SIA Garkalns v Rīgas dome.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:505
Date19 July 2012
Celex Number62011CJ0470
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑470/11
62011CJ0470

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 juillet 2012 ( *1 )

«Article 49 CE — Restrictions à la libre prestation de services — Égalité de traitement — Obligation de transparence — Jeux de hasard — Casinos, salles de jeux et salles de bingo — Obligation d’obtenir un accord préalable de la municipalité du lieu d’établissement — Pouvoir d’appréciation — Atteinte substantielle aux intérêts de l’État et des habitants du territoire administratif concerné — Justifications — Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑470/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākās tiesas Senāts (Lettonie), par décision du 6 décembre 2010, parvenue à la Cour le 14 septembre 2011, dans la procédure

SIA Garkalns

contre

Rīgas dome,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour le gouvernement letton, par M. I. Kalniņš, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. E. Kalniņš et I. Rogalski, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 CE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SIA Garkalns (ci-après «Garkalns»), dont le siège social est établi en Lettonie, au Rīgas dome (Conseil de Riga), agissant pour la Rīgas pilsētas pašvaldības (collectivité autonome de la ville de Riga, ci-après la «collectivité autonome»), au sujet du refus opposé par cette dernière d’autoriser l’ouverture par Garkalns d’une salle de jeux de hasard au sein d’un centre commercial à Riga.

Le cadre juridique

Le droit letton

3

L’article 26, paragraphe 1, de la loi sur les jeux de hasard et les loteries (azartspēļu un izložu likums, ci-après la «loi sur les jeux de hasard») prévoit que l’ouverture d’un casino, d’une salle de jeux ou d’une salle de bingo est subordonnée à une autorisation particulière. Celle-ci est délivrée aux sociétés de capitaux titulaires d’une autorisation générale d’organiser des jeux au moyen d’automates, de roulettes, de cartes et de dés, ou des jeux de bingo.

4

Selon l’article 26, paragraphe 2, de la loi sur les jeux de hasard, l’organisateur de jeux de hasard qui souhaite obtenir une autorisation particulière pour l’ouverture d’un casino, d’une salle de jeux ou d’une salle de bingo, soumet à l’inspection des loteries et jeux de hasard (Izložu un azartspēļu uzraudzības inspekcija) une demande à laquelle doivent être joints plusieurs documents, y compris un permis, délivré par la collectivité autonome compétente, d’ouvrir un tel établissement et d’y organiser les jeux de hasard en question.

5

L’article 41, paragraphe 2, de cette loi interdit d’organiser des jeux de hasard:

«1)

dans les administrations publiques;

2)

dans les églises et lieux de culte;

3)

dans les établissements de soins et d’enseignement;

4)

dans les pharmacies, les établissements postaux ou les établissements de crédit;

5)

dans les lieux où des événements publics ont lieu, pendant le déroulement de ces événements, à l’exception de l’organisation de paris;

6)

dans les lieux auxquels a été reconnu le statut de marché selon la procédure établie;

7)

dans les commerces, établissements culturels, gares ferroviaires ou routières, aéroports et ports, à l’exception des salles de jeux ou des salles de paris, pour lesquelles il a été aménagé un espace clos auquel il n’est possible d’accéder que de l’extérieur, par une entrée séparée;

8)

dans les bars et cafés, à l’exception de l’organisation de paris;

9)

dans les cités universitaires, foyers de travailleurs ou lieux similaires;

10)

dans les bâtiments d’habitation, lorsque les accès extérieurs sont communs avec les accès au lieu où des jeux de hasard sont organisés».

6

L’article 42, paragraphe 3, de ladite loi précise que, s’il est envisagé d’organiser des jeux de hasard dans des lieux qui ne sont pas visés par les restrictions figurant à l’article 41, paragraphe 2, de cette même loi, le conseil de la collectivité autonome compétente se prononce au cas par cas et examine si l’organisation de jeux de hasard dans le lieu envisagé ne porte pas «atteinte de manière substantielle aux intérêts de l’État et des habitants du territoire administratif concerné».

Les faits au principal et la question préjudicielle

7

Garkalns a sollicité auprès de la collectivité autonome l’autorisation d’ouvrir une salle de jeux de hasard au sein d’un centre commercial situé sur le territoire de la ville de Riga. Par décision du 12 octobre 2006, le Rīgas dome a refusé de lui délivrer cette autorisation, estimant qu’une telle ouverture nuirait substantiellement aux intérêts des habitants de la collectivité.

8

Garkalns a introduit un recours devant l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district). Par jugement du 29 octobre 2008, cette juridiction a rejeté le recours.

9

Par arrêt du 13 avril 2010, l’appel interjeté contre ce jugement devant l’Administratīvā apgabaltiesa [cour administrative régionale (juridiction d’appel administrative)] a été également rejeté.

10

Cette dernière juridiction a en effet considéré que l’organisation de jeux de hasard à l’endroit envisagé était non seulement de nature à nuire aux intérêts des habitants du quartier, ainsi qu’à ceux d’autres quartiers, le centre commercial, très fréquenté, étant situé à proximité d’une artère principale. Ainsi, l’implantation envisagée se situerait, d’une part, à proximité immédiate d’un complexe résidentiel et, d’autre part, à une distance de 500 mètres environ d’un établissement d’enseignement secondaire. Selon cette juridiction, le refus opposé par la collectivité autonome était dès lors motivé par le souci d’éviter que le public ne soit tenté de privilégier la participation à des jeux de hasard par rapport à d’autres possibilités pour occuper son temps libre.

11

Garkalns a introduit un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt rendu par l’Administratīvā apgabaltiesa. Elle soutient, entre autres, que cette dernière juridiction a mal interprété l’article 42, paragraphe 3, de la loi sur les jeux de hasard.

12

À l’appui de son pourvoi, Garkalns, en se référant à l’arrêt de la Cour du 3 juin 2010, Sporting Exchange (C-203/08, Rec. p. I-4695, points 50 et 51), fait notamment valoir que, si un État membre peut imposer un niveau de protection nécessaire dans le secteur des jeux de hasard, la marge d’appréciation dont il dispose ne doit cependant pas porter atteinte à la libre prestation de services. Le régime d’autorisation des jeux de hasard devrait ainsi être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance.

13

Le Rīgas dome conclut au rejet du pourvoi et fait observer que la décision contestée est conforme à la pratique de la collectivité autonome qui consiste à ne pas délivrer d’autorisation afin de réduire le nombre d’établissements de jeux de hasard à Riga.

14

La juridiction de renvoi est d’avis que le texte imprécis de l’article 42, paragraphe 3, de la loi sur les jeux de hasard est susceptible de violer le principe de l’égalité de traitement et l’obligation de transparence qui en découle, mais se demande si une telle disposition légale n’est pas nécessaire afin de reconnaître aux autorités locales une certaine latitude dans l’application du régime relatif à l’organisation des jeux de hasard ainsi que dans la planification du développement territorial et social de la collectivité autonome, ce qui ne serait pas possible si des critères plus rigides étaient inscrits dans la loi.

15

C’est dans ces conditions que l’Augstākās tiesas Senāts a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Convient-il d’interpréter l’article 49 CE et l’obligation de transparence qui lui est liée en ce sens qu’est compatible avec les restrictions admissibles à la libre prestation des services l’utilisation, dans une loi annoncée publiquement et préalablement, d’une notion juridique indéterminée telle que ‘l’atteinte substantielle aux intérêts de l’État et des habitants du territoire administratif concerné’, notion à laquelle, dans chaque cas d’application, il convient de donner un contenu concret au moyen de lignes directrices d’interprétation, mais qui permet en même temps une certaine souplesse dans l’évaluation de l’atteinte à la liberté?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité

16

Le gouvernement letton conteste la recevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif que tous les éléments du litige au principal se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Selon ce gouvernement, en l’absence d’élément transfrontalier, la question posée est hypothétique et ne présente aucun lien avec le droit de l’Union.

17

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au seul juge...

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