Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst v Deutsche Bank AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:484
Date19 July 2012
Celex Number62011CJ0044
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑44/11
62011CJ0044

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

19 juillet 2012 ( *1 )

«Directive 2006/112/CE — Article 56, paragraphe 1, sous e) — Article 135, paragraphe 1, sous f) et g) — Exonération des opérations de gestion du patrimoine au moyen de valeurs mobilières (gestion de portefeuille)»

Dans l’affaire C‑44/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 28 octobre 2010, parvenue à la Cour le 31 janvier 2011, dans la procédure

Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst

contre

Deutsche Bank AG,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas (rapporteur), A. Ó Caoimh et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2012,

considérant les observations présentées:

pour le Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst, par M. M. Baueregger, en qualité d’agent,

pour Deutsche Bank AG, par MM. P. Farmer et P. Freund, barristers,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Murrell, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, solicitor,

pour la Commission européenne, par Mmes C. Soulay et L. Lozano Palacios ainsi que par M. B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56, paragraphe 1, sous e), et 135, paragraphe 1, sous f) et g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), ci-après la «directive 2006/112»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst (ci-après le «Finanzamt») à Deutsche Bank AG (ci-après «Deutsche Bank»), au sujet, notamment, de la qualification, aux fins de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), de la gestion de patrimoine au moyen de valeurs mobilières (ci-après la «gestion de portefeuille») effectuée par Deutsche Bank.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3

L’article 56 de la directive 2006/112 disposait au moment des faits au principal:

«1. Le lieu des prestations de services suivantes, fournies à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[…]

e)

les opérations bancaires, financières et d’assurance, y compris celles de réassurance, à l’exception de la location de coffres-forts;

[…]»

4

Aux termes de l’article 135 de cette directive:

«1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes:

a)

les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance;

[…]

f)

les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l’article 15, paragraphe 2;

g)

la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres;

[…]»

La réglementation allemande

5

L’article 3 bis, paragraphe 3, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée de 2005 (Umsatzsteuergesetz 2005), dans sa rédaction en vigueur au moment des faits au principal (ci-après l’«UStG»), énonçait:

«Si le preneur d’une des autres prestations mentionnées au paragraphe 4 est une entreprise, par dérogation au paragraphe 1, la prestation est réputée fournie à l’endroit où le preneur exerce son activité. Toutefois, si la prestation est effectuée à l’intention de l’établissement stable d’un entrepreneur, c’est là qu’est réputée fournie la prestation. Si le preneur d’une des autres prestations mentionnées au paragraphe 4 n’est pas une entreprise et a son domicile ou son siège sur le territoire d’un pays tiers, la prestation est réputée effectuée audit domicile ou siège.»

6

L’article 3 bis, paragraphe 4, point 6, sous a), de cette loi disposait:

«Au sens du paragraphe 3, on entend par ‘autres prestations’:[…]

a)

les autres prestations du type de celles décrites à l’article 4, points 8, sous a) à h), et 10 ainsi que la gestion de crédits et de garanties de crédit, […]»

7

Aux termes de l’article 4, point 8, sous e) et h), de l’UStG:

«Parmi les opérations visées à l’article 1er, paragraphe 1, point 1, sont exonérées:

[…]

e)

les opérations sur valeurs mobilières, y compris la négociation de ces opérations, à l’exception de la garde et de la gestion de valeurs mobilières,

[…]

h)

la gestion de fonds d’investissement en application de la loi sur les investissements [Investmentgesetz] et la gestion des organismes de retraite conformément à la loi sur le contrôle des opérations et des compagnies d’assurances [Versicherungsaufsichtsgesetz];

[…]»

8

Aux termes d’une communication du ministère des Finances, qui constitue une circulaire interprétative qui ne lie pas les tribunaux:

«L’article 3 bis, paragraphes 3 et 4, point 6, sous a), de l’UStG ne s’applique pas à la détermination du lieu des opérations de gestion de patrimoine. Il n’est pas non plus possible d’appliquer directement l’article 56, paragraphe 1, sous e) de la directive 2006/112/CE, en vertu duquel le lieu de l’exécution se détermine, dans certains cas, s’agissant des ‘opérations bancaires, financières et d’assurance’, en fonction du siège ou de l’établissement du preneur. Les ‘opérations bancaires, financières et d’assurance’ représentent des notions de droit communautaire et doivent être interprétées en tant que telles. La directive 2006/112/CE — et, jusqu’au 31 décembre 2006, également la [sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme (JO L 145, p. 1)] — ne [définit] certes pas précisément ce que recouvrent ces notions. Cependant, la directive 2006/112/CE comporte à son article 135, paragraphe 1, sous a) à f), [...] des déclarations précises sur l’interprétation de ces notions. La gestion de patrimoine ne figure pas dans les dispositions susmentionnées. Il ne résulte pas non plus de l’article 56, paragraphe 1, sous e), de la directive 2006/112/CE […] que cette disposition soit censée également englober d’autres opérations bancaires, financières et d’assurance.

La ‘gestion de patrimoine’, qui est une prestation unique, est taxable. L’exonération prévue à l’article 4, point 8, sous e), de l’UStG ne s’applique pas, car la gestion de patrimoine (gestion de portefeuille) n’appartient pas aux opérations favorisées en vertu des dispositions susmentionnées. […]»

Les faits à l’origine du litige au principal et les questions préjudicielles

9

Au cours de l’année 2008, Deutsche Bank a fourni, directement et par l’intermédiaire de sociétés filiales, des prestations de gestion de portefeuille à des clients investisseurs. Ces derniers ont chargé Deutsche Bank de gérer de manière autonome des valeurs mobilières en tenant compte des stratégies de placement choisies par ces clients investisseurs, sans recueillir préalablement leurs instructions, ainsi que de prendre toutes mesures pertinentes à cette fin. Deutsche Bank était habilitée à disposer des actifs (valeurs mobilières) au nom et pour le compte des clients investisseurs.

10

Les clients investisseurs versaient une rémunération annuelle représentant 1,8 % de la valeur du patrimoine géré. Cette rémunération comportait une partie afférente à la gestion de patrimoine, s’élevant à 1,2 % de la valeur du patrimoine géré, et une partie concernant l’achat et la vente de valeurs mobilières, correspondant à 0,6 % de l’actif. Elle englobait également la tenue de comptes courants et de comptes de titres ainsi que les commissions de souscription pour l’acquisition de participations, y compris des participations dans des fonds gérés par des entreprises de Deutsche Bank.

11

À la fin de chaque trimestre civil ainsi qu’en fin d’année, chaque client investisseur recevait un rapport sur l’évolution de la gestion de son patrimoine et avait le droit, à tout moment, de mettre fin sans préavis au mandat de gestion.

12

En remettant sa déclaration préalable de TVA pour la période comptable du mois de mai de l’année 2008, Deutsche Bank a précisé au Finanzamt qu’elle considérait que les prestations effectuées dans le cadre de la gestion de portefeuille étaient exonérées en vertu de l’article 4, point 8, de l’UStG, lorsqu’elles étaient fournies à des clients investisseurs sur le territoire allemand et sur le reste du territoire de l’Union européenne. Elle a également indiqué qu’elle estimait, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 4, point 6, sous...

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