Procedimiento incoado por Vincent Pierre Oberle.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:89
Celex Number62017CC0020
Docket NumberC-20/17
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 February 2018
62017CC0020

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 22 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑20/17

Vincent Pierre Oberle

[demande de décision préjudicielle formée par le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Certificat successoral européen – Compétence générale d’une juridiction d’un État membre pour statuer sur l’ensemble d’une succession – Réglementation d’un autre État membre prévoyant l’établissement d’un certificat successoral national utilisé à des fins similaires »

I. Introduction

1.

Le règlement (UE) no 650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen ( 2 ), est appliqué depuis le 17 août 2015. Le présent renvoi préjudiciel est le troisième dans le cadre duquel une juridiction d’un État membre invite la Cour à interpréter les dispositions de ce règlement ( 3 ).

2.

En l’espèce, les doutes de la juridiction de renvoi portent sur la relation entre le règlement no 650/2012 et des règles nationales en matière de successions. Plus précisément, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) souhaite établir si l’article 4 du règlement no 650/2012 détermine également la compétence quant aux procédures de délivrance de certificats successoraux nationaux. Ceci signifierait que, dans ce domaine, les États membres ne pourraient plus instaurer de règles définissant la compétence nationale d’une manière différente de celle prévue par le règlement susmentionné.

3.

Cette problématique est extrêmement complexe et l’importance pratique de l’arrêt que la Cour sera amenée à prononcer en l’espèce dépasse celle de l’arrêt qui sera rendu dans l’affaire Mahnkopf ( 4 ). Je rappelle que cette dernière affaire pendante porte sur une disposition isolée de droit allemand. En l’espèce, en revanche, il s’agit de trancher une question potentiellement importante pour tous les États membres au sein desquels est prévue la possibilité, pour les autorités judiciaires, de procéder à la délivrance de certificats successoraux nationaux ( 5 ).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4.

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous g), et de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 650/2012 :

« g)

[on entend par] “décision”, toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès ;

[…]

2. Aux fins du présent règlement, le terme “juridiction” désigne toute autorité judiciaire, ainsi que toute autre autorité et tout professionnel du droit compétents en matière de successions qui exercent des fonctions juridictionnelles ou agissent en vertu d’une délégation de pouvoirs d’une autorité judiciaire ou sous le contrôle d’une autorité judiciaire, pour autant que ces autres autorités et professionnels du droit offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit de toutes les parties à être entendues, et que les décisions qu’ils rendent en vertu du droit de l’État membre dans lequel ils exercent leurs fonctions :

a)

puissent faire l’objet d’un recours devant une autorité judiciaire ou d’un contrôle par une telle autorité ; et

b)

aient une force et un effet équivalents à une décision rendue par une autorité judiciaire dans la même matière.

[…] »

5.

Selon l’article 4 du règlement no 650/2012, intitulé « Compétence générale », figurant dans le chapitre II de ce règlement, sous l’intitulé « Compétence » :

« Sont compétentes pour statuer sur l’ensemble d’une succession les juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès. »

6.

L’article 62, intitulé « Création d’un certificat successoral européen », du règlement no 650/2012 prévoit :

« 1. Le présent règlement crée un certificat successoral européen (ci‑après dénommé “certificat”), qui est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre et produit les effets énumérés à l’article 69.

2. Le recours au certificat n’est pas obligatoire.

3. Le certificat ne se substitue pas aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres. Toutefois, dès lors qu’il est délivré en vue d’être utilisé dans un autre État membre, le certificat produit également les effets énumérés à l’article 69 dans l’État membre dont les autorités l’ont délivré en vertu du présent chapitre. »

B. Le droit allemand

7.

Conformément à l’article 105 du Gesetz über das Verfahren in Familiensachen und in den Angelegenheiten der freiwilligen Gerichtsbarkeit (loi relative à la procédure en matière familiale et dans les affaires gracieuses, ci-après le « FamFG »), dans sa version du 17 décembre 2008, en vigueur depuis le 1er septembre 2009 :

« Dans le cadre des autres procédures prévues par la présente loi, les juridictions allemandes sont compétentes lorsqu’une juridiction allemande est territorialement compétente. »

8.

En matière de successions, la compétence territoriale en droit allemand est régie par l’article 343 du FamFG. Dans sa version résultant du Gesetz zum Internationalen Erbrecht und zur Änderung von Vorschriften zum Erbschein sowie zur Änderung sonstiger Vorschriften (loi sur le droit successoral international et modifiant les dispositions relatives au certificat d’hérédité ainsi que d’autres dispositions) du 29 juin 2015, entré en vigueur le 17 août 2015, cette disposition est libellée comme suit :

« 1. La juridiction territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

2. Si, au moment de son décès, le défunt n’avait pas de résidence habituelle sur le territoire national, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle le défunt avait sa dernière résidence habituelle sur le territoire national.

3. Si les conditions de la compétence en vertu des paragraphes 1 et 2 ne sont pas remplies, l’Amtsgericht Schöneberg (tribunal de district de Schöneberg) à Berlin est compétent lorsque le défunt est allemand ou lorsque des biens de la succession se trouvent sur le territoire national. […] »

III. Les faits de l’affaire au principal et la question préjudicielle

9.

Adrien Théodore Oberle, ressortissant français, dont la dernière résidence habituelle était située en France, est décédé le 28 février 2015. A.T. Oberle laisse deux fils à son décès. L’un d’entre eux est Vincent Pierre Oberle, le demandeur dans le cadre de l’affaire devant la juridiction de renvoi. Les éléments constitutifs de la succession se situent en France et en Allemagne.

10.

Une juridiction française a émis un certificat successoral national indiquant que V.P. Oberle et son frère sont héritiers chacun pour moitié.

11.

V.P. Oberle a ensuite formé une demande devant l’Amtsgericht Schöneberg (tribunal de district de Schöneberg, Allemagne), en tant que juridiction compétente quant à la succession d’A.T. Oberle au titre de l’article 105 et de l’article 343, paragraphe 3, première phrase, du FamFG, visant la délivrance d’un certificat successoral national, limité au patrimoine successoral situé en Allemagne. Ce certificat devait attester de ce que, conformément au droit français, V.P. Oberle et son frère avaient hérité du patrimoine concerné.

12.

Cependant, l’Amtsgericht Schöneberg (tribunal de district de Schöneberg) s’est déclaré incompétent aux fins de délivrer un certificat successoral national, sur le fondement des articles 4 et 15 du règlement no 650/2012. Selon cette juridiction, les dispositions du droit allemand ne peuvent déterminer la compétence internationale quant à la procédure relative à la demande de V.P. Oberle. En effet, les dispositions de droit national doivent s’incliner face à la primauté du règlement no 650/2012. En d’autres termes, ce sont les juridictions françaises (en leur qualité de juridictions de l’État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès) qui sont compétentes pour statuer sur l’ensemble de sa succession, en ce compris la demande de V.P. Oberle, et non les juridictions allemandes.

13.

V.P. Oberle a contesté la décision de l’Amtsgericht Schöneberg (tribunal de district de Schöneberg) devant la juridiction de renvoi.

IV. La question préjudicielle et la procédure devant la Cour

14.

En ces circonstances, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de soumettre la question suivante à l’appréciation de la Cour :

« L’article 4 du règlement no 650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’il détermine également la compétence internationale exclusive en matière de délivrance, dans les États membres, des certificats successoraux nationaux qui n’ont pas été remplacés par le certificat successoral européen (voir article 62, paragraphe 3, du règlement no 650/2012), si bien que les dispositions divergentes adoptées par les législateurs nationaux en ce qui concerne la compétence internationale en matière de délivrance des certificats successoraux nationaux – telles que l’article 105 du FamFG en Allemagne – sont inopérantes au motif qu’elles sont contraires à des dispositions de droit européen de rang supérieur ? »

15.

La demande de décision préjudicielle a été déposée...

To continue reading

Request your trial
5 practice notes
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 28 de octubre de 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 October 2021
    ...als an die Verbraucher in diesem Mitgliedstaat gerichtet betrachtet werden kann.“ 35 Vgl. meine Schlussanträge in der Rechtssache Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, Nr. 36 Vgl. meine Schlussanträge in der Rechtssache KP (C‑83/17, EU:C:2018:46, Nrn. 77 bis 79). 37 Richtlinie des Europäischen Par......
  • Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 14 July 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 July 2022
    ...aplicable a las sucesiones) (C‑80/19, EU:C:2020:569), apartado 70. 16 Véanse mis conclusiones presentadas en el asunto Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89), punto 90. 17 Véase el artículo 68, letra l), del Reglamento n.º 650/2012. El subrayado es mío. 18 Véase el artículo 23, apartado 2, letra e)......
  • WB contra Notariusz Przemysława Bac.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 February 2019
    ...distintos Estados miembros y a su definición, las conclusiones presentadas por el Abogado General Szpunar en el asunto Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89), puntos 23 a 25. En el artículo 62, apartado 3, del Reglamento n.º 650/2012, relativo al certificado sucesorio europeo, se utiliza la expresi......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 8 de julio de 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 8 July 2021
    ...et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107). 3 Voir mes conclusions dans l’affaire Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, point 4 En particulier, la juridiction de renvoi ne demande à la Cour ni de déterminer si les juridictions de l’État membre dont le de cujus a......
  • Request a trial to view additional results
5 cases
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 28 de octubre de 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 October 2021
    ...als an die Verbraucher in diesem Mitgliedstaat gerichtet betrachtet werden kann.“ 35 Vgl. meine Schlussanträge in der Rechtssache Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, Nr. 36 Vgl. meine Schlussanträge in der Rechtssache KP (C‑83/17, EU:C:2018:46, Nrn. 77 bis 79). 37 Richtlinie des Europäischen Par......
  • Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 14 July 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 14 July 2022
    ...aplicable a las sucesiones) (C‑80/19, EU:C:2020:569), apartado 70. 16 Véanse mis conclusiones presentadas en el asunto Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89), punto 90. 17 Véase el artículo 68, letra l), del Reglamento n.º 650/2012. El subrayado es mío. 18 Véase el artículo 23, apartado 2, letra e)......
  • WB contra Notariusz Przemysława Bac.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 February 2019
    ...distintos Estados miembros y a su definición, las conclusiones presentadas por el Abogado General Szpunar en el asunto Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89), puntos 23 a 25. En el artículo 62, apartado 3, del Reglamento n.º 650/2012, relativo al certificado sucesorio europeo, se utiliza la expresi......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 8 de julio de 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 8 July 2021
    ...et à la création d’un certificat successoral européen (JO 2012, L 201, p. 107). 3 Voir mes conclusions dans l’affaire Oberle (C‑20/17, EU:C:2018:89, point 4 En particulier, la juridiction de renvoi ne demande à la Cour ni de déterminer si les juridictions de l’État membre dont le de cujus a......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT