Tribunalul Botoşani y Ministerul Justiţiei contra Maria Dicu.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:195
Celex Number62017CC0012
Date20 March 2018
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-12/17
62017CC0012

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 20 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑12/17

Ministerul Justiţiei,

Curtea de Apel Suceava et

Tribunalul Botoşani

contre

Maria Dicu et

Consiliul Superior al Magistraturii

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Aménagement du temps de travail – Droit au congé annuel payé – Durée – Notion de “période de travail effectif” – Droit au congé parental – Non prise en compte de la durée du congé parental aux fins de la détermination du droit au congé annuel payé »

Introduction

1.

L’enjeu du présent renvoi préjudiciel est de déterminer si le droit de l’Union, et en particulier l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 2 ) ‐ lequel prévoit que « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales » ‐, impose aux États membres d’assimiler le temps consacré par un travailleur à son congé parental à une période de travail effectif ouvrant droit au congé annuel payé.

2.

Les faits du litige au principal sont les suivants.

3.

La défenderesse au principal, Mme Maria Dicu, est magistrate. Elle a bénéficié d’un congé de maternité du 1e octobre 2014 au 3 février 2015. Du 4 février 2015 au 16 septembre 2015, elle a bénéficié d’un congé dit « congé pour enfant à charge âgé de moins de deux ans ». Ce congé est régi par l’article 2, paragraphe 1, de l’ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 111/2010 privind concediul şi indemnizaţia lunară pentru creşterea copiilor (ordonnance d’urgence du gouvernement no 111/2010 relative au congé parental et à l’allocation mensuelle pour enfant à charge), lequel prévoit, en substance, que les personnes qui, au cours des deux années précédant la date de naissance de l’enfant, ont obtenu, sur une période d’au moins douze mois, des revenus salariaux ou assimilés, bénéficient d’un congé pour enfant à charge âgé de moins de deux ans et d’une allocation mensuelle.

4.

Au retour de son congé pour enfant à charge, la défenderesse au principal a demandé à sa juridiction d’affectation, le Tribunalul Botoşani (tribunal de grande instance de Botoşani, Roumanie), à bénéficier, à partir du 17 septembre 2015, d’un congé annuel payé au titre de l’année 2015 ( 3 ), ce qui lui a été accordé. Elle a obtenu, dans un premier temps, 30 jours de congé annuel payé jusqu’au 17 octobre 2015, puis elle a demandé, dans un deuxième temps, à prendre les cinq jours restant au cours du mois de décembre 2015, ce qui lui a été refusé, sa juridiction d’affectation ayant considéré que le congé dont elle a bénéficié ne pouvait être assimilé à une période de travail effectif ouvrant droit à un congé annuel payé. Le Tribunalul Botoşani (tribunal de grande instance de Botoşani) lui a, en outre, signifié à cette occasion qu’il serait finalement considéré qu’on lui avait accordé sept jours de congé annuel payé pour l’année 2016 de manière anticipée.

5.

Mme Dicu a contesté cette décision devant le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie) qui a accueilli son recours le 17 mai 2016 en considérant que le congé d’éducation dont elle avait bénéficié devait être considéré comme une période de travail effectif, au même titre que les périodes d’incapacité temporaire de travail ou que le congé de maternité, et qu’il poursuivait une finalité distincte de celle du congé annuel.

6.

Le Tribunalul Botoşani (tribunal de grande instance de Botoşani) ainsi que le Ministerul Justiţiei (ministère de la Justice, Roumanie) ont interjeté appel de cette décision devant la juridiction de renvoi. Ils font valoir que le législateur national a, en toute connaissance de cause, exclu le congé d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans de l’article 145, paragraphes 4 à 6, du code du travail roumain dont il ressort que seules les périodes d’incapacité temporaire de travail, de congé de maternité, de congé pour exposition à des risques particuliers pendant la grossesse ou l’allaitement et de congé pour enfant malade sont considérées comme des périodes de travail effectif aux fins de la détermination de la durée du congé annuel. Ils soutiennent que le congé d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans se distinguerait desdites périodes en raison du fait qu’il dépendrait de la seule volonté du travailleur concerné.

7.

La défenderesse au principal soutient devant la juridiction de renvoi qu’il découlerait d’une jurisprudence nationale que les tâches effectuées par les femmes relatives à l’éducation des enfants représenteraient un travail qui, lorsqu’il n’est pas assumé par les mères elles-mêmes, le serait par des nourrices rémunérées, ce qui plaiderait en faveur d’une assimilation du temps consacré au congé d’éducation d’un enfant en bas âge à du temps de travail effectif. Le congé d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans constituerait, par ailleurs, un risque du contrat de travail individuel qui pourrait survenir pour des raisons objectives relevant de l’intérêt supérieur de l’enfant alors que le congé annuel protégerait l’intérêt personnel et subjectif du travailleur. Le congé d’éducation d’un enfant âgé de moins de deux ans ne pourrait, dès lors, pas être considéré comme un congé volontaire.

8.

La juridiction de renvoi note que le Consiliul Superior al Magistraturii (conseil supérieur de la magistrature, Roumanie), qui a également la qualité de partie défenderesse dans la procédure au principal, s’est exprimé en ce sens que, d’après lui, eu égard à la jurisprudence de la Cour ( 4 ), un congé garanti par le droit de l’Union ne pourrait pas affecter un autre congé également garanti par le droit de l’Union comme le congé parental consacré par la directive 2010/18/UE du Conseil, du 8 mars 2010, portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental conclu par BUSINESSEUROPE, l’UEAPME, le CEEP et la CES abrogeant la directive 96/34/CE (ci-après l’« accord-cadre révisé ») ( 5 ). Or, le droit au congé annuel payé est garanti par l’article 7 de la directive 2003/88. L’importance particulière, en droit de l’Union, du droit au congé annuel payé devrait plaider en faveur de la prise en considération de la période de congé parental aux fins de la détermination du droit au congé annuel, d’autant plus que ces deux congés poursuivraient des finalités différentes (le repos du travailleur dans un cas, l’éducation d’un enfant dans l’autre) et que les bénéficiaires de la protection accordée au travers de l’octroi desdits congés seraient distincts (le travailleur dans le cas du congé annuel, l’enfant dans le cas du congé parental).

9.

Pour sa part, la juridiction de renvoi note que l’article 7 de la directive 2003/88 fait référence aux législations et pratiques nationales pour définir les conditions d’obtention du congé annuel payé. Si le législateur roumain a modifié la loi à la suite des arrêts Schultz-Hoff e.a. ( 6 ) et Dominguez ( 7 ) afin de considérer plus largement les périodes dites « de travail effectif », le juge de renvoi doute toutefois de la possibilité d’inclure dans lesdites périodes le congé parental, auquel il est constant entre les parties au principal que le congé d’éducation dont Mme Dicu a bénéficié s’assimile. En effet, pour le juge de renvoi, le congé payé annuel serait une des obligations à la charge de l’employeur en échange du travail fourni par le travailleur ; or, lorsqu’il est placé en congé parental, le travailleur ne fournirait pas la prestation qui fait naître le droit au congé annuel payé. De plus, la directive 2010/18 prévoirait que les États membres puissent accorder un congé parental d’une longueur maximale de huit ans et il semblerait excessif que l’employeur soit tenu d’octroyer un congé annuel payé pour une si longue période pendant laquelle le travailleur s’est consacré à l’éducation de son enfant. La protection offerte au travailleur pendant son congé parental devrait incomber plutôt à l’État, au titre des mesures de promotion de la cohésion de la famille, et non à l’employeur. Le raisonnement de la Cour dans les arrêts Schultz-Hoff e.a. ( 8 ) et Dominguez ( 9 ) ne serait pas transposable dans le cas où le travailleur se trouve en congé parental. Le juge de renvoi note également que, aux termes de la directive 2010/18, la définition du régime contractuel pendant le congé parental serait laissée à l’appréciation des États membres. Or, l’article 51, sous a), du code du travail roumain ( 10 ) prévoit une suspension du contrat de travail pendant le congé parental d’éducation d’un enfant en bas âge. Le juge de renvoi considère également que le but poursuivi par le congé annuel payé est distinct de celui poursuivi par le congé parental. Enfin, il écarte le reproche d’un traitement discriminatoire, au regard de la détermination du droit au congé payé annuel, que subirait un travailleur en situation de congé parental par rapport au travailleur qui n’a pas bénéficié d’un tel congé dans la mesure où les deux situations ne seraient pas comparables.

10.

C’est dans ces conditions que la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et, par décision de renvoi parvenue au greffe de la Cour le 10 janvier 2017, a adressé la question préjudicielle suivante à cette dernière :

« [L]’article 7 de la directive [2003/88 s’oppose-t-il] à une disposition nationale qui exclut, pour la détermination de la durée du congé annuel, que la période pendant laquelle...

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