European Commission v Republic of Austria.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:338
Docket NumberC-53/08
Date24 May 2011
Celex Number62008CJ0053
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
CourtCourt of Justice (European Union)

Affaire C-53/08

Commission européenne

contre

République d'Autriche

«Manquement d’État — Article 43 CE — Liberté d’établissement — Notaires — Condition de nationalité — Article 45 CE — Participation à l’exercice de l’autorité publique — Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre prestation des services — Dérogations — Activités participant à l'exercice de l'autorité publique — Activités de notaire — Exclusion — Condition de nationalité pour l'accès à la profession de notaire — Inadmissibilité

(Art. 43 CE et 45, al. 1, CE)

2. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Adaptation en raison d'un changement en droit de l'Union — Admissibilité — Conditions

(Art. 226 CE)

3. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé — Situation d’incertitude résultant des circonstances particulières survenues lors du processus législatif — Absence de manquement

(Art. 43 CE, 45, al. 1, CE et 226 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 2005/36)

1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 43 CE, un État membre dont la réglementation impose une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire, dès lors que les activités confiées aux notaires dans l’ordre juridique de cet État membre ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE. À cet égard, l’article 45, premier alinéa, CE constitue une dérogation à la règle fondamentale de la liberté d’établissement qui doit recevoir une interprétation qui limite sa portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux États membres de protéger. En outre, cette dérogation doit être restreinte aux seules activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique.

Afin d'apprécier si les activités confiées aux notaires comportent une participation directe et spécifique à l'exercice de l'autorité publique, il y a lieu de prendre en considération la nature des activités exercées par les notaires. À cet égard, une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, premier alinéa, CE fait défaut aux différentes activités exercées par les notaires, malgré les importants effets juridiques conférés à leurs actes, dans la mesure où soit la volonté des parties, soit la surveillance ou la décision du juge revêtent une importance particulière.

En effet, d'une part, en ce qui concerne les actes authentiques, ne font l'objet d'une authentification que les actes ou les conventions auxquels les parties ont librement souscrit alors que le notaire ne peut modifier de façon unilatérale la convention qu'il est appelé à authentifier sans avoir recueilli au préalable le consentement des parties. Par ailleurs, si l'obligation de vérification incombant aux notaires poursuit, certes, un objectif d’intérêt général, toutefois, la seule poursuite de cet objectif ne saurait justifier que les prérogatives nécessaires à cette fin soient réservées aux seuls notaires ressortissants de l’État membre concerné ni suffire pour qu’une activité soit considérée comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique.

D’autre part, en ce qui concerne la force exécutoire, si l’apposition par le notaire de la formule exécutoire sur l’acte authentique confère à ce dernier la force exécutoire, celle-ci repose sur la volonté des parties de passer un acte ou une convention, après vérification de leur conformité avec la loi par le notaire, et de leur conférer ladite force exécutoire. De même, la force probante dont jouit un acte notarié relève du régime des preuves et n’a donc pas d’incidence directe sur la question de savoir si l’activité comportant l’établissement de cet acte, prise en elle-même, constitue une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique, d'autant plus que l’acte notarié ne lie pas inconditionnellement le juge dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, celui-ci prenant sa décision d’après son intime conviction.

Ne sauraient pas davantage être considérées comme participant directement et spécifiquement à l'exercice de l'autorité publique d'autres activités confiées au notaire, comme la rédaction de certains actes sous seing privé et la représentation des parties dans des cas bien définis ainsi que certaines tâches en matière de droit successoral, telles que, notamment, la constatation du décès, l’établissement de l’inventaire de la succession, l’identification des héritiers, la sauvegarde de l’héritage et l’adoption de mesures conservatoires à cette fin, tâches qui sont accomplies sous la surveillance du juge. Il en va de même d'autres tâches confiées au notaire, telles que, notamment, l’estimation et la mise en vente de biens mobiliers et immobiliers, l’établissement des inventaires ainsi que le règlement de partages amiables de patrimoines, ces tâches étant également exercées sous la surveillance du juge.

Enfin, en ce qui concerne le statut spécifique des notaires, premièrement, il résulte du fait que la qualité des services fournis peut varier d’un notaire à l’autre en fonction, notamment, des aptitudes professionnelles des personnes concernées, que, dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence, ce qui n’est pas caractéristique de l’exercice de l’autorité publique. Deuxièmement, en dehors d'une hypothèse particulière, le notaire est seul responsable des actes accomplis dans le cadre de son activité professionnelle.

(cf. points 81, 83-84, 86-87, 89-90, 93-95, 98-99, 101-106, 108, 110-113, 119)

2. Dans le cadre d'un recours en manquement, si les conclusions contenues dans la requête ne sauraient, en principe, être étendues au-delà des manquements allégués dans le dispositif de l’avis motivé et dans la lettre de mise en demeure, il n’en demeure pas moins que la Commission est recevable à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte de l’Union, par la suite modifié ou abrogé, et qui ont été maintenues par les dispositions d’un nouvel acte de l’Union. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations qui découlent de nouvelles dispositions n’ayant pas d’équivalent dans la version initiale de l’acte en cause, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement.

(cf. point 131)

3. Lorsque, au cours du processus législatif, des circonstances particulières, telle que l’absence de prise de position claire du législateur ou l’absence de précision quant à la détermination du champ d’application d’une disposition du droit de l’Union, donnent lieu à une situation d’incertitude, il n’est pas possible de constater qu’il existait, au terme du délai imparti dans l’avis motivé, une obligation suffisamment claire pour les États membres de transposer une directive.

(cf. points 143-145)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 mai 2011 (*)

«Manquement d’État – Article 43 CE – Liberté d’établissement – Notaires – Condition de nationalité – Article 45 CE – Participation à l’exercice de l’autorité publique – Directives 89/48/CEE et 2005/36/CE»

Dans l’affaire C‑53/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 12 février 2008,

Commission européenne, représentée par MM. G. Braun et H. Støvlbæk, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

République d’Autriche, représentée par MM. E. Riedl, M. Aufner et G. Holley, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par:

République tchèque, représentée par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

République française, représentée par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

République de Lettonie, représentée par Mmes L. Ostrovska, K. Drēviņa et J. Barbale, en qualité d’agents,

République de Lituanie, représentée par M. D. Kriaučiūnas et Mme E. Matulionytė, en qualité d’agents,

République de Hongrie, représentée par Mmes R. Somssich et K. Veres ainsi que par M. M. Fehér, en qualité d’agents,

République de Pologne, représentée par MM. M. Dowgielewicz et C. Herma ainsi que par Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,

République de Slovénie, représentée par Mmes V. Klemenc et Ž. Cilenšek Bončina, en qualité d’agents,

République slovaque, représentée par M. J. Čorba, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev (rapporteur) et J.‑J. Kasel, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, G. Arestis, M. Ilešič, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en imposant une condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire et en ne transposant pas, pour cette profession, la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des...

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