Arnold André GmbH & Co. KG v Landrat des Kreises Herford.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:487
Date07 September 2004
Celex Number62002CC0434
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-210/03
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 7 septembre 2004(1)



Affaire C-434/02

Arnold André GmbH & Co. KG
contre
Landrat des Kreises Herford


[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Minden (Allemagne)]
et Affaire C-210/03

Swedish Match AB et
Swedish Match AB UK Ltd
contre
Secretary of State for Health


[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Administrative Court)]

«Légalité de l'article 8 de la directive 2001/37/CE du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac – Interdiction de la mise sur le marché des tabacs à usage oral – Maintien de la vente de ‘snus’ en Suède en vertu de l'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion de 1994 (annexe XV, chapitre X, ‘Divers’ ) – Proportionnalité d'une mesure d'interdiction totale de commercialisation (interprétation des articles 28 CE et 95 CE)»«Interprétation des articles 28 CE, 29 CE et 30 CE – Compatibilité d'une disposition de loi nationale interdisant la fourniture de tabacs à usage oral – Légalité de l'article 8 de la directive 2001/37/CE du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac – Interdiction de la vente des tabacs à usage oral – Maintien de la vente de ‘snus’ en Suède en vertu de l'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion de 1994»






I – Introduction 1. La question principale soulevée par les deux affaires est celle de la légalité de l'article 8 de la directive 2001/37/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac (2) (ci-après la «directive de 2001»). Dans l’affaire C‑434/02, la juridiction de renvoi est le Verwaltungsgericht Minden (Allemagne), et, dans l’affaire C-210/03, il s’agit de la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Administrative Court) (Royaume‑Uni). 2. En vertu de l’article 8 de la directive de 2001, les États membres sont tenus d’interdire la mise sur le marché des tabacs à usage oral, mais sans préjudice des dispositions de l'article 151 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l'«acte d'adhésion»). En Suède, le produit en cause au principal, appelé «snus», peut toujours être commercialisé. 3. Ces affaires peuvent être considérées comme la suite de l’affaire British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (3) , dans laquelle la Cour a analysé la légalité de la directive de 2001 dans son ensemble. L’analyse n’a pas alors révélé d’éléments de nature à affecter la légalité de cette directive. Cependant, compte tenu des questions posées par la juridiction de renvoi dans cette affaire, la Cour n’a pas spécifiquement examiné l’article 8 de ladite directive. 4. L’article 8 interdit la mise sur le marché d’un produit consommé à très petite échelle dans l’Union européenne, et qui l'est surtout dans un État membre (la Suède), tandis que la commercialisation des autres produits plus ordinaires à base de tabac est encore permise, sous un certain nombre de conditions strictes. En outre, l’usage oral du tabac est moins nocif pour la santé que le fait de fumer des cigarettes et des cigares, ce qui a été plaidé devant la Cour et trouve un appui dans de nombreux rapports scientifiques. 5. Un autre facteur important en l’espèce est que l’interdiction des tabacs à usage oral a été introduite en 1992 dans le cadre d’un ensemble cohérent de mesures destinées à lutter contre l’usage du tabac. La raison avancée pour justifier l’interdiction était que les produits visés étaient encore inconnus sur le marché communautaire et pouvaient rencontrer un certain succès auprès des jeunes gens. L’interdiction a été confirmée dans la directive de 2001, bien que les circonstances aient entre-temps connu un certain nombre de changements importants. Premièrement, le royaume de Suède, où l’usage du «snus» est ancré dans la tradition et très répandu, a adhéré à l’Union européenne. Deuxièmement, la politique communautaire relative aux produits du tabac sans combustion autres que ceux à usage oral tendait, contrairement à la politique en matière de cigarettes, à devenir plus souple. 6. Dans ce contexte, il est demandé à la Cour de répondre aux questions suivantes:
Une interdiction totale de mise sur le marché de certains produits peut-elle être fondée sur l’article 95 CE?
L’interdiction concernant les tabacs à usage oral est-elle compatible avec le principe de proportionnalité?
Dans quelle mesure le droit communautaire requiert-il l’égalité de traitement de produits similaires?
Le législateur communautaire a-t-il respecté son obligation de motiver l'interdiction?
7. Dans les affaires au fond, la question de l'applicabilité d'un certain nombre d'autres principes juridiques a également été soulevée, en particulier par les parties demanderesses. Mentionnons tout d'abord les droits fondamentaux protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier le droit de propriété et la liberté du commerce et de l'industrie, et, en deuxième lieu, le droit de choisir du consommateur, dans la mesure où l'interdiction aboutissait à nier le droit du consommateur de choisir des produits du tabac moins nocifs. Ces points peuvent être appréciés en se référant simplement à l'arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, et à d'autres décisions rendues par la Cour dans des affaires de restrictions à la libre circulation des marchandises. Il n'en sera pas question dans nos conclusions. 8. Un autre argument avancé par les demanderesses au principal intéresse le droit à la libre circulation des marchandises lui-même et est tiré du fait que le «snus» peut être légalement commercialisé dans un État membre. Selon elles, le fait que le «snus» ne soit légalement disponible qu'en Suède est un obstacle au marché intérieur. Toutefois, puisque cet obstacle est prévu par un traité, plus particulièrement par l'acte d'adhésion, il n'appartient pas à la Cour de vérifier s'il peut être justifié par l'intérêt général. II – Cadre juridique 9. Les produits du tabac à usage oral ont été interdits de mise sur le marché par la directive 92/41/CEE du Conseil, du 15 mai 1992 (4) (ci‑après la «directive de 1992»), modifiant la directive 89/622/CEE concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière d'étiquetage des produits du tabac (ci-après la «directive de 1989»). 10. En vertu de l'article 8 bis de la directive de 1989 (telle que modifiée par celle de 1992), les États membres doivent interdire la mise sur le marché des tabacs à usage oral, tels que définis à l'article 2, point 4, de la directive. Cette disposition définit les «tabacs à usage oral» comme «tous les produits destinés à un usage oral, à l'exception de ceux destinés à être fumés ou mâchés, constitués totalement ou partiellement de tabac, sous forme de poudre, de particules fines ou toute combinaison de ces formes – notamment ceux présentés en sachets-portions ou sachets poreux – ou sous une forme évoquant une denrée comestible». Cette définition est restée la même dans la directive de 2001. Elle comprend le «snus» (5) . 11. D'après le préambule de la directive de 1992, l'interdiction concernant les tabacs à usage oral repose sur le risque qu'ils représentent pour la santé, et plus particulièrement sur les considérations suivantes:
il est prouvé que les produits du tabac sans combustion constituent un facteur de risque majeur de cancer;
les experts scientifiques estiment que la dépendance entraînée par la consommation de tabac constitue un danger justifiant qu'il fasse l'objet d'un avertissement spécifique sur tout produit du tabac;
de nouveaux produits du tabac à usage oral apparaissant sur le marché de certains États membres exercent un attrait particulier sur les jeunes;
il existe un risque réel que ces nouveaux produits à usage oral soient utilisés, par les jeunes surtout, entraînant ainsi une dépendance à l'égard de la nicotine, si des mesures restrictives ne sont pas prises en temps utile;
conformément aux conclusions des études du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), les tabacs à usage oral sont caractérisés par la présence de quantités particulièrement élevées de substances cancérigènes; ces nouveaux produits provoquent notamment des cancers de la bouche;
la seule mesure appropriée est l'interdiction totale; toutefois, cette interdiction ne concerne pas les produits du tabac à usage oral de longue tradition.
12. Puisque l'article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE) constituait le fondement juridique de la directive de 1992, le préambule fait également référence au marché intérieur. En particulier, il y est constaté que «les interdictions de mise sur le marché déjà introduites par trois États membres en ce qui concerne ces tabacs ont une incidence directe sur...

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