Ingmar GB Ltd contra Eaton Leonard Technologies Inc.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:230
Date11 May 2000
Celex Number61998CC0381
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-381/98
EUR-Lex - 61998C0381 - FR 61998C0381

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 11 mai 2000. - Ingmar GB Ltd contre Eaton Leonard Technologies Inc. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) - Royaume-Uni. - Directive 86/653/CEE - Agent commercial indépendant exerçant son activité dans un Etat membre - Commettant établi dans un pays tiers - Clause soumettant le contrat d'agence à la loi du pays d'établissement du commettant. - Affaire C-381/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-09305


Conclusions de l'avocat général

1 Depuis 1989, la société de droit anglais, Ingmar GB Ltd (ci-après «Ingmar») était l'agent commercial d'Eaton Leonard Technologies Inc., société de droit californien (ci-après «Eaton»), sur les territoires britannique et irlandais.

2 Après la fin du contrat d'agence commerciale, intervenue en 1996, Ingmar a introduit une action en justice en vue d'obtenir le paiement d'une commission ainsi que la réparation du préjudice causé par la cessation des relations entre les deux sociétés.

3 Aux prétentions formulées par Ingmar, fondées sur la législation britannique transposant la directive 86/653/CEE (1), Eaton oppose le fait que le droit applicable ne saurait être celui invoqué par le requérant, puisque le contrat liant les deux sociétés comporte une clause stipulant qu'il est régi par la loi de l'État de Californie (États-Unis).

4 Saisie du litige au principal, la Court of Appeal (England & Wales) (Royaume-Uni) estime nécessaire de vous interroger sur l'applicabilité de la directive au contrat litigieux, dans les circonstances de l'espèce, où les parties avaient expressément choisi de soumettre ce contrat à la loi d'un État tiers, plutôt qu'à la loi nationale transposant la législation communautaire pertinente.

I - La réglementation applicable

La directive

5 La directive, qui vise à la coordination des droits des États membres relatifs aux agents commerciaux, trouve sa justification dans le fait que «... les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l'intérieur de la Communauté, les conditions de concurrence et l'exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu'à la sécurité des opérations commerciales...» (2).

6 Selon le même considérant, «... ces différences sont de nature à gêner sensiblement l'établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents».

7 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive prévoit que «Les mesures d'harmonisation prescrites par la présente directive s'appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants».

8 Aux termes de l'article 17, paragraphe 1, de la directive, «Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, après cessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3». Les paragraphes 2 à 5 précisent les conditions auxquelles le paiement de l'indemnité et de la réparation est soumis, ainsi que leur mode de fixation.

9 L'article 18 énumère certains cas dans lesquels l'indemnité ou la réparation n'est pas due: cessation du contrat à l'initiative du commettant, pour un manquement imputable à l'agent commercial, ou cessation à l'initiative de l'agent commercial, sauf justifications spécifiques, ou encore, selon un accord avec le commettant, cession par l'agent commercial à un tiers des droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

10 Selon l'article 19 de la directive, «Les parties ne peuvent pas, avant l'échéance du contrat, déroger aux dispositions des articles 17 et 18 au détriment de l'agent commercial».

Le droit national

11 Au Royaume-Uni, la directive a été transposée par les Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993 (législation relative aux agents commerciaux portant transposition de la directive du Conseil (3)), entrées en vigueur le 1er janvier 1994, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, desdites Regulations.

12 L'article 1er, paragraphe 2, des Regulations indique que celles-ci «... régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants et, sous réserve du paragraphe 3, s'appliquent aux activités des agents commerciaux en Grande-Bretagne».

13 Selon l'article 1er, paragraphe 3, «Les articles 3 à 22 ne s'appliquent pas lorsque les parties sont convenues que le contrat d'agence sera régi par la loi d'un autre État membre».

II - Procédure au principal et question préjudicielle

14 Saisie par Ingmar du litige au principal, la High Court of Justice (Royaume-Uni) a rendu son jugement le 23 octobre 1997. Elle a jugé que les Regulations ne s'appliquaient pas, le contrat litigieux étant soumis à la loi de l'État de Californie.

15 Ingmar a interjeté appel du jugement devant la Court of Appeal. Estimant que la solution du litige au principal dépend de l'interprétation de la directive, cette dernière a sursis à statuer et vous a posé la question suivante:

«Selon les règles du droit anglais, il y a lieu de faire application de la loi choisie par les parties comme loi applicable sauf si un motif d'ordre public, tel qu'une disposition impérative, s'y oppose. Dans ces conditions, les dispositions de la directive 86/653/CEE du Conseil, telles que transposées dans les législations des États membres, et en particulier celles relatives au paiement d'une réparation aux agents, à l'expiration de leur contrat avec leur commettant, sont-elles applicables lorsque:

i) un commettant désigne un agent exclusif au Royaume-Uni et en Irlande pour y assurer la vente de ses produits, et que

ii) s'agissant de la vente de ces produits au Royaume-Uni, l'agent exerce ses activités au Royaume-Uni, et que

iii) le commettant est une société constituée dans un État tiers, et plus précisément dans l'État de Californie, États-Unis, dans lequel elle est également établie, et que

iv) la loi expressément choisie par les parties comme loi applicable au contrat est celle de l'État de Californie, États-Unis?»

III - Sur la question préjudicielle

16 Par la question posée, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les dispositions de la directive imposant, après la cessation d'un contrat d'agence commerciale, le paiement par le commettant d'une indemnité à son agent ou la réparation du préjudice causé à ce dernier s'appliquent au contrat par lequel le commettant a chargé un agent installé sur le territoire d'un État membre de la Communauté de vendre ses produits, à titre exclusif, sur le territoire communautaire, alors que, d'une part, le commettant est une entité établie sur le territoire d'un État tiers et, d'autre part, les cocontractants ont expressément choisi la loi de ce dernier État comme loi applicable au contrat.

17 Ainsi que cela ressort de son libellé, la question formulée par la Court of Appeal comporte en réalité deux interrogations.

18 En premier lieu, les parties ont débattu de la capacité de la directive à régir un contrat dont l'une des parties est installée dans un État tiers. À cette occasion, Eaton a notamment fait valoir que la courtoisie internationale s'opposait à l'application extraterritoriale des règles de fonds édictées par le droit interne (4).

Cet argument n'apparaît pas lié au choix de la loi par les parties au contrat. Il mérite qu'on lui consacre des développements indépendants de cette question, afin d'apprécier l'incidence que peut avoir, sur le droit applicable, la circonstance que les cocontractants ne sont pas tous deux établis sur le territoire communautaire. Il y a donc lieu de préciser le champ d'application territorial de la directive, puisque tel est, en définitive, le problème soulevé à cet égard.

19 En second lieu, dans l'hypothèse où la directive serait territorialement applicable, il convient de déterminer si ses dispositions relatives aux sommes dues par le commettant à l'agent à la suite de la cessation du contrat d'agence commerciale sont matériellement applicables, bien que le contrat soit expressément soumis, par la volonté des parties, à la loi d'un État tiers.

Sur le champ d'application territorial de la directive

20 À titre liminaire, rappelons qu'il est constant que le litige au principal relève du champ d'application matériel et temporel de la directive.

Le litige oppose, on le sait, un agent commercial à son commettant (5). Ainsi qu'il ressort de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive, celle-ci vise à harmoniser le droit des États membres en ce qui concerne les rapports juridiques entre ce type d'opérateurs économiques (6).

Il résulte, en outre, de la lecture combinée des paragraphes 1 et 3 de l'article 22 de la directive que, contrairement aux autres États membres, tenus à une transposition de la directive avant le 1er janvier 1990, l'Irlande et le Royaume-Uni devaient adopter les mesures de transposition avant le 1er janvier 1994. Comme pour les autres États membres, en revanche, ces mesures s'appliquaient, au plus tard, aux contrats qui étaient en cours à cette dernière date, ce qui couvre le contrat litigieux, conclu en 1989 et interrompu en 1996.

21 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que la High Court of Justice, premier juge à statuer dans l'affaire au principal, a estimé que les Regulations ne s'appliquaient que lorsque les deux parties au contrat étaient ressortissantes d'États membres, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Selon elle, aucun élément dans les Regulations ou la directive ne l'autorise à conclure que celles-ci doivent produire un effet extraterritorial (7).

22 En d'autres termes, l'application d'une norme de droit communautaire à un...

To continue reading

Request your trial
9 practice notes
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 9 June 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 June 2022
    ...presenti conclusioni, pagg. da 56 a 61. 18 V., a tal riguardo, conclusioni dell’avvocato generale Léger nella causa Ingmar (C‑381/98, EU:C:2000:230, paragrafi da 81 a 91), e conclusioni dell’avvocato generale Szpunar nella causa Agro Foreign Trade & Agency (C‑507/15, EU:C:2016:809, paragraf......
  • Anthony Goldstein v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 29 March 2001
    ...of Directives 77/249 and 98/5 is based almost exclusively on a quotation from the Opinion of 11 May 2000 of Advocate General Léger in Case C-381/98 Ingmar GB [2000] ECR I-9305. Citing in particular paragraph 33 of the Opinion, the applicant substitutes - without drawing the attention of the......
  • Anthony Goldstein v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 29 March 2001
    ...of Directive 93/16 is based almost exclusively on a quotation from the Opinion of 11 May 2000 of Advocate General Léger in Case C-381/98 Ingmar GB, not yet published in the ECR, judgment of 9 November 2000. Citing in particular paragraph 33 of the Opinion, the applicant substitutes - but wi......
  • Honyvem Informazioni Commerciali Srl v Mariella De Zotti.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 25 October 2005
    ...C‑215/97 Bellone [1998] ECR I-2191; Case C‑456/98 Centrosteel [2000] ECR I‑6007; and Case C‑485/01 Caprini [2003] ECR I-2371. In Case C‑381/98 Ingmar [2000] ECR I ‑9305 Articles 17 and 19 were the immediate subject of analysis. More recently Advocate General Geelhoed delivered his Opinion i......
  • Request a trial to view additional results
3 cases
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 9 June 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 June 2022
    ...cited in footnote 16 to this Opinion, pp. 56-61. 18 See, in that regard, Opinion of Advocate General Léger in Ingmar (C‑381/98, EU:C:2000:230, points 81 to 91), and Opinion of Advocate General Szpunar in Agro Foreign Trade & Agency (C‑507/15, EU:C:2016:809, points 36 and 19 See Directive 86......
  • Anthony Goldstein v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 29 March 2001
    ...of Directives 77/249 and 98/5 is based almost exclusively on a quotation from the Opinion of 11 May 2000 of Advocate General Léger in Case C-381/98 Ingmar GB [2000] ECR I-9305. Citing in particular paragraph 33 of the Opinion, the applicant substitutes - without drawing the attention of the......
  • Anthony Goldstein v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • General Court (European Union)
    • 29 March 2001
    ...of Directive 93/16 is based almost exclusively on a quotation from the Opinion of 11 May 2000 of Advocate General Léger in Case C-381/98 Ingmar GB, not yet published in the ECR, judgment of 9 November 2000. Citing in particular paragraph 33 of the Opinion, the applicant substitutes - but wi......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT