ArcelorMittal Luxembourg SA v European Commission (C-201/09 P) and European Commission v ArcelorMittal Luxembourg SA and Others (C-216/09 P).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:190
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 March 2011
Docket NumberC-216/09,C-201/09
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62009CJ0201

Affaires jointes C-201/09 P et C-216/09 P

ArcelorMittal Luxembourg SA

contre

Commission européenne
et
Commission européenne
contre
ArcelorMittal Luxembourg SA, anciennement Arcelor Luxembourg SA, e.a.

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché communautaire des poutrelles en acier — Décision constatant une infraction à l’article 65 CA après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) nº 1/2003 — Compétence de la Commission — Imputabilité du comportement infractionnel — Autorité de la chose jugée — Droits de la défense — Prescription — Notion de ‘suspension’ de la prescription — Effets erga omnes ou inter partes — Défaut de motivation»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Ententes — Ententes soumises ratione materiae et ratione temporis au régime juridique du traité CECA — Expiration du traité CECA — Maintien d'un contrôle par la Commission agissant sur le fondement du règlement nº 1/2003

(Art. 65, § 1, CA; règlement du Conseil nº 1/2003)

2. Actes des institutions — Application dans le temps — Expiration du traité CECA — Décision de la Commission adoptée à l'encontre d'une entreprise après l'expiration du traité CECA et visant des faits antérieurs à l'expiration dudit traité — Principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime — Portée — Responsabilité des entreprises pour leurs comportements violant les règles de concurrence, dans le contexte de la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA — Règles de fond — Règles de procédure

(Art. 65, § 1, CA; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 7, § 1, et 23, § 2)

3. Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci

(Art. 81 CE et 82 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

4. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Durée excessive de la procédure administrative — Disparition des éléments de preuve pertinents aux fins de l'exercice des droits de la défense — Charge de la preuve

(Règlement du Conseil nº 1/2003)

5. Concurrence — Procédure administrative — Prescription en matière de poursuites — Suspension — Décision de la Commission faisant l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice — Portée

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, 25, § 3 et 6, et 26, § 2; décision générale nº 715/78, art. 2, 3 et 4, § 2)

1. Conformément à un principe commun aux systèmes juridiques des États membres, dont les origines peuvent être retracées jusqu'au droit romain, il y a lieu, en cas de changement de législation, d'assurer, sauf expression d'une volonté contraire par le législateur, la continuité des structures juridiques. Ce principe s’applique aux modifications du droit primaire de l’Union.

Il n'existe à cet égard aucun indice de ce que le législateur de l'Union aurait souhaité que les comportements collusoires interdits sous l'empire du traité CECA puissent échapper à l'application de toute sanction après l'expiration de ce dernier. La succession des traités CECA, CE et FUE assure, en vue de garantir une libre concurrence, que tout comportement correspondant à l'état de fait prévu à l'article 65, paragraphe 1, CA, qu'il ait eu lieu avant ou après l'expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002, ait pu être sanctionné par la Commission et puisse continuer de l'être.

Dans ces circonstances, il serait contraire à la finalité ainsi qu’à la cohérence des traités et inconciliable avec la continuité de l’ordre juridique de l’Union que la Commission soit sans qualité pour assurer l’application uniforme des normes se rattachant au traité CECA qui continuent de produire des effets même après l’expiration de ce dernier. Dès lors, le Tribunal ne commet pas d'erreur de droit en interprétant le règlement nº 1/2003 comme permettant à la Commission de constater et de sanctionner, après l'expiration du traité CECA, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis.

(cf. points 62-66)

2. Le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l'Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. À cet égard, dans la mesure où les traités définissent clairement les infractions ainsi que la nature et l’importance des sanctions pouvant être infligées aux entreprises pour infraction aux règles de concurrence, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne visent pas à garantir aux entreprises que des modifications ultérieures des bases juridiques et des dispositions procédurales leur permettent d’échapper à toute sanction relative à leurs comportements infractionnels passés.

S'agissant d'une décision de la Commission concernant une situation juridique définitivement acquise antérieurement à l'expiration du traité CECA et ayant été adoptée à l'encontre d'une entreprise après l'expiration dudit traité, le Tribunal ne commet pas d'erreur en concluant, d'une part, que le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps ainsi que les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des règles matérielles prévues à l’article 65, paragraphes 1 et 5, CA à des faits ayant eu lieu avant l'expiration du traité CECA et relevant du champ d’application ratione materiae et ratione temporis de ce traité. À cet égard, l’article 65, paragraphes 1 et 5, CA prévoyait une base légale claire pour infliger une sanction pour infraction aux règles de concurrence, de sorte qu'une entreprise diligente ne pouvait à aucun moment ignorer les conséquences de son comportement ni compter sur le fait que la succession du cadre juridique du traité CE à celui du traité CECA aurait pour conséquence de la faire échapper à toute sanction pour les infractions à l’article 65 CA commises dans le passé.

En ce qui concerne, d'autre part, les dispositions procédurales applicables, c'est à bon droit que le Tribunal a conclu que la Commission est compétente pour conduire la procédure conformément aux articles 7, paragraphe 1, et 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003. En effet, la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution de l’Union à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci et les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer au moment où elles entrent en vigueur.

(cf. points 67-70, 73-75)

3. La notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans le contexte du droit de la concurrence de l'Union, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction.

Le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale, et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché. D’autres circonstances, telles que l’absence de contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, peuvent être prises en compte par le juge de l'Union, sans pour autant conditionner la mise en œuvre de la présomption mentionnée.

(cf. points 95-99)

4. Il incombe à l’entreprise qui soutient que la durée excessive de la procédure administrative a eu une incidence sur l’exercice des droits de la défense de démontrer à suffisance de droit que, en raison de ladite durée excessive, elle a éprouvé des difficultés pour se défendre contre les allégations de la Commission.

Ainsi, une société diligente, destinataire d'une décision de la Commission qu'elle a attaquée et ayant la qualité de partie à une première procédure devant le juge de l'Union, devrait conserver les documents nécessaires à sa défense. A défaut, elle devrait indiquer de manière circonstanciée, sinon les éléments de preuve...

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