Minister for Justice and Equality v RO.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:733
Docket NumberC-327/18
Celex Number62018CJ0327
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypePetición de decisión prejudicial - procedimiento de urgencia
Date19 September 2018
62018CJ0327

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 septembre 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Motifs de non-exécution – Article 50 TUE – Mandat émis par les autorités judiciaires d’un État membre ayant déclenché la procédure de retrait de l’Union européenne – Incertitude quant au régime applicable aux relations entre cet État et l’Union à la suite du retrait »

Dans l’affaire C‑327/18 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par décision du 17 mai 2018, parvenue à la Cour le 18 mai 2018, dans la procédure relative à l’exécution des mandats d’arrêt européens émis à l’encontre de

RO,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund (rapporteur), A. Arabadjiev, S. Rodin et E. Regan, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la demande de la juridiction de renvoi du 17 mai 2018, parvenue à la Cour le 18 mai 2018, de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure d’urgence, conformément à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour,

vu la décision du 11 juin 2018 de la première chambre de faire droit à ladite demande,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2018,

considérant les observations présentées :

pour RO, par Mme E. Martin-Vignerte et M. J. MacGuill, solicitors, Mme C. Cumming, BL, ainsi que par M. P. McGrath, SC,

pour le Minister for Justice and Equality, par Mmes M. Browne et G. Hodge ainsi que par MM. A. Joyce et G. Lynch, en qualité d’agents, assistés de Mme E. Duffy, BL, et de M. R. Barron, SC,

pour le gouvernement roumain, par Mme L. Liţu et M. C. Canţăr, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon et Mme C. Brodie, en qualité d’agents, assistés de M. J. Holmes, QC, et de M. D. Blundell, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid ainsi que par MM. R. Troosters et M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 août 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 50 TUE et de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de l’exécution, en Irlande, de deux mandats d’arrêt européens émis par les juridictions du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à l’encontre de RO.

Le cadre juridique

Le traité UE

3

L’article 50, paragraphes 1 à 3, TUE prévoit :

« 1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.

2. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, [TFUE]. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai. »

La décision-cadre

4

Les considérants 10 et 12 de la décision-cadre sont libellés comme suit :

« (10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article [2 TUE], constatée par le Conseil en application de [l’article 7, paragraphe 2, TUE] avec les conséquences prévues au paragraphe [3] du même article.

[...]

(12)

La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par [les articles 2 et 6 TUE] et reflétés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [...], notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons. »

5

L’article 1er de la décision-cadre, intitulé « Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [TUE]. »

6

L’article 26 de la décision-cadre, intitulé « Déduction de la période de détention subie dans l’État membre d’exécution », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’État membre d’émission déduit de la durée totale de privation de liberté qui serait à subir dans l’État membre d’émission toute période de détention résultant de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, par suite de la condamnation à une peine ou mesure de sûreté privatives de liberté. »

7

L’article 27 de la décision-cadre, intitulé « Poursuite éventuelle pour d’autres infractions », dispose, à son paragraphe 2 :

« [...] une personne qui a été remise ne peut être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé sa remise. »

8

L’article 28 de la décision-cadre régit la remise ou l’extradition ultérieure vers un État autre que l’État membre d’exécution.

Le droit irlandais

9

La décision-cadre a été transposée dans l’ordre juridique irlandais par l’European Arrest Warrant Act 2003 (loi de 2003 sur le mandat d’arrêt européen).

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

RO fait l’objet de deux mandats d’arrêt européens émis par les juridictions du Royaume-Uni à l’attention de l’Irlande.

11

Le premier, émis le 27 janvier 2016, porte sur un assassinat et un incendie volontaire qui auraient été commis le 2 août 2015. Le second, émis le 4 mai 2016, porte sur un viol qui aurait été commis le 30 décembre 2003. Chacun de ces faits est passible de la réclusion à perpétuité.

12

RO a été arrêté et placé en détention provisoire en Irlande le 3 février 2016. Depuis cette date, il demeure en détention provisoire dans cet État membre, au titre des deux mandats d’arrêt européens adoptés contre lui.

13

RO a soulevé des objections à sa remise au Royaume-Uni fondées, notamment, sur le retrait de cet État membre de l’Union et sur l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), en alléguant qu’il pourrait subir des traitements inhumains et dégradants s’il était emprisonné dans la prison de Maghaberry en Irlande du Nord.

14

En raison de son état de santé, RO n’a pas pu être entendu avant le 27 juillet 2017.

15

Par une décision du 2 novembre 2017, la High Court (Haute Cour, Irlande), après avoir examiné les allégations de RO relatives au traitement qu’il pourrait subir en Irlande du Nord, a considéré que, suivant des informations précises et récentes sur les conditions de détention dans la prison de Maghaberry, il était permis de penser que, en raison de sa fragilité, RO risquait réellement de subir des traitements inhumains ou dégradants. Elle a estimé nécessaire, à la lumière de l’arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198), de demander des éclaircissements aux autorités du Royaume‑Uni sur les conditions de détention de RO en cas de remise.

16

Le 16 avril 2018, l’autorité judiciaire d’émission des mandats d’arrêt européens en cause, le Laganside Court in Belfast (tribunal de Laganside à Belfast, Royaume-Uni), a communiqué des informations sur la manière dont l’administration pénitentiaire d’Irlande du Nord gérerait le risque que RO subisse des traitements inhumains ou dégradants en Irlande du Nord.

17

La High Court (Haute Cour) indique qu’elle a rejeté chacune des objections soulevées par RO à l’encontre de sa remise, sauf celles relatives au retrait du Royaume-Uni de l’Union et celle se rapportant à l’article 3 de la CEDH, estimant qu’elle ne pouvait pas se prononcer à leur égard avant d’obtenir la réponse de la Cour sur plusieurs...

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