Opinion of Advocate General Bobek delivered on 5 June 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:462
Date05 June 2019
Celex Number62018CC0189
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-189/18

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 5 juin 2019 (1)

Affaire C189/18

Glencore Agriculture Hungary Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága

[Demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie)]

« Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 167 – Article 168 – Droit à déduction – Évasion ou fraude fiscale – Procédures nationales – Charge de la preuve – Accès au dossier – Droits de la défense – Égalité des armes – Contrôle juridictionnel »






I. Introduction

1. Glencore Agriculture Hungary Kft. (ci‑après « Glencore ») attaque deux décisions du Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (la Direction des recours de l’administration nationale des Impôts et des Douanes, Hongrie) (ci‑après l’« autorité fiscale »), par lesquelles Glencore s’est vu refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (« TVA ») acquittée pour certaines livraisons qui lui avaient été faites, au motif qu’elle savait ou aurait dû savoir que ses fournisseurs avaient commis une fraude fiscale. Dans la procédure au principal, Glencore conteste la légalité de la procédure fiscale devant l’autorité fiscale. Elle fait valoir, en particulier, une violation du droit à un procès équitable et une atteinte aux droits de la défense.

2. La juridiction nationale qui a été saisie de ce recours, le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság [le tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie], s’interroge sur la compatibilité de certaines dispositions et pratiques nationales avec le droit de l’Union. En particulier, la juridiction de renvoi demande des précisions sur les principes régissant la charge de la preuve pesant sur les autorités fiscales aux fins d’établir l’implication d’un contribuable dans la fraude fiscale commise par ses fournisseurs, le droit pour un contribuable d’avoir accès aux documents qui sont pertinents pour sa défense, ainsi que l’étendue du contrôle que la juridiction nationale doit exercer sur les constatations des autorités fiscales et la manière dont elles ont obtenu des éléments de preuve.

II. Le cadre légal

A. Droit de l’Union

3. Conformément à l’article 167 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, (ci‑après la « directive TVA ») (2), « [l]e droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible ».

4. L’article 168 de la directive TVA dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[…] »

5. L’article 273 de la directive TVA précise que « [l]es États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis […]. »

B. Réglementation nationale

6. L’article 1er, paragraphe 3a, de l’az adózás rendjéről szóló 2003. évi XCII. törvény (la loi n° XCII de 2003 sur les règles d’imposition, ci‑après « la loi sur les règles d’imposition ») énonce :

« Dans le cadre du contrôle des parties au rapport juridique (contrat, opération) que concerne l’obligation fiscale, l’autorité fiscale ne peut pas qualifier un même rapport juridique concerné par le contrôle et qui a déjà fait l’objet d’une qualification différemment pour chaque assujetti, et elle applique d’office les constatations faites chez l’une des parties audit rapport juridique en cas de contrôle chez toute autre partie audit rapport. »

7. Conformément à l’article 12, paragraphes 1 et 3, de la loi sur les règles d’imposition, l’assujetti ainsi que toute personne tenue au paiement de l’impôt a le droit de prendre connaissance des documents relatifs à l’imposition. Ce droit inclut « [le droit de] prendre ou demander copie, de tout document nécessaire à l’exercice de ses droits ou à l’accomplissement de ses obligations ». Néanmoins, l’assujetti ne peut pas consulter, entre autres, « toute partie d’un document contenant des informations sur une autre personne et dont la divulgation violerait une disposition en matière de secret fiscal ».

8. L’article 97, paragraphes 4 et 5, de la loi sur les règles d’imposition, dispose :

« (4) Au cours du contrôle, l’autorité fiscale a l’obligation d’établir et de prouver les faits, sauf dans les cas où c’est le contribuable qui, en vertu d’une loi, a la charge de la preuve.

(5) Sont notamment considérés comme moyens de preuve et preuves admissibles : les documents, les expertises, les déclarations du contribuable, de son représentant, de ses employés ou encore d’autres contribuables, les témoignages, les contrôles sur place, les achats-tests, les achats-tests mystères, les productions à l’essai, les inventaires sur place, les données d’autres contribuables, les constatations des contrôles connexes qui ont été ordonnés, le contenu des informations communiquées, les données ou les informations électroniques provenant des registres d’autres administrations, ou accessibles au public. »

9. L’article 100, paragraphe 4, de la loi sur les règles d’imposition, se lit comme suit :

« Si l’autorité fiscale étaye les conclusions d’une enquête à l’aide des résultats d’un contrôle connexe effectué chez un autre assujetti, ou à l’aide des données et preuves obtenues à cette occasion, l’assujetti reçoit une communication détaillée de la partie qui le concerne du procès‑verbal et de la décision y relatives, et des données et preuves recueillies lors du contrôle connexe. »

10. L’article 69, paragraphe 1, du Nemzeti Adó- és Vámhivatalról szóló 2010. évi CXXII törvény (loi relative à l’office des impôts et des douanes) dispose :

« Les données collectées et traitées par [l’autorité fiscale] à des fins répressives, conformément à l’article 13, paragraphe 7, sous a), […] ainsi que les données spéciales, ne sont utilisées qu’à des fins répressives, sauf si la loi en dispose autrement. »

11. L’article 76, paragraphe 2, sous g), de la loi relative à l’office des impôts et des douanes, énonce :

« 2. Outre les personnes et entités visées au paragraphe 1, peuvent demander des données et informations provenant des systèmes informatiques de traitement des données à finalité répressive de [l’autorité fiscale], dans la mesure nécessaire à l’exécution de leurs missions respectives prévues par la loi, et en en fournissant la raison :

[…]

g) Le service de [l’autorité fiscale] investi de missions et compétences relevant de [l’autorité fiscale] en ce qui concerne les obligations fiscales et douanières, ainsi que les procédures fiscales et douanières, conformément à [la loi sur les règles en matière d’imposition], au [közösségi vámjog végrehajtásáról szóló 2003. évi CXXVI. törvény (Loi CXXVI de 2003 sur l’exécution du droit douanier communautaire)] et à d’autres règlementations en matière fiscale et douanière. »

III. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

12. Pour autant que la décision de renvoi et les observations des parties permettent d’en juger, les faits pertinents peuvent être résumés comme suit.

13. Glencore, la partie demanderesse dans la procédure au principal, est une société établie en Hongrie, dont l’activité principale consiste dans le négoce en gros de céréales, de graines oléagineuses et d’aliments pour animaux, ainsi que de matières premières. Glencore a acheté des céréales sur tout le territoire de la Hongrie dont une grande partie a été vendue à l’étranger. Elle a également acheté d’importantes quantités de graines de tournesol et de colza, dont une partie substantielle lui a servi à fabriquer, en sous-traitance, de l’huile brute et de la semoule, et dont une plus petite partie a été revendue par elle sans transformation.

14. L’autorité fiscale a effectué un contrôle chez la partie demanderesse. À la suite de ce contrôle, l’autorité fiscale a adopté deux décisions administratives en 2015 et 2016, (ci‑après les « décisions attaquées »). La première décision concernait tous les impôts et subventions des exercices fiscaux 2010 et 2011 (à l’exception de la TVA pour les mois de septembre et octobre 2011). Par cette décision, l’autorité fiscale a conclu que Glencore était redevable, entre autres, de 1 951 418 000 HUF au titre de la TVA. La seconde décision concernait la TVA due pour le mois d’octobre 2011 et l’autorité fiscale a conclu que Glencore était redevable d’un complément de taxe de 130 171 000 HUF.

15. Dans ses décisions, l’autorité fiscale a conclu que Glencore avait illégalement déduit la TVA dans la mesure où cette dernière savait ou aurait dû savoir que certains de ses fournisseurs avaient émis de fausses factures et commis une fraude à la TVA. À cet égard, l’autorité fiscale s’est référée à des décisions administratives adoptées à l’encontre de certains fournisseurs de Glencore et à une procédure pénale engagée contre ces derniers (qui n’était pas encore close lorsque les décisions attaquées ont été adoptées).

16. Selon les décisions attaquées, les inspecteurs des impôts qui ont contrôlé Glencore ont eu accès – directement ou indirectement – aux documents figurant à la fois dans les dossiers pénaux et les dossiers administratifs des fournisseurs qui étaient poursuivis. L’autorité fiscale s’est appuyée sur certains éléments de preuve recueillis au cours de ces procédures pour établir que Glencore était impliquée (de manière passive)...

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