Deutsche Shell GmbH v Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:129
Date28 February 2008
Celex Number62006CJ0293
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-293/06

Affaire C-293/06

Deutsche Shell GmbH

contre

Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Hamburg)

«Liberté d’établissement — Impôt sur les sociétés — Effets monétaires lors du rapatriement du capital de dotation alloué par une société établie dans un État membre à un établissement stable lui appartenant, situé dans un autre État membre»

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 8 novembre 2007

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 28 février 2008

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale — Impôt sur les sociétés — Déduction des pertes

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE) et art. 58 (devenu art. 48 CE))

Les dispositions combinées des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE) s’opposent à ce qu’un État membre exclue une perte de change, subie par une société ayant son siège statuaire sur le territoire de cet État, lors du rapatriement du capital de dotation qu’elle avait alloué à un établissement stable lui appartenant, situé dans un autre État membre, pour la détermination de la base d’imposition nationale. Ces dispositions s’opposent également à ce qu’une perte de change ne puisse être déduite en tant que charge d’exploitation d’une entreprise ayant son siège dans un État membre que dans la mesure où l’établissement stable appartenant à cette dernière, situé dans un autre État membre, n’a réalisé aucun bénéfice en franchise d’impôt.

En effet, un tel régime fiscal augmente le risque économique encouru par une société établie dans un État membre souhaitant créer une entité dans un autre État membre, lorsqu’il est fait usage d’une devise différente de celle de l’État d’origine, et constitue ainsi une entrave à la liberté d'établissement. Elle n’est pas justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du régime fiscal, dès lors qu’il n’existe aucun rapport direct entre des pertes de change, d’une part, et des gains de change, d’autre part. Cette entrave ne saurait par ailleurs être justifiée par l'existence d'une convention préventive de la double imposition. Certes, la liberté d’établissement ne saurait être comprise en ce sens qu’un État membre est obligé d’établir ses règles fiscales en fonction de celles d’un autre État membre afin de garantir, dans toutes les situations, une imposition qui efface toute disparité découlant des réglementations fiscales nationales, étant donné que les décisions prises par une société quant à l’établissement de structures commerciales à l’étranger peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageuses ou désavantageuses pour une telle société. Mais le désavantage fiscal en cause porte sur une circonstance opérationnelle particulière qui ne peut être prise en considération que par les autorités fiscales de l’entreprise principale.

En ce qui concerne la limitation de l’imputation des pertes de change subies par ledit établissement stable en fonction de ses résultats, elle ne peut pas non plus être justifiée par l’argument tiré du fait que l’entreprise possédant cet établissement risquerait de bénéficier d’un double avantage au titre de la perte de change. En effet, un État membre, qui a renoncé à exercer ses compétences d’imposition en concluant une convention préventive de la double imposition, ne saurait invoquer l’absence de compétences d’imposition au regard des résultats d’un établissement stable qui appartient à une société établie sur le territoire de cet État pour justifier le refus de déduction des charges exposées par cette société qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d’être prises en compte dans l’État membre où est situé cet établissement.

(cf. points 30, 32, 40, 43-45, 47, 50-51, 53, disp.1-2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

28 février 2008 (*)

«Liberté d’établissement – Impôt sur les sociétés – Effets monétaires lors du rapatriement du capital de dotation alloué par une société établie dans un État membre à un établissement stable lui appartenant, situé dans un autre État membre»

Dans l’affaire C‑293/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne), par décision du 8 juin 2006, parvenue à la Cour le 3 juillet 2006, dans la procédure

Deutsche Shell GmbH

contre

Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2007,

considérant les observations présentées:

– pour Deutsche Shell GmbH, par Mes A. Raupach et D. Pohl, Rechtsanwälte,

– pour le Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg, par M. M. Fromm, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et M. de Mol ainsi que par M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et G. Wilms, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 novembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Deutsche Shell GmbH (ci-après «Deutsche Shell») au Finanzamt für Großunternehmen in Hamburg (ci-après le «Finanzamt») au sujet du traitement fiscal, par les autorités de la République fédérale d’Allemagne, de la dépréciation monétaire d’une dotation en capital (ci-après le «capital de dotation») allouée à un établissement stable de ladite société situé dans un autre État membre lors du rapatriement de ce capital.

Le cadre juridique

La convention préventive de la double imposition

3 Aux termes de l’article 3 de la convention préventive de la double imposition conclue le 31 octobre 1925 entre l’Allemagne et l’Italie (RGBl. 1925 II, p. 1146, ci-après la «convention»):

«1. Les impôts réels, qui frappent les revenus tirés de l’exploitation d’un commerce, d’une industrie ou de toute autre activité professionnelle de quelque nature que ce soit, ne sont perçus que par l’État sur le territoire duquel l’entreprise possède son établissement stable; […]

[…]

3. Si l’entreprise possède des établissements stables dans les deux États contractants, chacun de ceux-ci percevra les impôts réels sur la partie des revenus tirée de l’activité des établissements stables qui se trouvent sur son territoire. […]»

4 L’article 11 de la convention prévoit:

«Les impôts personnels, qui frappent le revenu global du contribuable, sont perçus par chacun des États contractants conformément aux dispositions suivantes:

(1) Les revenus

[…]

(c) provenant de l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de toute autre activité professionnelle, y compris les revenus de l’exploitation d’une entreprise de navigation maritime,

[…]

sont soumis aux mêmes dispositions que celles prévues pour ces revenus.

[…]»

La législation fiscale allemande applicable à l’époque des faits au principal

5 L’article 1er de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz), du 11 mars 1991 (BGBl. 1991 I, p. 637, ci-après le «KStG»), dispose:

«1. Sont soumises de manière illimitée à l’impôt sur les sociétés les entreprises suivantes […] qui ont leur centre administratif ou leur siège sur le territoire national:

1) Les sociétés de capitaux (sociétés par actions, sociétés à responsabilité limitée);

[…]

2. L’obligation illimitée d’acquitter l’impôt sur les sociétés s’étend à l’ensemble des revenus.»

6 Aux termes de l’article 12 du...

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