Knauf Gips KG v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:389
CourtCourt of Justice (European Union)
Date01 July 2010
Docket NumberC-407/08
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62008CJ0407

Affaire C-407/08 P

Knauf Gips KG

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Ententes — Plaques en plâtre — Accès au dossier — Moyens de preuve à charge et à décharge — Notion d’‘entreprise’ — Unité économique — Société responsable pour l’action de l’unité économique — Argument soulevé pour la première fois lors de la procédure juridictionnelle»

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Accès au dossier — Portée — Refus de communication d'un document — Conséquences

2. Concurrence — Ententes — Preuve — Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission

(Art. 81, § 1, CE)

3. Concurrence — Ententes — Entreprise — Notion — Unité économique — Existence pouvant être déduite d'un faisceau d'éléments concordants — Société mère ne détenant pas 100 % du capital d'une filiale — Circonstance n'excluant pas l'existence d'une unité économique

(Art. 101, § 1, TFUE)

4. Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Preuve de l'infraction — Charge de la preuve

(Art. 81, § 1, CE)

5. Recours en annulation — Recevabilité — Personnes physiques ou morales — Entreprise destinataire d'une communication des griefs n'en ayant pas contesté les éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative — Limitation de l'exercice du droit de recours — Violation des principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense

(Art. 101 TFUE, 102 TFUE et 263, al. 4, TFUE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47 et 52, § 1)

6. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Groupe de sociétés comportant plusieurs personnes juridiques à son sommet

(Art. 81 CE)

1. Corollaire du principe du respect des droits de la défense, le droit d'accès au dossier implique, dans une procédure administrative en matière d'application des règles de concurrence, que la Commission doit donner à l'entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d'instruction qui sont susceptibles d'être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes à la Commission et d'autres informations confidentielles.

Néanmoins, l'absence de communication d'un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l'entreprise concernée démontre, d'une part, que la Commission s'est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l'existence d'une infraction et, d'autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. En particulier, il lui incombe de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s'est fondée pour incriminer cette entreprise. En revanche, s'agissant de l'absence de communication d'un document à décharge, l'entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influencer, à son détriment, le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission, dans la mesure où elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les déductions opérées par la Commission.

(cf. points 13, 22-23)

2. Pour établir l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes. Toutefois, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

Dès lors, à supposer même qu’aucun des différents éléments d'une infraction ne constitue, considéré séparément, un accord ou une pratique concertée interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE, une telle conclusion n’empêche pas que lesdits éléments, considérés dans leur ensemble, constituent un tel accord ou une telle pratique.

En effet, étant donné que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir sont notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un États tiers, et que la documentation y afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence.

(cf. points 47-49)

3. Le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises. La notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Placée dans ce contexte, cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. L’existence d’une unité économique peut ainsi être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité.

La circonstance selon laquelle une société mère ne détient pas 100 % du capital d'une filiale n'exclut pas l'éventuelle existence d'une unité économique au sens du droit de la concurrence.

(cf. points 64-65, 82)

4. Il incombe à la partie ou à l’autorité qui allègue une violation des règles de la concurrence d’en apporter la preuve et il appartient à l’entreprise ou à l’association d’entreprises invoquant le bénéfice d’un moyen de défense contre une constatation d’infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve. Ainsi, même si la charge légale de la preuve incombe selon ces principes soit à la Commission, soit à l’entreprise ou à l’association concernée, les éléments factuels qu’une partie invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite.

(cf. point 80)

5. S'agissant de l'application des règles de concurrence, aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destinataire d'une communication des griefs de contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle. En effet, si la reconnaissance explicite ou implicite d’éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve complémentaire lors de l’appréciation du bien-fondé d’un recours juridictionnel, elle ne saurait limiter l’exercice même du droit de recours devant le Tribunal dont dispose une personne physique ou morale en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

En l’absence de base légale expressément prévue à cet effet, une telle limitation est contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense. Le droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial est, au demeurant, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Selon l’article 52, paragraphe 1, de cette charte, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi.

(cf. points 89-91)

6. Dans le cadre d'une procédure pour infraction aux règles du droit de la concurrence, afin d’apprécier si une société détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques existant entre celle-ci et la société du même groupe qui a été considérée comme responsable pour les agissements dudit groupe, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive.

Dans le cas d'un groupe de sociétés au sommet duquel se trouvent plusieurs personnes juridiques, la Commission ne commet pas d'erreur d’appréciation en considérant l'une de ces sociétés comme seule responsable de l’action des sociétés de ce groupe, dont l’ensemble constitue une unité économique. En effet, le fait qu’il n’y ait pas une seule personne juridique à la tête du groupe ne fait pas obstacle à ce qu'une société soit tenue pour responsable de l’action de ce groupe. La structure juridique propre à un groupe de sociétés qui se caractérise par l’absence d’une seule personne juridique se trouvant au sommet de ce groupe n’est pas déterminante lorsque cette structure ne reflète pas le fonctionnement effectif et l’organisation réelle dudit groupe. En particulier, l'absence de liens juridiques de subordination entre deux sociétés au sommet du groupe ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle l'une de ces deux sociétés doit être tenue pour responsable des agissements du groupe, dès lors que, en réalité, la seconde...

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