XC and Others v Generalprokuratur.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:853
Date24 October 2018
Celex Number62017CJ0234
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-234/17
62017CJ0234

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 octobre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Principes du droit de l’Union – Coopération loyale – Autonomie procédurale – Principes d’équivalence et d’effectivité – Législation nationale prévoyant une voie de recours permettant la répétition de la procédure pénale en cas de violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – Obligation d’étendre cette procédure aux cas de violation alléguée des droits fondamentaux consacrés par le droit de l’Union – Absence »

Dans l’affaire C‑234/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche), par décision du 23 janvier 2017, parvenue à la Cour le 4 mai 2017, dans la procédure relative à une demande d’entraide judiciaire en matière pénale concernant

XC,

YB,

ZA

en présence de :

Generalprokuratur,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, M. A. Arabadjiev (rapporteur), Mme C. Toader et M. F. Biltgen, présidents de chambre, MM. M. Ilešič, E. Levits, L. Bay Larsen, M. Safjan, D. Šváby, C. G. Fernlund, C. Vajda et S. Rodin, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mars 2018,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement autrichien, par Mme J. Schmoll ainsi que par MM. K. Ibili et G. Eberhard, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér, G. Koós et G. Tornyai, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. H. Krämer et R. Troosters, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que des principes d’équivalence et d’effectivité.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’entraide judiciaire en matière pénale, initiée auprès des autorités judiciaires autrichiennes à la demande de la Staatsanwaltschaft des Kantons St. Gallen (parquet du canton de Saint-Gall, Suisse), concernant XC, YB et ZA, soupçonnés, en Suisse, d’avoir commis l’infraction de soustraction d’impôt au sens de la loi suisse régissant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ainsi que d’autres infractions pénales.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 50 de la convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (JO 2000, L 239, p. 19, ci-après la « CAAS »), qui figure au chapitre 2, intitulé « Entraide judiciaire en matière pénale », du titre III de celle-ci, prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les Parties Contractantes s’engagent à s’accorder, conformément à la [convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (STE no 30), signée à Strasbourg le 20 avril 1959, et au Traité Benelux d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale, du 27 juin 1962, tel que modifié par le Protocole du 11 mai 1974], l’entraide judiciaire pour les infractions aux dispositions légales et réglementaires en matière d’accises, de taxe sur la valeur ajoutée et de douanes. Par “dispositions en matière de douanes”, on entend les règles énoncées à l’article 2 de la convention du 7 septembre 1967 entre la Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas concernant l’assistance mutuelle entre administrations douanières ainsi qu’à l’article 2 du règlement (CEE) no 1468/81 du Conseil[, du 19 mai 1981, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière ou agricole (JO 1981, L 144, p. 1)]. »

4

L’article 54 de la CAAS, qui figure au chapitre 3, intitulé « Application du principe ne bis in idem », du titre III de cette convention, dispose :

« Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation. »

Le droit autrichien

5

Le Strafrechtsänderungsgesetz (loi de réforme du droit pénal, BGBl., 762/1996) a inséré dans la Strafprozessordnung (code de procédure pénale) les articles 363a à 363c, relatifs à l’institution juridique de la « répétition de la procédure pénale » (Erneuerung des Strafverfahrens), afin de mettre en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

6

L’article 363a du code de procédure pénale dispose :

« (1) Lorsqu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme constate qu’un jugement ou une décision d’une juridiction pénale a violé la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[, signée à Rome le 4 novembre 1950,] ou l’un de ses protocoles, la procédure est répétée sur demande s’il ne peut pas être exclu que la violation pourrait avoir pour l’individu concerné une incidence défavorable sur la teneur de la décision du juge pénal.

(2) L’Oberster Gerichtshof [(Cour suprême, Autriche)] est compétent pour statuer sur toute demande de répétition de la procédure. La demande peut être présentée par l’individu concerné et par le Generalprokurator [(procureur général)] ; l’article 282, paragraphe 1, s’applique par analogie. La demande est adressée à l’Oberster Gerichtshof [(Cour suprême)]. En cas de demande de l’individu concerné, le Generalprokurator doit être entendu et en cas de demande du Generalprokurator, l’individu concerné doit être entendu ; l’article 35, paragraphe 2, s’applique par analogie ».

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

Au cours de l’année 2012, le parquet du canton de Saint-Gall a ouvert une enquête portant sur des faits de soustraction d’impôt contre XC, YB et ZA, soupçonnés d’avoir obtenu, par le biais de déclarations erronées à l’administration fiscale suisse, des remboursements de TVA pour un montant total de 835374,17 francs suisses (CHF) (environ 716000 euros). Ce parquet a saisi les autorités judiciaires autrichiennes de demandes d’entraide judiciaire en matière pénale, aux fins qu’il soit procédé à l’audition des intéressés par la Staatsanwaltschaft Feldkirch (parquet de Feldkirch, Autriche).

8

Plusieurs recours visant à contester l’organisation des auditions sollicitées ont été introduits en Autriche par XC, YB et ZA, au motif, en substance, que l’existence de procédures pénales clôturées en Allemagne et au Liechtenstein au cours des années 2011 et 2012 faisait obstacle, en raison du principe non bis in idem consacré à l’article 54 de la CAAS, à ce que de nouvelles poursuites, portant sur les soupçons d’infractions pénales commises au détriment de l’administration fiscale suisse, fussent diligentées contre eux. Dans une ordonnance du 9 octobre 2015, l’Oberlandesgericht Innsbruck (tribunal régional supérieur d’Innsbruck, Autriche), statuant en dernière instance, a considéré qu’il n’existait pas d’éléments mettant en évidence une violation de l’article 54 de la CAAS.

9

Alors que cette ordonnance était devenue définitive, XC, YB et ZA ont, sur le fondement de l’article 363a du code de procédure pénale, saisi l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) d’une demande de répétition de la procédure pénale, en invoquant le fait que l’accueil des demandes d’entraide judiciaire litigieuses méconnaissait certains de leurs droits consacrés non seulement par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), mais également par la CAAS et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

10

La juridiction de renvoi relève que, selon sa jurisprudence bien établie, la répétition de la procédure pénale n’est possible qu’en cas de violation de droits garantis par la CEDH, constatée par la Cour européenne des droits de l’homme ou, avant même toute décision de cette dernière constatant une telle violation, par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême). Elle se demande si le principe de coopération loyale, les principes d’équivalence et d’effectivité imposent que la répétition de la procédure pénale soit également ordonnée en cas de violation de droits fondamentaux consacrés par le droit de l’Union, même si un tel cas de figure n’est pas expressément prévu par le texte régissant cette voie de recours.

11

Dans ces conditions, l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Convient-il d’interpréter le droit de l’Union – plus particulièrement l’article 4, paragraphe 3, TUE en combinaison avec les principes d’équivalence et d’effectivité qui en découlent – en ce sens qu’il impose à l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême) de contrôler, sur demande d’un intéressé, une décision d’une juridiction pénale passée en force de chose jugée quant à une violation alléguée du droit de l’Union (en l’espèce, de l’article 50 de la [Charte] et de l’article 54 de la [CAAS]), alors que le...

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