G. H. E. J. Wielockx contra Inspecteur der directe belastingen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:156
Date31 May 1995
Celex Number61994CC0080
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-80/94
EUR-Lex - 61994C0080 - FR 61994C0080

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 31 mai 1995. - G. H. E. J. Wielockx contre Inspecteur der directe belastingen. - Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Article 52 du traité CE - Obligation d'égalité de traitement - Imposition sur le revenu des non-résidents. - Affaire C-80/94.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-02493


Conclusions de l'avocat général

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1 La liste des arrêts de votre Cour examinant la compatibilité des réglementations internes portant sur la fiscalité directe avec le principe de libre circulation des personnes est déjà longue (1). La chambre fiscale du Gerechtshof te 's-Hertogenbosch vous demande aujourd'hui d'interpréter l'article 52 du traité CE au regard du régime néerlandais de réserve-vieillesse («oudedagsreserve»).

2 La loi néerlandaise relative à l'impôt sur les revenus du 16 décembre 1964 (2) définit, à son article 1er, les «contribuables nationaux» comme étant les personnes physiques résidant dans le royaume par opposition aux «contribuables étrangers» qui sont les personnes physiques qui, sans résider aux Pays-Bas, y perçoivent toutefois des revenus.

3 Par la loi du 16 novembre 1972 (3), complétant la loi de 1964, le législateur néerlandais a institué au profit des travailleurs non salariés (4) un régime volontaire de réserve-vieillesse fiscale qui leur permet de «réserver» une partie du bénéfice de leur entreprise pour constituer une réserve-vieillesse - qui n'exclut d'ailleurs pas l'adhésion à un régime de pension collectif. La réserve-vieillesse présente l'avantage que les sommes épargnées restent dans l'entreprise. Elle se caractérise par un régime fiscal très favorable.

4 En vertu de l'article 3, troisième alinéa, de la loi de 1964, les sommes «réservées» chaque année sont déductibles du bénéfice imposable (5). La réserve-vieillesse doit être supprimée lorsque le contribuable atteint l'âge de 65 ans (6). La réserve constituée est alors qualifiée de «revenu» et soumise à la perception de l'impôt soit en une fois sur le capital, soit sur les rentes versées périodiquement (lorsque le capital est converti en rentes). Les sommes «réservées» sont donc soumises à un impôt différé.

5 Aux termes des articles 48 et 49 de la loi de 1964, les contribuables étrangers sont imposés exclusivement sur le «revenu national imposable» constitué de l'ensemble des revenus acquis sur le territoire des Pays-Bas pendant une année civile diminué des pertes. D'après l'article 48, paragraphe 3, ce revenu peut faire l'objet de certaines déductions au nombre desquelles ne figure pas la réserve-vieillesse.

6 Il résulte, par conséquent, de la comparaison des articles 3, paragraphe 3, et 48, paragraphe 3, de la loi de 1964 que les contribuables nationaux bénéficient d'un avantage (la possibilité de constituer une assurance vieillesse déductible) dont sont privés les étrangers.

7 Ceux-ci sont privés d'un certain nombre d'avantages et notamment de la possibilité de déduire des engagements personnels et des charges extraordinaires (7) parce qu'il est présumé que ces éléments seront pris en compte par l'administration fiscale de l'État de résidence. Une circulaire ministérielle a toutefois prévu un correctif lorsque 90 % au moins des revenus mondiaux du contribuable non résident sont soumis à l'impôt sur le revenu aux Pays-Bas (8): les déductions sont alors possibles. La réserve-vieillesse n'est toutefois pas visée par ce texte.

8 C'est dans ce cadre juridique que s'inscrivent les questions préjudicielles posées par le juge national.

9 Ressortissant belge demeurant en Belgique, M. Wielockx exerce, à titre de travailleur indépendant associé, la profession de physiothérapeute à Venlo, aux Pays-Bas. Il n'exerce pas d'autre activité et ne perçoit pas d'autres revenus, notamment en Belgique.

10 En vertu de la convention contre les doubles impositions conclue entre la Belgique et les Pays-Bas (9), M. Wielockx est imposable aux Pays-Bas (10).

11 Il conteste son avis d'imposition pour l'année 1987.

12 L'intéressé entend déduire de son revenu imposable pour cet exercice (73 912 HFL réduits à 65 643 HFL par l'administration fiscale) la somme de 5 145 HFL au titre de la réserve-vieillesse, ce que les services fiscaux refusent. M. Wielockx saisit la chambre fiscale du Gerechtshof te 's-Hertogenbosch qui vous pose trois questions préjudicielles qui peuvent être résumées ainsi:

1) L'article 52 du traité s'oppose-t-il à ce qu'un État membre refuse le droit de constituer une réserve-vieillesse déductible aux contribuables non résidents?

2) Si une discrimination peut être identifiée, celle-ci est-elle justifiée par le fait que la déductibilité des montants ajoutés à la réserve-vieillesse ne pourrait être, en ce qui concerne les contribuables non résidents, compensée par le caractère imposable des montants retirés?

3) Le point de savoir si le contribuable étranger a perçu tous ses revenus, ou presque tous ses revenus, dans l'État d'emploi a-t-il une incidence?

13 Nous examinerons ensemble les première et troisième questions.

Sur les première et troisième questions

14 Il va de soi que l'on est, ici, dans le champ d'application de l'article 52 du traité: M. Wielockx a fait usage de la liberté de circuler dans la Communauté pour s'établir comme travailleur indépendant aux Pays-Bas.

15 Il n'est pas davantage discuté que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, «... il n'en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire...» (11). Vous en avez déduit que l'article 48 du traité était «... susceptible de limiter le droit pour un État membre de prévoir les conditions d'assujettissement et les modalités d'imposition des revenus perçus sur son territoire par un ressortissant d'un autre État membre, dans la mesure où cet article, en matière de perception des impôts directs, ne permet pas à un État membre de traiter un ressortissant d'un autre État membre qui, ayant fait usage de son droit de libre circulation, exerce une activité salariée sur le territoire du premier État, de façon moins favorable qu'un ressortissant national se trouvant dans la même situation» (12).

16 Pour le même motif, nous tirons la même conclusion en ce qui concerne l'article 52 du traité dont vous avez d'ailleurs déjà fait application à la matière de la fiscalité directe dans les arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France («avoir fiscal») (13), du 13 juillet 1993, Commerzbank (14), et du 12 avril 1994, Halliburton Services (15).

17 Jusqu'à présent, vous avez toujours considéré que l'article 52 du traité, appliqué à la matière fiscale, suppose - tout comme l'article 48 - la preuve d'une discrimination - ostensible ou déguisée. On notera toutefois, en passant, que des mesures indistinctement applicables pourraient avoir sur la libre circulation des personnes ou sur la liberté d'établissement un effet tout...

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