Universal Music International Holding BV v Michael Tétreault Schilling and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:449
Docket NumberC-12/15
Celex Number62015CJ0012
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 June 2016
62015CJ0012

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 juin 2016 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) no 44/2001 — Compétences spéciales — Article 5, point 3 — Matière délictuelle ou quasi délictuelle — Fait dommageable — Négligence de l’avocat lors de la rédaction d’un contrat — Lieu où le fait dommageable s’est produit»

Dans l’affaire C‑12/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour Suprême des Pays-Bas), par décision du 9 janvier 2015, parvenue à la Cour le 14 janvier 2015, dans la procédure

Universal Music International Holding BV

contre

Michael Tétreault Schilling,

Irwin Schwartz,

Josef Brož,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteur), M. A. Rosas, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 novembre 2015,

considérant les observations présentées :

pour Universal Music International Holding BV, par Mes C. Kroes et S. Janssen, advocaten,

pour M. Michael Tétreault Schilling, par Mes A. Knigge, P. A. Fruytier et L. Parret, advocaten,

pour M. Josef Brož, par Mes F. Vermeulen et B. Schim, advocaten,

pour le gouvernement grec, par Mmes A. Dimitrakopoulou, S. Lekkou et S. Papaïoannou, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. Wilderspin et G. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Universal Music International Holding BV (ci-après « Universal Music »), établie aux Pays-Bas, à MM. Michael Schilling, Irwin Schwartz et Josef Brož, tous les trois avocats, résidant respectivement en Roumanie, au Canada et en République tchèque, au sujet d’une négligence de la part de Me Brož lors de la rédaction en République tchèque d’un contrat d’achat d’actions.

Le cadre juridique

La convention de Bruxelles

3

L’article 5 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence juridictionnelle et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la « convention de Bruxelles »), est libellé comme suit :

« Le défendeur domicilié sur le territoire d’un État contractant peut être attrait, dans un autre État contractant :

[...]

3)

en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ;

[...] »

Le règlement no 44/2001

4

Les considérants 11, 12, 15 et 19 du règlement no 44/2001 énoncent :

« (11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.

[...]

(15)

Le fonctionnement harmonieux de la justice commande de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres.

[...]

(19)

Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention de Bruxelles et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de la convention de Bruxelles par la Cour de justice [de l’Union européenne] et le protocole [du 3 juin 1971 relatif à l’interprétation par la Cour de justice de la convention de Bruxelles] doit continuer à s’appliquer également aux procédures déjà pendantes à la date d’entrée en vigueur du présent règlement. »

5

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, attribuant une compétence générale aux tribunaux de l’État du domicile du défendeur, est libellé comme suit :

« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

6

L’article 5 du même règlement prévoit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

[...]

3)

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ;

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7

Universal Music est une maison de disques qui fait partie d’Universal Music Group. Universal Music International Ltd est une société sœur d’Universal Music, appartenant au même groupe.

8

Au cours de l’année 1998, Universal Music International Ltd a convenu avec des partenaires tchèques, notamment la maison de disques B&M spol. s r. o. et ses actionnaires, qu’une ou plusieurs sociétés à spécifier au sein d’Universal Music Group achèteraient 70 % des actions de B&M. Les parties ont également convenu que, au cours de l’année 2003, l’acquéreur achèterait les actions restantes, le prix devant être fixé lors de ce dernier achat. Une avance était déjà acquittée sur le prix de vente. L’accord et les points principaux de ce projet de transaction ont été consignés dans une lettre d’intention fixant comme objectif de prix de vente cinq fois le bénéfice annuel moyen de B&M.

9

Les parties ont, par la suite, négocié un contrat portant sur la vente et la livraison de 70 % des actions de B&M ainsi qu’un contrat portant sur l’option d’achat des 30 % d’actions restantes (ci-après l’« option d’achat d’actions »).

10

À la demande du service juridique d’Universal Music Group, le contrat portant sur l’option d’achat d’actions restantes a été établi par le cabinet d’avocats tchèque Burns Schwartz International. Plusieurs versions de ce contrat ont été échangées entre ce cabinet, le service juridique d’Universal Music Group et les actionnaires de B&M.

11

Lors de ces négociations, Universal Music a été désignée en tant qu’acquéreur aux termes du contrat portant sur l’option d’achat d’actions. Celui-ci a été signé le 5 novembre 1998 par Universal Music, B&M et ses actionnaires.

12

Selon la juridiction de renvoi, il ressort de ce contrat qu’une modification proposée par le service juridique d’Universal Music Group n’a pas été entièrement reprise par Me Brož, collaborateur du cabinet d’avocats Burns Schwartz International, ce qui a conduit à une multiplication par cinq du prix de vente par rapport au prix initialement envisagé, prix de vente qui devait ensuite être multiplié par le nombre d’actionnaires.

13

Au cours du mois d’août 2003, Universal Music, afin de satisfaire à son obligation contractuelle d’acheter les actions restantes, a calculé le prix de ces dernières selon la formule qu’elle avait envisagée, et est parvenue à un montant de 10180281 couronnes tchèques (CZK) (environ 313770 euros). Se prévalant de la modalité de calcul prévue dans le contrat, les actionnaires de B&M réclamaient un montant de 1003605620 CZK (environ 30932520 euros).

14

Le différend a été porté devant une commission d’arbitrage en République tchèque, les parties ayant convenu d’une transaction le 31 janvier 2005. En exécution de celle-ci, Universal Music a versé la somme de 2654280,03 euros (ci-après le « montant transactionnel ») pour les 30 % d’actions restantes par virement au départ d’un compte bancaire qu’elle détenait aux Pays Bas. Le transfert a été effectué au bénéfice d’un compte que les actionnaires de B&M possédaient en République tchèque.

15

Universal Music a introduit un recours devant le rechtbank Utrecht (tribunal d’Utrecht, Pays-Bas), au titre de l’article 5, point 3, du règlement no 44/2001, visant à condamner solidairement Mes Schilling et Schwartz, au titre d’anciens partenaires du cabinet d’avocats Burns Schwartz International, ainsi que Me Brož au paiement de 2767861,25 euros, majorés des intérêts et des dépens, préjudice qu’elle prétend avoir subi à la suite de la négligence de la part de ce dernier lors de la rédaction du texte du contrat portant sur l’option d’achat d’actions. Le préjudice aurait été matérialisé par la différence résultant de cette négligence entre le prix de vente envisagé initialement et le montant transactionnel ainsi que les dépenses qu’Universal Music a dû engager dans le cadre de la procédure d’arbitrage.

16

À l’appui de son recours, Universal Music a fait valoir qu’elle a subi le préjudice à...

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