Fernand Ullens de Schooten v État belge.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:874
Date15 November 2016
Celex Number62015CJ0268
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-268/15
62015CJ0268

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 novembre 2016 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Libertés fondamentales — Articles 49, 56 et 63 TFUE — Situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un État membre — Responsabilité extracontractuelle d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union imputables au législateur national et aux juridictions nationales»

Dans l’affaire C‑268/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), par décision du 24 avril 2015, parvenue à la Cour le 8 juin 2015, dans la procédure

Fernand Ullens de Schooten

contre

État belge,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, L. Bay Larsen, Mmes M. Berger, A. Prechal et M. E. Regan, présidents de chambre, M. A. Rosas, Mme C. Toader, MM. M. Safjan (rapporteur), D. Šváby, E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund et C. Vajda, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mai 2016,

considérant les observations présentées :

pour M. Ullens de Schooten, par Mes E. Cusas, J. Derenne, M. Lagrue et N. Pourbaix, avocats,

pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux, Mme C. Pochet et M. S. Vanrie, en qualité d’agents, assistés de Mes L. Grauer, R. Jafferali et R. van Melsen, avocats,

pour la Commission européenne, par MM. J.-P. Keppenne et W. Mölls, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2016,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 56 et 63 TFUE, de l’article 4, paragraphe 3, TUE, ainsi que des principes d’effectivité et de primauté du droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Fernand Ullens de Schooten à l’État belge au sujet d’une action en responsabilité extracontractuelle engagée contre ce dernier au motif que les pouvoirs législatif et judiciaire belges auraient violé le droit de l’Union.

Le cadre juridique

Le droit belge

L’arrêté royal no 143

3

L’arrêté royal no 143, du 30 décembre 1982, fixant les conditions auxquelles les laboratoires doivent répondre en vue de l’intervention de l’assurance maladie pour les prestations de biologie clinique (Moniteur belge du 12 janvier 1983), tel que modifié par l’article 17 de la loi-programme du 30 décembre 1988 (Moniteur belge du 5 janvier 1989, ci-après l’« arrêté royal no 143 »), prévoit, aux termes de son article 3, paragraphe 1, que les laboratoires de biologie clinique, pour être agréés par le ministre de la Santé publique et bénéficier de l’intervention de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI), doivent être exploités par les personnes habilitées à effectuer des prestations de biologie clinique, à savoir les médecins, les pharmaciens ou les licenciés en sciences chimiques.

Le code civil

4

L’article 2262 bis, paragraphe 1, du code civil prévoit :

« Toutes les actions personnelles sont prescrites par dix ans.

Par dérogation à l’alinéa 1er, toute action en réparation d’un dommage fondée sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l’identité de la personne responsable.

Les actions visées à l’alinéa 2 se prescrivent en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s’est produit le fait qui a provoqué le dommage. »

Les lois coordonnées sur la comptabilité de l’État

5

L’article 100 des lois coordonnées sur la comptabilité de l’État, du 17 juillet 1991 (Moniteur belge du 21 août 1991), dans sa version applicable au litige au principal, disposait :

« Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l’État, sans préjudice des déchéances prononcées par d’autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière :

les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l’ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l’année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées ;

[...] »

6

L’article 101 de ces lois était libellé comme suit :

« La prescription est interrompue par exploit d’huissier de justice, ainsi que par une reconnaissance de dette faite par l’État.

L’intentement d’une action en justice suspend la prescription jusqu’au prononcé d’une décision définitive. »

La loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l’État fédéral

7

Aux termes de l’article 131, second alinéa, de la loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l’État fédéral, du 22 mai 2003 (Moniteur belge du 3 juillet 2003) :

« L’article 100, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l’État reste applicable aux créances à charge de l’État fédéral qui sont nées avant l’entrée en vigueur de la présente loi. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

M. Ullens de Schooten exploitait le laboratoire de biologie clinique BIORIM, dont la faillite a été déclarée le 3 novembre 2000.

9

À la suite d’une plainte déposée auprès de la Commission européenne, cette institution a, le 20 juin 1985, introduit devant la Cour un recours visant à faire reconnaître que le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 52 du traité CE (devenu article 43 CE), en excluant du remboursement par la sécurité sociale les prestations de biologie clinique réalisées dans des laboratoires exploités par une personne morale de droit privé dont les membres, les associés et les administrateurs ne sont pas tous des personnes physiques habilitées à effectuer des analyses médicales.

10

Par arrêt du 12 février 1987, Commission/Belgique (221/85, EU:C:1987:81), la Cour a rejeté ce recours. En particulier, en ce qui concerne la liberté d’établissement, elle a constaté que, sous réserve du respect de l’égalité de traitement, chaque État membre a, en l’absence de règles communautaires en la matière, la liberté de réglementer sur son territoire l’activité des laboratoires réalisant des prestations de biologie clinique. La Cour a également jugé que la réglementation belge en cause n’empêchait pas que des médecins ou des pharmaciens, ressortissants d’autres États membres, s’établissent en Belgique et y exploitent un laboratoire d’analyses cliniques bénéficiant du remboursement par la sécurité sociale. La Cour en a conclu qu’il s’agissait d’une réglementation indistinctement applicable aux ressortissants belges et à ceux des autres États membres, dont le contenu et les objectifs ne permettaient pas de conclure qu’elle avait été adoptée à des fins discriminatoires ou qu’elle produisait des effets de cette nature.

11

Au cours de l’année 1989, le laboratoire BIORIM a fait l’objet d’une enquête pénale en raison d’une suspicion de fraude fiscale. À l’issue de cette enquête, M. Ullens de Schooten a été poursuivi notamment pour la dissimulation de l’exploitation illégale d’un laboratoire, ce qui constitue une violation de l’article 3 de l’arrêté royal no 143.

12

Par jugement du 30 octobre 1998, le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) a condamné M. Ullens de Schooten à une peine de cinq ans d’emprisonnement ferme ainsi qu’à une amende. Par ailleurs, cette juridiction a fait droit aux demandes des mutuelles qui s’étaient constituées parties civiles et a condamné M. Ullens de Schooten à leur payer la somme d’un euro à titre provisionnel.

13

Cette juridiction a écarté l’argument de M. Ullens de Schooten selon lequel l’article 3 de l’arrêté royal no 143 n’était pas en vigueur au cours de la période des faits qui faisaient l’objet des poursuites pénales contre lui.

14

Par arrêt du 7 décembre 2000, la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) a annulé ce jugement. Cette juridiction a toutefois condamné M. Ullens de Schooten pour les mêmes faits à une peine d’emprisonnement de cinq ans, assortie d’un sursis pour la partie de la peine excédant quatre ans, ainsi qu’à une amende. Les demandes introduites par les parties civiles ont été déclarées irrecevables ou non fondées.

15

Il ressort de la décision de renvoi que cet arrêt a « supprimé toute référence » à une violation de l’article 3 de l’arrêté royal no 143 en ce qui concerne les faits commis avant son entrée en vigueur. S’agissant des faits commis après l’entrée en vigueur de cette disposition, la cour d’appel de Bruxelles a rejeté le grief tiré par M. Ullens de Schooten de la non-conformité de cette disposition au droit de l’Union, tout en refusant de poser à la Cour une question à titre préjudiciel.

16

Par arrêt du 14 février 2001, la Cour de cassation (Belgique) a rejeté les pourvois dirigés contre la condamnation pénale prononcée par la cour d’appel de Bruxelles, a accueilli les pourvois formés par les parties civiles, et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Mons (Belgique).

17

Par arrêt du 23 novembre 2005, la cour d’appel de Mons a déclaré partiellement fondée la demande de paiement formée par six mutuelles à l’encontre de M. Ullens de Schooten en lien avec les montants versés à tort au laboratoire BIORIM au cours de la période allant du 1er août 1989 au 16 avril 1992.

18

Cette juridiction a rejeté l’argument...

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