Bernhard Rintisch v Klaus Eder.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:671
Date25 October 2012
Celex Number62011CJ0553
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑553/11
62011CJ0553

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

25 octobre 2012 ( *1 )

«Marques — Directive 89/104/CEE — Article 10, paragraphes 1 et 2, sous a) — Usage sérieux — Usage sous une forme, elle-même enregistrée comme marque, qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque — Effets d’un arrêt dans le temps»

Dans l’affaire C‑553/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 17 août 2011, parvenue à la Cour le 2 novembre 2011, dans la procédure

Bernhard Rintisch

contre

Klaus Eder,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. K. Lenaerts (rapporteur), E. Juhász, T. von Danwitz et D. Šváby, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour M. Eder, par Me M. Douglas, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. F. Bulst, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10, paragraphes 1 et 2, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rintisch à M. Eder à propos de l’usage sérieux d’une marque, utilisée sous une forme qui diffère, par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif, de la forme sous laquelle cette marque a été enregistrée, la forme utilisée étant elle-même enregistrée en tant que marque.

Le cadre juridique

Le droit international

3

L’article 5, C, paragraphe 2, de la convention pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305, ci-après la «convention de Paris»), dispose:

«L’emploi d’une marque de fabrique ou de commerce, par le propriétaire, sous une forme qui diffère, par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée dans l’un des pays de l’Union [constituée par les États auxquels s’applique la convention de Paris], n’entraînera pas l’invalidation de l’enregistrement et ne diminuera pas la protection accordée à la marque.»

Le droit de l’Union

4

Le douzième considérant de la directive 89/104 est libellé comme suit:

«considérant que tous les États membres de la Communauté sont liés par la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle; qu’il est nécessaire que les dispositions de la présente directive soient en harmonie complète avec celles de la convention de Paris; que les obligations des États membres découlant de cette convention ne sont pas affectées par la présente directive; que, le cas échéant, l’article [267] deuxième alinéa [TFUE] s’applique».

5

L’article 10, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 89/104, tel que repris sans modification à l’article 10 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), seule la numérotation des paragraphes dudit article ayant été modifiée, dispose sous l’intitulé «Usage de la marque»:

«1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée, la marque n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque est soumise aux sanctions prévues dans la présente directive, sauf juste motif pour le non-usage.

2. Sont également considérés comme usage aux fins du paragraphe 1:

a)

l’usage de la marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée».

Le droit allemand

6

L’article 26, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs (Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, ci-après le «MarkenG»), dispose:

«L’usage de la marque dans une forme qui diffère de celle sous laquelle elle a été enregistrée est également considéré comme usage d’une marque enregistrée, à condition que les différences ne modifient pas le caractère distinctif de la marque. La première phrase s’applique même si la marque est enregistrée sous la forme sous laquelle elle est utilisée.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7

M. Rintisch, requérant dans le litige au principal, est titulaire des marques verbales PROTIPLUS, enregistrée le 20 mai 1996 sous le numéro 395 49 559.8, et PROTI, enregistrée le 3 mars 1997 sous le numéro 397 02 429, ainsi que de la marque verbale et figurative Proti Power, enregistrée le 5 mars 1997 sous le numéro 396 08 644.6. Ces marques nationales sont notamment enregistrées pour des produits à base de protéines.

8

M. Eder, défendeur dans le litige au principal, est titulaire de la marque verbale postérieure Protifit, enregistrée le 11 février 2003 sous le numéro 302 47 818, pour des compléments alimentaires, préparations vitaminées et aliments diététiques.

9

M. Rintisch a introduit une action visant, premièrement, à obtenir que M. Eder consente à radier la marque Protifit et, deuxièmement, à interdire l’utilisation de celle-ci, en s’appuyant sur les droits résultant de ses marques antérieures. À ce titre, il a principalement fondé ses demandes sur la marque PROTI et, à titre subsidiaire, sur les marques PROTIPLUS et Proti Power. Il a également demandé la condamnation du défendeur à l’indemniser du dommage qu’il prétend avoir subi.

10

M. Eder a soulevé une exception tirée de l’absence d’usage de la marque PROTI par M. Rintisch. Ce dernier a rétorqué qu’il avait bien fait usage de cette marque par l’utilisation des dénominations «PROTIPLUS» et «Proti Power». La juridiction de première instance a rejeté les prétentions de M. Rintisch, au motif que les droits tirés de la marque PROTI ne pouvaient être invoqués à l’encontre de la marque Protifit. Saisi en appel, l’Oberlandesgericht Köln a confirmé le rejet des prétentions de M. Rintisch.

11

Un recours en «Revision» ayant été introduit par M. Rintisch devant le Bundesgerichtshof, celui-ci relève, tout d’abord, que, conformément aux règles du droit procédural allemand, au stade actuel de la procédure, il y a lieu de considérer comme acquis le fait que, malgré les modifications qu’elles présentent par rapport à la marque PROTI, les dénominations «PROTIPLUS» et «Proti Power» n’altèrent pas le caractère distinctif de cette marque et que le requérant a fait un usage sérieux des marques PROTIPLUS et Proti Power avant la publication de l’enregistrement de la marque Protifit. Ainsi, la juridiction de renvoi se fonde sur la prémisse selon laquelle la marque PROTI doit être considérée comme ayant fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 26, paragraphe 3, du MarkenG.

12

Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelles circonstances l’article 26, paragraphe 3, seconde phrase, du MarkenG est conforme à l’article 10, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive 89/104.

13

C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 10, paragraphes 1 et 2, sous a), de la directive [89/104] doit-il être interprété en ce sens que cette disposition s’oppose en tout état de cause à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’usage d’une marque (marque 1) est également constitué lorsque celle-ci (marque 1) est utilisée dans une forme qui diffère de celle sous laquelle elle a été enregistrée, sans que les différences altèrent le caractère distinctif de la...

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