European Commission v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:339
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-54/08
Date24 May 2011
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CJ0054

Affaire C-54/08

Commission européenne

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d’État — Article 43 CE — Liberté d’établissement — Notaires — Condition de nationalité — Article 45 CE — Participation à l’exercice de l’autorité publique — Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Dérogations — Activités participant à l'exercice de l'autorité publique — Activités de notaire — Exclusion — Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire — Inadmissibilité

(Art. 43 CE et 45, al. 1, CE)

2. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Adaptation en raison d'un changement en droit de l'Union — Admissibilité — Conditions

(Art. 226 CE)

3. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé — Situation d’incertitude résultant des circonstances particulières survenues lors du processus législatif — Absence de manquement

(Art. 43 CE, 45, al. 1, CE et 226 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2005/36)

1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.

En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.

D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.

Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, aux actes devant être conclus par acte notarié sous peine de nullité, tels que, notamment, les contrats portant sur l’acquisition et le transfert du droit de propriété sur un terrain et sur le transfert d’un patrimoine actuel, les promesses de donation, les contrats de mariage, les pactes sur succession future ainsi que les contrats de renonciation à une succession ou à la réserve héréditaire ainsi qu'en ce qui concerne l’intervention du notaire en matière de droit des sociétés.

Un État membre ne saurait non plus invoquer, à cet égard, la compétence, conférée aux notaires dans un Land déterminé, pour authentifier les actes établissant un partenariat enregistré entre personnes du même sexe, dès lors qu'un tel partenariat doit, en outre, pour produire ses effets, être inscrit au registre de l’état civil par les soins de l’office de l’état civil, lequel est par ailleurs chargé de l’administration dudit registre.

Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.

(cf. points 83, 85-86, 88-89, 91-92, 95-97, 99-101, 103, 106-111, 116)

2. Dans le cadre d'un recours en manquement, si les conclusions contenues dans la requête ne sauraient, en principe, être étendues au-delà des manquements allégués dans le dispositif de l’avis motivé et dans la lettre de mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la Commission est recevable à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte de l’Union, par la suite modifié ou abrogé, et qui ont été maintenues par les dispositions d’un nouvel acte de l’Union. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement.

(cf. point 128)

3. Lorsque, au cours du processus législatif, des circonstances particulières, telle que l’absence de prise de position claire du législateur ou l’absence de précision quant à la détermination du champ d’application d’une disposition du droit de l’Union, donnent lieu à une situation d’incertitude, il n’est pas possible de constater qu’il existait, au terme du délai imparti dans l’avis motivé, une obligation suffisamment claire pour les États membres de transposer une directive.

(cf. points 140-142)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Article 43 CE – Liberté d’établissement – Notaires – Condition de nationalité – Article 45 CE – Participation à l’exercice de l’autorité publique – Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Dans l’affaire C‑54/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 12 février 2008,

Commission européenne, représentée par MM. H. Støvlbæk et G. Braun, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma, Mme J. Kemper ainsi que par MM. U. Karpenstein et J. Möller, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par:

République de Bulgarie, représentée par M. T. Ivanov et Mme E. Petranova, en qualité d’agents,

République tchèque, représentée par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

République d’Estonie, représentée par M. L. Uibo, en qualité d’agent,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

République de Lettonie, représentée par Mmes L. Ostrovska, K. Drēviņa et J. Barbale, en qualité d’agents,

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme E. Matulionytė, en qualité d’agents,

République de Hongrie, représentée par Mmes R. Somssich et K. Veres ainsi que par M. M. Fehér, en qualité d’agents,

République d’Autriche, représentée par MM. E. Riedl, G. Holley et M. Aufner, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

République de Pologne, représentée par MM. M. Dowgielewicz et C. Herma ainsi que par Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

République de Slovénie, représentée par Mmes V. Klemenc et Ž. Cilenšek Bončina, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par M. J. Čorba et Mme B. Ricziová, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J.‑J. Kasel, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis, M. Ilešič, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2010,

rend le présent

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