, et par De Haan devant le Tribunal de première instance dans le cadre de l'affaire T-150/98, ces deux recours étant suspendus (s'agissant de l'affaire C-157/98, à la demande du gouvernement néerlandais) en attendant que l'arrêt soit rendu en l'espèce.

9 La décision de la Commission - annexée aux observations du gouvernement néerlandais en l'espèce - est fondée pour l'essentiel sur les considérations suivantes: De Haan était responsable du bon déroulement de la procédure douanière; la possibilité de subir un préjudice à la suite d'éventuels actes frauduleux relève des risques commerciaux normaux; même si De Haan n'était pas elle-même impliquée dans la fraude, l'un de ses collaborateurs, dont elle était responsable, l'était; l'implication d'un fonctionnaire des douanes belges n'était pas démontrée; et aucune des circonstances ci-dessus, ni le fait que le FIOD, en vue de mener son enquête à terme, s'était abstenu de dévoiler ses informations à De Haan, ne pouvait constituer des circonstances particulières justifiant la remise des droits à l'importation au titre de l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 1430/79 (3).

10 Dans la procédure au principal, la Tariefcommissie a pris acte de l'argument de De Haan selon lequel, comme elle agissait de bonne foi et comme les enquêteurs savaient ce qui se tramait, les autorités douanières auraient dû la mettre au courant de la situation, du moins après le détournement frauduleux de la première expédition, de sorte à lui permettre de prendre des mesures - en n'établissant plus de déclarations T1 - de nature à prévenir la naissance dans son chef d'une dette douanière relative aux six expéditions subséquentes. Dès lors, le 24 février 1998, la Tariefcommissie a sursis à statuer et invité la Cour de justice à se prononcer à titre préjudiciel sur la question suivante:

«Les règles écrites ou non écrites du droit douanier communautaire imposent-elles aux autorités douanières, dans leurs rapports avec les redevables, une obligation du type de celle décrite au point 6.2 ci-dessus [celle d'avertir un déclarant se trouvant dans la situation du demandeur, alors qu'il est établi que ses déclarations ont été faites de bonne foi, dans le délai disponible d'approximativement dix jours, de l'éventualité d'une fraude] et, dans l'affirmative, quelles sont les conséquences juridiques de la méconnaissance de cette obligation par les autorités pour la constitution, la prise en compte et le recouvrement de la dette douanière?»

Le délai d'approximativement dix jours mentionné semble correspondre à la...

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