Commission of the European Communities v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:495
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-318/05
Date11 September 2007
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62005CJ0318

Affaire C-318/05

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d'État — Articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE — Législation en matière d'impôt sur le revenu — Frais de scolarité — Droit à déduction limité aux frais de scolarité versés à des établissements privés nationaux»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Services — Notion

(Art. 50 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 49 CE)

3. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Liberté d'établissement — Législation fiscale

(Art. 39 CE et 43 CE)

4. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Législation fiscale

(Art. 18 CE)

1. Les cours dispensés par des établissements faisant partie d'un système d'enseignement public et qui sont financés, entièrement ou principalement, par des fonds publics sont exclus de la notion de services au sens de l'article 50 CE. En effet, en établissant et en maintenant un tel système d'enseignement public, financé en règle générale par le budget public et non par les élèves ou leurs parents, l'État n'entend pas s'engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission dans les domaines social, culturel et éducatif envers sa population.

En revanche, les cours dispensés par des établissements d'enseignement financés, pour l'essentiel, par des fonds privés, notamment par les étudiants et leurs parents, constituent des services au sens de l'article 50 CE, le but poursuivi par ces établissements consistant, en effet, à offrir un service contre rémunération. Il n'est pas nécessaire à cet égard que ce financement privé soit assuré principalement par les élèves ou leurs parents. En effet, l'article 50 CE n'exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient.

(cf. points 68-70)

2. Lorsque les contribuables d'un État membre scolarisent leurs enfants dans une école située dans un autre État membre et financée pour l'essentiel par des fonds privés, le premier État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une telle école de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

Une telle réglementation est constitutive d'une entrave à la libre prestation des services garantie par l'article 49 CE en ce qu'elle a pour effet de dissuader les contribuables résidant dans l'État membre concerné de scolariser leurs enfants dans des écoles établies dans un autre État membre. Par ailleurs, elle entrave également l'offre de formation émanant d'établissements d'enseignement privés établis dans d'autres États membres et destinée aux enfants de contribuables résidant dans le premier État membre.

Le refus d'accorder l'abattement fiscal en cause s'agissant des frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre ne saurait être justifié par l'objectif d'assurer une couverture des frais de fonctionnement des écoles privées sans qu'il en résulte une charge déraisonnable pour l'État, dès lors que cet objectif pourrait être atteint par des moyens moins contraignants. En effet, afin d'éviter une charge financière excessive, il est loisible à un État membre de limiter le montant déductible au titre des frais de scolarité à un montant déterminé, correspondant à l'abattement fiscal accordé par cet État, compte tenu de certaines valeurs qui lui sont propres, pour la fréquentation d'écoles situées sur son territoire, ce qui constituerait un moyen moins contraignant que le refus d'octroi de l'abattement fiscal en cause. Il apparaît en tout état de cause disproportionné d'exclure totalement de cet abattement les frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre indépendamment du point de savoir si ces écoles remplissent des critères objectifs fixés sur la base de principes propres à chaque État membre et permettant de déterminer quels types de frais de scolarité ouvrent droit audit abattement fiscal.

(cf. points 80-81, 97-100, 139, disp. 1)

3. Manque aux obligations lui incombant en vertu des articles 39 CE et 43 CE un État membre qui exclut de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une école située dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

En effet, une telle réglementation désavantage notamment les travailleurs salariés et indépendants qui ont transféré leur domicile dans l'État membre concerné ou qui y travaillent et dont les enfants continuent à fréquenter une école payante située dans un autre État membre. Elle est également susceptible de placer des ressortissants nationaux dans une position désavantageuse lorsqu'ils transfèrent leur domicile dans un autre État membre, dans lequel leurs enfants fréquentent une école payante.

(cf. points 116, 118, 121, 139, disp. 1)

4. Lorsque les enfants des contribuables d'un État membre sont scolarisés dans un autre État membre, dans une école dont les prestations ne sont pas couvertes par l'article 49 CE, le premier État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 18 CE en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une telle école de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

Une telle réglementation a pour effet de désavantager de manière injustifiée lesdits enfants par rapport à ceux qui n'ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation en se rendant dans une école établie dans un autre État membre pour y suivre leur scolarité et porte atteinte aux droits qui leur sont conférés par l'article 18, paragraphe 1, CE.

(cf. points 137, 139, disp. 1)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

11 septembre 2007 (*)

«Manquement d’État – Articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE – Législation en matière d’impôt sur le revenu – Frais de scolarité – Droit à déduction limité aux frais de scolarité versés à des établissements privés nationaux»

Dans l’affaire C-318/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 17 août 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K. Gross et R. Lyal, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et U. Forsthoff, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas (rapporteur) et K. Lenaerts, présidents de chambre, M. J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en excluant sans exception les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école établie dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, dans sa version publiée le 19 octobre 2002 (Einkommensteuergesetz, BGBl. 2002 I, p. 4210, ci-après l’«EStG»), la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE.

La réglementation nationale en cause

2 En vertu de la réglementation allemande, les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école privée sont couverts par les abattements fiscaux pour enfants à charge ainsi que par les allocations familiales. Dans la mesure où des frais supplémentaires liés à la formation sont occasionnés par l’hébergement en internat, ceux-ci ouvrent droit de manière forfaitaire à l’abattement fiscal pour formation prévu à l’article 33a, paragraphe 2, de l’EStG. Il en va de même des dépenses supplémentaires découlant de la fréquentation d’une école étrangère.

3 En ce qui concerne la déduction des frais de scolarité au titre des dépenses spéciales («Sonderausgaben»), l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG dispose:

«Les dépenses spéciales [donnant droit à une déduction au titre de l’impôt sur le revenu] correspondent aux dépenses suivantes, dès lors qu’il ne s’agit ni de charges d’exploitation ni de charges professionnelles:

1. […]

9. 30 % du montant acquitté par le contribuable pour la fréquentation, par un enfant pour lequel il bénéficie d’un abattement pour enfant à charge ou d’allocations familiales, d’une école de substitution agréée par l’État ou autorisée par le droit du Land, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la [l]oi fondamentale, ou d’une école complémentaire d’enseignement général reconnue par le droit du Land, à l’exception du prix de l’hébergement, de la surveillance et des repas.»

4 L’article 7, paragraphe 4, de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, du 23 mai 1949 (Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, ci-après la «loi fondamentale»), auquel il est fait référence, énonce:

«(4) Le droit de fonder des écoles privées est garanti. Les écoles privées qui se substituent aux écoles publiques doivent être agréées par l’État et sont soumises aux lois des Länder. L’agrément doit être délivré lorsque les écoles privées ne sont pas d’un niveau inférieur aux écoles publiques quant à leurs programmes, leurs installations et la formation scientifique de leur personnel enseignant, ni ne favorisent une sélection des élèves fondée sur la fortune des...

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