Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF) v Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2003:430 |
Docket Number | C-198/01 |
Celex Number | 62001CJ0198 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 09 September 2003 |
Arrêt de la Cour du 9 septembre 2003. - Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF) contre Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per il Lazio - Italie. - Droit de la concurrence - Législation nationale anticoncurrentielle - Pouvoir de l'autorité nationale de contrôle de la concurrence de déclarer inapplicable une telle législation - Conditions de non-imputabilité des comportements anticoncurrentiels aux entreprises. - Affaire C-198/01.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-08055
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Concurrence - Règles communautaires - Obligations des États membres - Législation nationale imposant ou favorisant un comportement d'entreprises contraire aux règles communautaires - Obligation de l'autorité nationale de la concurrence de laisser inappliquée cette législation - Pouvoir d'infliger des sanctions aux entreprises pour des comportements imposés par la législation nationale - Absence - Pouvoir d'infliger des sanctions pour des comportements postérieurs à la décision constatant la violation de l'article 81 CE et pour des comportements passés facilités ou encouragés par la législation nationale
2. Concurrence - Règles communautaires - Obligations des États membres - Législation nationale conférant compétence à un ministère pour déterminer le prix de vente au détail d'un produit et attribuant à un consortium obligatoire de producteurs le pouvoir d'en répartir la production - Possibilité d'une concurrence entre les entreprises - Appréciation in concreto de l'autonomie du comportement de celles-ci
(Art. 81, § 1, CE)
Sommaire
1. En présence de comportements d'entreprises contraires à l'article 81, paragraphe 1, CE, qui sont imposés ou favorisés par une législation nationale qui en légitime ou en renforce les effets, plus particulièrement en ce qui concerne la fixation des prix et la répartition du marché, une autorité nationale de la concurrence qui a reçu pour mission de veiller au respect des règles de concurrence et, notamment, de l'article 81 CE a l'obligation de laisser inappliquée cette législation nationale. En effet, dès lors que cette disposition, combinée avec l'article 10 CE, impose un devoir d'abstention à la charge des États membres, l'effet utile des règles communautaires de la concurrence serait amoindri si, dans le cadre d'une enquête sur le comportement d'entreprises au titre de l'article 81 CE, ladite autorité ne pouvait pas constater qu'une mesure nationale est contraire aux dispositions combinées des articles 10 CE et 81 CE et si, en conséquence, elle ne la laissait pas inappliquée.
Néanmoins, cette obligation pour l'autorité nationale de la concurrence de laisser inappliquée une telle loi anticoncurrentielle ne saurait exposer, sous peine de violer le principe général de droit communautaire de la sécurité juridique, les entreprises concernées à des sanctions, qu'elles soient de nature pénale ou administrative, pour un comportement passé, dès lors que ce comportement était imposé par ladite loi. Il s'ensuit que cette autorité ne peut infliger de sanctions aux entreprises concernées pour des comportements passés lorsque ceux-ci leur ont été imposés par cette législation nationale; elle peut en infliger pour leurs comportements postérieurs à la décision constatant la violation de l'article 81 CE, une fois que cette décision est devenue définitive à leur égard.
En tout état de cause, l'autorité nationale de la concurrence peut infliger des sanctions aux entreprises concernées pour des comportements passés lorsqu'ils ont été simplement facilités ou encouragés par cette législation nationale, tout en tenant dûment compte des spécificités du cadre normatif dans lequel les entreprises ont agi. À cet égard, lors de la détermination du niveau de la sanction, le comportement des entreprises concernées peut être apprécié à la lumière de la circonstance atténuante que constituait le cadre juridique national.
( voir points 50, 53-55, 57-58, disp. 1 )
2. Une législation nationale qui confère compétence à un ministère pour déterminer le prix de vente au détail d'un produit et attribue, en outre, à un consortium obligatoire de producteurs le pouvoir de répartir la production entre les entreprises peut être considérée, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, comme une législation qui laisse subsister la possibilité d'une concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes desdites entreprises si elle laisse subsister in concreto ladite possibilité de concurrence entre les entreprises et si les éventuelles restrictions reprochées aux entreprises ne sont pas, en fait, imputables à l'État membre concerné.
( voir points 66, 80, disp. 2 )
Parties
Dans l'affaire C-198/01,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF)
et
Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 81 CE,
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet (rapporteur) et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann, V. Skouris, S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour le Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), par Mes G. M. Roberti, F. Lattanzi et F. Sciaudone, avvocati,
- pour l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, par Mes S. M. Carbone et F. Sorrentino, avvocati,
- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Pignataro et M. A. Berlinguer, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales du Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), représenté par Mes G. M. Roberti, F. Lattanzi et A. Franchi, avvocato, de l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, représentée par Me S. M. Carbone, et de la Commission, représentée par Mme L. Pignataro, à l'audience du 24 septembre 2002,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 janvier 2003,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par ordonnance du 24 janvier 2001, parvenue à la Cour le 11 mai suivant, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio a posé, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 81 CE.
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un recours introduit par le Consorzio Industrie Fiammiferi, le consortium des fabricants nationaux d'allumettes italien (ci-après le «CIF»), contre la décision de l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, l'autorité nationale chargée de la protection de la concurrence en Italie (ci-après l'«Autorité»), du 13 juillet 2000, qui a déclaré la législation instituant le CIF et régissant son fonctionnement contraire aux articles 10 CE et 81 CE, a constaté que le CIF et les entreprises qui en sont membres (ci-après les «entreprises membres») avaient enfreint l'article 81 CE en raison de la répartition de quotas de production, et leur a ordonné de mettre fin aux infractions constatées.
Le droit national
3 Par décret royal n° 560, du 11 mars 1923 (ci-après le «décret royal n° 560/1923»), le législateur italien a introduit un nouveau régime pour la fabrication et la vente d'allumettes en créant un consortium des fabricants nationaux d'allumettes, le CIF. Le décret confiait à ce consortium un monopole commercial, consistant dans le droit exclusif de fabriquer et de vendre les allumettes nécessaires pour la consommation sur le marché national italien.
4 En outre, le CIF s'est vu attribuer des vignettes officielles spéciales, servant à la perception de l'accise sur les allumettes, qui avait été instituée par le même décret. Ces vignettes devaient être distribuées aux entreprises membres afin que celles-ci les apposent sur les boîtes d'allumettes qu'elles produisaient.
5 En conséquence, le CIF est apparu comme un consortium obligatoire et fermé, institué par la loi italienne pour la production et la vente des allumettes nécessaires pour satisfaire la demande nationale.
6 L'activité du CIF était régie par une convention passée entre le CIF et l'État italien, annexée au décret et en faisant partie intégrante. En vertu de cette convention, l'État italien s'engageait à interdire la distribution sur le marché national de produits provenant d'entreprises étrangères au CIF, à empêcher la constitution de nouvelles entreprises productrices d'allumettes et à fixer, par une mesure émanant du ministère des Finances, le prix de vente des allumettes. Le CIF, quant à lui, était principalement appelé à assurer le paiement de l'accise sur les allumettes destinées à la consommation intérieure par toutes les entreprises membres, grâce au système des vignettes.
7 La convention régissait également en détail le fonctionnement interne du CIF. Son article 4 confiait la mission de contingentement et de répartition de la production d'allumettes entre les entreprises du CIF à une commission ad hoc (ci-après la «commission de répartition des quotas»). Cette commission est composée d'un fonctionnaire de l'Amministrazione dei Monopoli di Stato (ci-après l'«administration des monopoles d'État»), qui en est le président, ainsi que d'un représentant du CIF et de trois représentants des entreprises membres nommés par le conseil d'administration du CIF, et elle délibère à la majorité. Ses décisions sont communiquées, pour approbation, à l'administration des monopoles d'État. En outre, certaines d'entre elles, notamment les cessions de...
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