European Commission v Hellenic Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:22
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 January 2011
Docket NumberC-155/09
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62009CJ0155

Affaire C-155/09

Commission européenne

contre

République hellénique

«Manquement d’État — Articles 12 CE, 18 CE, 39 CE et 43 CE — Articles 4, 28 et 31 de l’accord instituant l’Espace économique européen — Législation fiscale — Conditions d’exonération de la taxe sur les mutations lors du premier achat d’un bien immobilier — Exonération réservée aux seuls résidents sur le territoire national ainsi qu’aux ressortissants d’origine grecque ne résidant pas sur celui-ci à la date de l’achat»

Sommaire de l'arrêt

1. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Taxe sur les mutations de biens immobiliers

(Art. 18 CE, 39 CE et 43 CE; accord EEE, art. 28 et 31)

2. Citoyenneté de l'Union européenne — Égalité de traitement — Discrimination en raison de la nationalité — Interdiction — Taxe nationale sur les mutations de biens immobiliers

(Art. 12 CE, 18 CE, 39 CE et 43 CE; accord EEE, art. 4, 28 et 31)

1. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE ainsi que des articles 28 et 31 de l’accord sur l’Espace économique européen un État membre qui exonère de la taxe sur les mutations de biens immobiliers les seuls résidents permanents sur le territoire national, alors que les non-résidents qui ont l’intention de s’installer à l’avenir sur ce territoire ne sont pas exonérés de cette taxe.

En effet, les règles d'égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination, qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. Or, tel est le cas d'une mesure qui prévoit une distinction fondée sur le critère du domicile ou de la résidence, en ce que celui-ci risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres, dans la mesure où les personnes non domiciliées sur le territorial national, de même que les non-résidents, sont le plus souvent des non-nationaux. Une telle condition de résidence permanente n’est pas de nature à justifier les objectifs, invoqués par l'État membre en cause, consistant à faciliter l’acquisition d’un premier logement, à prévenir toute spéculation immobilière et à soutenir les familles dont les revenus sont d’un niveau faible ou moyen, et n’est pas nécessaire pour restreindre la fraude fiscale et éviter les abus consistant à contourner l’objectif de l’exonération.

(cf. points 45-46, 59, 63, disp. 1)

2. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12 CE, 39 CE et 43 CE ainsi que des articles 4, 28 et 31 de l'accord EEE, un État membre qui, lors de l'acquisition d'une première résidence sur le territoire de cet État, exonère, sous certaines conditions, de la taxe sur les mutations de biens immobiliers ses seuls ressortissants nationaux ou des personnes de cette origine nationale.

Ce traitement différent entre les ressortissants nationaux et ceux des autres États membres ayant l'intention de s'installer dans l'État membre en cause, explicitement et uniquement fondé sur la nationalité, constitue une discrimination directe prohibée par lesdites dispositions. Des objectifs visant, d'une part, à faciliter l'acquisition d'un logement pour les émigrants ressortissants dudit État membre et les personnes ayant la même origine nationale ainsi qu'à encourager leur retour, étant donné que cet État membre aurait subi une forte diminution de sa population en raison d’une émigration massive vers l’étranger, et, d'autre part, la préservation des liens entre lesdits émigrés et leur État d’origine ne sont pas de nature à établir l’existence de circonstances objectives, indépendantes de la nationalité des personnes concernées, susceptibles de justifier une discrimination telle que celle résultant de ladite exonération, dans la mesure où elles ont pour fondement la nationalité même des personnes concernées.

(cf. points 69-71, 75, disp. 1)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

20 janvier 2011 (*)

«Manquement d’État – Articles 12 CE, 18 CE, 39 CE et 43 CE – Articles 4, 28 et 31 de l’accord instituant l’Espace économique européen – Législation fiscale – Conditions d’exonération de la taxe sur les mutations lors du premier achat d’un bien immobilier – Exonération réservée aux seuls résidents sur le territoire national ainsi qu’aux ressortissants d’origine grecque ne résidant pas sur celui-ci à la date de l’achat»

Dans l’affaire C‑155/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 4 mai 2009,

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et D. Triantafyllou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par M. P. Mylonopoulos et Mme V. Karra, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 mai 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

– en exonérant de la taxe sur les mutations de biens immobiliers (ci-après la «taxe») les seuls résidents permanents en Grèce, mais en n’exonérant pas les non-résidents qui ont l’intention de s’installer à l’avenir dans le pays, et

– en exonérant, sous certaines conditions, de la même taxe les seuls ressortissants grecs lors de l’acquisition d’une première résidence en Grèce, établissant ainsi une discrimination explicite au détriment des résidents à l’étranger qui ne sont pas des ressortissants grecs,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE et 43 CE, lus à la lumière de l’article 12 CE, ainsi que des articles 4, 28 et 31 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’«accord EEE»), en ce que cet État membre entrave l’exercice des libertés fondamentales qui découlent de ces dispositions.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2 L’article 12, premier alinéa, CE dispose:

«Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»

3 L’article 18, paragraphe 1, CE prévoit:

«Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.»

4 L’article 39, paragraphes 1 à 3, CE est libellé comme suit:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté.

2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

a) de répondre à des emplois effectivement offerts,

b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,

c) de séjourner dans un des États membres afin d’y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux,

d) de demeurer, dans des conditions qui feront l’objet de règlements d’application établis par la Commission, sur le territoire d’un État membre, après y avoir occupé un emploi.»

5 Aux termes de l’article 43 CE:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»

6 Les dispositions mentionnées aux points 2 à 5 du présent arrêt, à l’exception de l’article 18 CE, sont analogues à celles énoncées aux articles 4, 28 et 31 de l’accord EEE.

La réglementation nationale

7 L’article 1er, paragraphe 1, de la loi 1078/1980 prévoit:

«Les contrats portant sur l’achat d’un bien immobilier, en totalité et en pleine propriété, par une personne mariée sont exonérés de la taxe sur les mutations de biens immobiliers lorsque l’acheteur ou le conjoint ou ses enfants mineurs n’ont pas de droit de pleine propriété ou d’usufruit ou d’habitation sur une autre maison ou un autre appartement suffisant aux besoins de logement de sa famille ou de droit de pleine propriété sur un terrain constructible ou sur une quote-part de terrain correspondant à la surface d’un bâtiment suffisant à leurs besoins de logement et se trouvant dans une municipalité ou commune d’une population de plus de trois mille (3 000) habitants.»

8 L’article 1er, paragraphe 3, de la même loi est libellé comme suit:

«Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux contrats de mutation de biens immobiliers à titre onéreux, lorsque l’acheteur ne réside pas en permanence en Grèce.

À titre exceptionnel, une exonération est accordée lors de...

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