R. H. H. Renneberg v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:566
Docket NumberC-527/06
Celex Number62006CJ0527
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 October 2008

Affaire C-527/06

R. H. H. Renneberg

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Libre circulation des travailleurs — Article 39 CE — Législation fiscale — Impôt sur les revenus — Détermination de la base imposable — Ressortissant d’un État membre percevant la totalité ou la quasi-totalité de ses ressources imposables dans celui-ci — Résidence dans un autre État membre»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Dispositions du traité — Champ d'application personnel

(Art. 39 CE)

2. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Égalité de traitement — Rémunération — Impôts sur le revenu

(Art. 39 CE)

1. La situation d'un ressortissant communautaire qui, par suite du transfert de sa résidence d'un premier État membre dont il est ressortissant, vers un second État, exerce une activité salariée dans un État membre autre que celui où se trouve sa résidence, relève depuis ledit transfert du champ d'application de l'article 39 CE.

(cf. point 37)

2. L’article 39 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un ressortissant communautaire, non-résident de l’État membre dans lequel il perçoit des revenus constituant la totalité ou la quasi-totalité de ses ressources imposables, ne peut, aux fins de la détermination de l’assiette d’imposition desdits revenus dans cet État membre, faire valoir des revenus négatifs relatifs à une maison à usage d’habitation située dans un autre État membre, dont il est propriétaire, alors qu’un résident du premier État membre peut faire valoir de tels revenus négatifs pour la détermination de l’assiette d’imposition de ses revenus.

En ce qui concerne la fiscalité directe, la situation des résidents et des non-résidents d'un État membre donné ne sont, en règle générale, pas comparables, car elles présentent des différences objectives tant du point de vue de la source du revenu que du point de vue de la capacité contributive personnelle du contribuable ou de la prise en compte de la situation personnelle et familiale. Toutefois, en présence d'un avantage fiscal refusé aux non-résidents, une différence de traitement entre ces deux catégories de contribuables peut être qualifiée de discrimination dès lors qu'il n'existe aucune différence de situation objective de nature à fonder une telle différence de traitement sur ce point. Tel est notamment le cas lorsqu'un contribuable non-résident ne perçoit pas de revenu significatif dans son État membre de résidence et tire l'essentiel de ses ressources imposables dans l'État membre d'emploi, de sorte que l'État membre de résidence n'est pas en mesure de lui accorder des avantages résultant de la prise en compte de sa situation personnelle et familiale, la discrimination consistant dans le fait que celle-ci n'est prise en compte ni dans l'État membre de résidence ni dans l'État membre d'emploi.

Dans la mesure où, bien que résidant dans un État membre, une personne tire l’essentiel de ses revenus imposables d’une activité salariée exercée dans un autre État membre, sans recueillir de revenu significatif dans son État membre de résidence, elle se trouve, aux fins de la prise en compte de sa capacité contributive, dans une situation objectivement comparable, par rapport à son État membre d’emploi, à celle d’un résident de ce dernier État membre exerçant également une activité salariée dans celui-ci. Lorsqu’un État membre prend en considération, pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur les revenus dû par les contribuables résidents, les revenus négatifs afférents à un immeuble situé dans un autre État membre, il est également tenu, s’agissant des résidents de ce dernier État percevant la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus imposables dans le premier État membre et ne recueillant aucun revenu significatif dans leur État membre de résidence, de prendre en compte ces mêmes revenus négatifs aux mêmes fins, à défaut de quoi la situation de ces derniers contribuables ne serait prise en considération, à cet égard, dans aucun des deux États membres concernés.

La différence de traitement en cause ne provient pas de la simple disparité existant entre les régimes fiscaux internes des États membres en présence. En effet, même si l’État membre de résidence autorisait ladite prise en compte de pertes aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur les revenus de ses résidents, un contribuable qui perçoit la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus dans l’État membre d’emploi serait incapable, en tout état de cause, de tirer profit d’un tel avantage.

Quant au risque d'une double prise en compte des pertes relatives à l'immeuble d'un contribuable non-résident, la réglementation nationale en cause vise à éviter la réalisation d’un tel risque en ce qui concerne les contribuables résidents qui subissent des pertes de revenus afférents à un immeuble situé dans l’autre État membre, dont la situation peut être comparée avec celle d’un contribuable non-résident percevant la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus dans l’État membre concerné. En outre, cet État membre peut, dans l’hypothèse où une partie des opérations d’un contribuable serait effectuée sur le territoire d’un État membre autre que celui où il exerce son activité salariée, solliciter de la part des autorités compétentes de l'autre État membre toutes les informations susceptibles de lui permettre l'établissement correct des impôts sur les revenus ou toutes les informations qu'il juge nécessaires pour apprécier le montant exact de l'impôt sur les revenus dûs par un redevable en fonction de la législation qu'il applique.

Par conséquent, une telle différence de traitement, qui est fondée sur la résidence, présente un caractère discriminatoire, puisque, alors que les revenus immobiliers négatifs afférents à un immeuble situé dans un autre État membre sont pris en considération par l’État membre concerné pour l’établissement de l’assiette d’imposition des revenus, notamment professionnels, des contribuables travaillant et résidant dans ce dernier État membre, ils ne peuvent pas l’être dans le cas d’un contribuable qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une activité salariée exercée dans ce même État membre, mais n’y réside pas. Il s’ensuit qu’une telle réglementation nationale constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs interdite, en principe, par l’article 39 CE.

(cf. points 59-62, 66, 71, 75, 77-80, 84 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 octobre 2008(*)

«Libre circulation des travailleurs – Article 39 CE – Législation fiscale – Impôt sur les revenus – Détermination de la base imposable – Ressortissant d’un État membre percevant la totalité ou la quasi-totalité de ses ressources imposables dans celui-ci – Résidence dans un autre État membre»

Dans l’affaire C‑527/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 22 décembre 2006, parvenue à la Cour le 27 décembre 2006, dans la procédure

R. H. H. Renneberg

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. Klučka, U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2008,

considérant les observations présentées:

– pour M. Renneberg, par lui-même,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement suédois, par Mme K. Wistrand, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal, A. Weimar et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 juin 2008,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 39 CE et 56 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Renneberg, ressortissant néerlandais, au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet du refus de l’administration fiscale de prendre en compte des pertes locatives relatives à un immeuble que M. Renneberg possède en Belgique et dans lequel il réside, aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt sur les revenus dont il est redevable aux Pays-Bas, où il perçoit la totalité de ses revenus professionnels.

Le cadre juridique

Le droit conventionnel

3 La convention entre le gouvernement du Royaume des Pays-Bas et le gouvernement du Royaume de Belgique tendant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et à régler certaines autres questions en matière fiscale (Overeenkomst tussen de Regering van het Koninkrijk der Nederlanden en de Regering van het Koninkrijk België tot het vermijden van dubbele belasting op het gebied van belastingen naar het inkomen en naar het vermogen en tot vaststellen van enige andere regelen verband houdende met de belastingheffing), signée à Bruxelles le 19 octobre 1970 (Tractatenblad 1970, n° 192, ci-après la «convention fiscale»), comporte un article 4 intitulé «Domicile fiscal», dont le paragraphe 1 dispose:

«Au sens de la présente Convention, l’expression ‘résident de l’un des États’ désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue; […]»

4 L’article 6, paragraphe 1, de la convention fiscale prévoit:

«Les revenus provenant de biens immobiliers sont imposables dans l’État où ces biens sont situés.»

5 L’article 19, paragraphe 1, premier...

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