Commission of the European Communities v Édith Cresson.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:455
CourtCourt of Justice (European Union)
Date11 July 2006
Docket NumberC-432/04
Procedure TypeResponsabilidad de un miembro de las instituciones - fundado
Celex Number62004CJ0432

Affaire C-432/04

Commission des Communautés européennes

contre

Édith Cresson

«Article 213, paragraphe 2, CE — Article 126, paragraphe 2, EA — Violation des obligations découlant de la charge d'un membre de la Commission — Déchéance du droit à pension»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 23 février 2006

Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 11 juillet 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Commission — Obligations des membres — Article 213, paragraphe 2, CE

(Art. 213, § 2, CE)

2. Commission — Obligations des membres — Violation — Sanctions

(Art. 213, § 2, CE)

3. Commission — Obligations des membres — Violation — Procédure

(Art. 213, § 2, CE)

4. Commission — Obligations des membres — Violation — Procédure

(Art. 213, § 2, CE)

5. Commission — Obligations des membres — Violation — Procédure

(Art. 213, § 2, CE)

6. Commission — Obligations des membres — Violation — Procédure

(Art. 213, § 2, CE)

7. Commission — Obligations des membres — Violation — Faits examinés dans le cadre d'une procédure pénale

(Art. 213, § 2, CE)

1. L'article 213, paragraphe 2, troisième alinéa, CE, qui interdit aux membres de la Commission d'exercer toute autre activité parallèlement à leurs fonctions et qui impose à ceux-ci de respecter les obligations découlant de leur charge, mentionne certains devoirs qui ne sont présentés qu'à titre d'exemple.

Dès lors, rien dans cette disposition ne restreignant la notion d'«obligations découlant de leur charge», celle-ci doit être entendue de façon large. En effet, compte tenu des hautes responsabilités qui leur sont confiées, il importe que les membres de la Commission observent les normes les plus rigoureuses en matière de comportement. Il y a donc lieu d'entendre ladite notion comme comprenant, outre les obligations d'honnêteté et de délicatesse expressément mentionnées audit alinéa, l'ensemble des devoirs qui découlent de la charge de membre de la Commission, parmi lesquels figure l'obligation, édictée au premier alinéa du même article, d'agir en pleine indépendance et dans l'intérêt général de la Communauté.

Il incombe ainsi aux membres de la Commission de faire prévaloir à tout moment l'intérêt général de la Communauté non seulement sur des intérêts nationaux, mais également sur des intérêts personnels.

Si les membres de la Commission doivent ainsi veiller à se comporter de manière irréprochable, il n'en résulte pas toutefois que le moindre écart par rapport à ces normes puisse être condamné au titre de l'article 213, paragraphe 2, CE. L'existence d'un manquement d'un certain degré de gravité est requise.

(cf. points 68-72)

2. En vertu de l'article 213, paragraphe 2, troisième alinéa, CE, la Cour peut prononcer une sanction, en cas de violation des obligations découlant de la charge de membre de la Commission, consistant en la démission d'office ou la déchéance du droit à pension de l'intéressé ou d'autres avantages en tenant lieu. Alors que la démission ne pourra s'appliquer que dans le cas d'un manquement qui est commis et poursuivi lorsque le membre de la Commission concerné est encore en fonction, la déchéance du droit à pension ou d'autres avantages en tenant lieu pourra trouver à s'appliquer si le manquement est commis au cours ou après l'expiration du mandat de ce dernier. En l'absence de précision sur l'étendue de la déchéance du droit à pension ou d'autres avantages en tenant lieu, la Cour est libre de prononcer la déchéance totale ou partielle de ceux-ci, selon le degré de gravité du manquement.

Ainsi, la circonstance que le mandat d'un membre de la Commission a expiré et que la démission d'office de l'intéressé ne peut donc plus être prononcée ne saurait faire obstacle à ce que ledit membre de la Commission soit sanctionné pour un manquement commis au cours de son mandat, mais découvert ou établi postérieurement à l'expiration de celui-ci.

Il s'ensuit que l'article 213, paragraphe 2, CE constitue une base juridique correcte pour la saisine de la Cour visant à faire constater qu'un membre de la Commission a enfreint les obligations qui lui incombaient au titre de cette disposition et à faire prononcer la déchéance totale ou partielle de son droit à pension ou d'autres avantages en tenant lieu.

(cf. points 73-75)

3. Nonobstant le fait que l'article 213, paragraphe 2, CE n'établit aucun délai spécifique pour l'engagement de l'action y prévue, les délais dont dispose la Commission dans ce cadre ne sont pas illimités. En l'absence de dispositions à ce sujet, cette institution doit s'attacher à ne pas retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs afin de respecter l'exigence fondamentale de sécurité juridique et afin de ne pas augmenter les difficultés rencontrées par les défendeurs pour réfuter ses arguments et, ainsi, de ne pas violer les droits de la défense.

(cf. point 90)

4. Malgré l'absence de règles détaillées gouvernant l'action visée à l'article 213, paragraphe 2, CE, les droits de la défense doivent être respectés, dans la mesure où le respect de ces droits dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. À cet égard, le respect des droits de la défense exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire.

Dès lors, si l'institution envoie au membre concerné une communication des griefs reprenant l'ensemble des faits reprochés et l'analyse en droit de ces faits, donne à l'intéressé accès à son dossier, l'invite à présenter ses observations dans un délai d'au moins deux mois et procède à son audition, cette institution suit une procédure qui respecte les droits de la défense.

(cf. points 103-104, 110)

5. L'article 2, paragraphe 1, du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, selon lequel toute personne déclarée coupable par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation, consacre un droit qui, selon l'article 2, paragraphe 2, dudit protocole, peut faire l'objet d'exceptions notamment lorsque l'intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction.

Il s'ensuit que, à supposer même que cette disposition soit applicable dans le cas d'une procédure fondée sur l'article 213, paragraphe 2, CE, l'impossibilité d'exercer un recours contre la décision de la Cour ne constitue aucunement une carence de nature à porter atteinte aux droits des membres de la Commission à une protection juridictionnelle effective et ne permet donc pas d'invalider la saisine de la Cour.

(cf. points 112-113)

6. Les procédures disciplinaires concernant un fonctionnaire ou un agent des Communautés et les procédures concernant un membre de la Commission ne sont pas soumises aux mêmes règles. Les premières sont régies par les règles du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, les secondes sont soumises à une procédure autonome en vertu de l'article 213, paragraphe 2, CE. Par conséquent, les solutions appliquées aux premières ne sont pas nécessairement transposables aux secondes.

(cf. point 118)

7. Les constatations opérées au cours d'une procédure pénale, pour autant qu'elles portent sur des faits identiques à ceux examinés dans le cadre de la procédure visée à l'article 213, paragraphe 2, CE et qu'elles sont versées au dossier soumis à la Cour, peuvent être prises en compte par cette dernière dans son examen des faits reprochés à la personne visée. La Cour n'est cependant pas liée par la qualification juridique des faits effectuée dans le cadre de la procédure pénale et il lui appartient, dans la plénitude de son pouvoir d'appréciation, de rechercher si les faits reprochés dans le cadre d'une procédure fondée sur l'article 213, paragraphe 2, CE constituent un manquement aux obligations découlant de la charge de membre de la Commission.

(cf. points 120-121)




ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)

11 juillet 2006 (*)

«Article 213, paragraphe 2, CE – Article 126, paragraphe 2, EA – Violation des obligations découlant de la charge d’un membre de la Commission – Déchéance du droit à pension»

Dans l’affaire C-432/04,

ayant pour objet un recours au titre des articles 213, paragraphe 2, troisième alinéa, CE et 126, paragraphe 2, troisième alinéa, EA, introduit le 7 octobre 2004,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H.‑P. Hartvig et J. Currall, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Édith Cresson, représentée par Mes G. Vandersanden, L. Levi et M. Hirsch, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par:

République française, représentée par Mmes E. Belliard et C. Jurgensen ainsi que par M. G. de Bergues, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

LA COUR (assemblée plénière),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, A. Rosas et K. Schiemann, présidents de chambre, MM. J.-P. Puissochet, R. Schintgen, Mme N. Colneric, M. S. von Bahr (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Lenaerts, P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič, J. Klučka et E. Levits, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 novembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 février 2006,

rend le présent

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