Residex Capital IV CV v Gemeente Rotterdam.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:814
Date08 December 2011
Celex Number62010CJ0275
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-275/10

Affaire C-275/10

Residex Capital IV CV

contre

Gemeente Rotterdam

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Article 88, paragraphe 3, CE — Aides d’État — Aide octroyée sous forme de garantie à un prêteur afin de lui permettre d’accorder un crédit à un emprunteur — Violation des règles de procédure — Obligation de récupération — Nullité — Pouvoirs du juge national»

Sommaire de l'arrêt

1. Aides accordées par les États — Compétences respectives de la Commission et des juridictions nationales — Rôle des juridictions nationales

(Art. 88, § 3, CE)

2. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Rétablissement de la situation antérieure — Obligations des juridictions nationales

(Art. 88, § 3, CE)

3. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Rétablissement de la situation antérieure — Obligations et pouvoirs des juridictions nationales

(Art. 88, § 3, CE)

1. La mise en œuvre du système de contrôle des aides étatiques, tel qu’il résulte de l’article 88 CE et de la jurisprudence de la Cour y afférente, incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales. À cet égard, les juridictions nationales et la Commission remplissent des rôles distincts, mais complémentaires. En effet, tandis que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.

Une mesure d’aide mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 88, paragraphe 3, CE est illégale. Il appartient aux juridictions nationales d'en tirer toutes les conséquences, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés en méconnaissance de cette disposition.

(cf. points 25-29)

2. La conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure. En effet, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie. Afin que ce remboursement puisse intervenir, il est essentiel que les juridictions nationales identifient le bénéficiaire ou, le cas échéant, les bénéficiaires de l’aide.

Lorsqu’une aide est octroyée sous forme de garantie, les bénéficiaires de cette aide peuvent être soit l’emprunteur, soit le prêteur ou, dans certains cas, ces derniers conjointement. En effet, lorsqu'un prêt octroyé par un institut de crédit à un emprunteur est garanti par les autorités publiques d’un État membre, cet emprunteur obtient normalement un avantage financier et bénéficie ainsi d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où le coût financier qu’il supporte est inférieur à celui qu’il aurait supporté s’il avait dû se procurer ce même financement et cette même garantie aux prix du marché.

Toutefois, un prêteur peut également être susceptible de tirer un profit économique de la garantie en cause, notamment lorsqu'il ne saurait être d’emblée exclu que la garantie ait été accordée pour les besoins d’une créance existante du prêteur, et ce dans le cadre d’un aménagement de la dette de l'emprunteur. Si tel devait être le cas, le prêteur aurait obtenu, au moyen de ladite garantie, un avantage économique propre, dans la mesure où sa créance serait devenue plus sûre du fait de la garantie de celle-ci par l’autorité publique, sans que par ailleurs les conditions du prêt garanti aient été adaptées. Il appartient à la juridiction nationale d’identifier, compte tenu de l’ensemble des particularités du cas d’espèce, le bénéficiaire ou, le cas échéant, les bénéficiaires de ladite garantie et de faire procéder à la récupération du montant global de l’aide en cause.

(cf. points 33-34, 37, 39-40, 42-43)

3. Dans le domaine des aides d'État, en ce qui concerne la récupération d'une aide illégale octroyée sous forme d’une garantie par une autorité publique afin de couvrir un prêt accordé par une société financière à une entreprise qui n’aurait pu obtenir un tel financement dans des conditions normales de marché, le droit de l’Union n’impose aucune conséquence déterminée que les juridictions nationales devraient obligatoirement tirer quant à la validité des actes relatifs à la mise à exécution de l’aide.

Toutefois, l’objectif des mesures que les juridictions nationales sont tenues de prendre en cas d’infraction à l’article 88, paragraphe 3, CE, visant essentiellement au rétablissement de la situation concurrentielle antérieure au versement de l’aide en cause, ces dernières doivent s’assurer que les mesures qu’elles prennent quant à la validité desdits actes permettent d’atteindre un tel objectif. Ainsi, il appartient aux juridictions nationales de vérifier si, dans un cas particulier, l’annulation de la garantie peut, compte tenu des circonstances propres au litige, s’avérer plus efficace que d’autres mesures en vue d’obtenir ledit rétablissement. En effet, il peut y avoir des situations dans lesquelles l’annulation d’un contrat, dans la mesure où elle est susceptible d’entraîner la restitution réciproque des prestations exécutées par les parties ou la disparition d’un avantage pour l’avenir, peut être mieux à même d’atteindre l’objectif du rétablissement de la situation concurrentielle antérieure à l’octroi de l’aide.

Par conséquent, la dernière phrase de l’article 88, paragraphe 3, CE doit être interprétée en ce sens que les juridictions nationales sont compétentes pour annuler une garantie dans un cas de figure où une aide illégale a été mise à exécution au moyen d’une garantie octroyée par une autorité publique afin de couvrir un prêt accordé par une société financière au bénéfice d’une entreprise qui n’aurait pu obtenir un tel financement dans des conditions normales de marché. Dans l’exercice de cette compétence, lesdites juridictions sont tenues d’assurer la récupération de l’aide et, à cette fin, elles peuvent annuler la garantie notamment lorsque, en l’absence de mesures procédurales moins contraignantes, cette annulation est de nature à entraîner ou à faciliter le rétablissement de la situation concurrentielle antérieure à l’octroi de cette garantie.

(cf. points 44-49 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 décembre 2011 (*)

«Article 88, paragraphe 3, CE – Aides d’État – Aide octroyée sous forme de garantie à un prêteur afin de lui permettre d’accorder un crédit à un emprunteur – Violation des règles de procédure – Obligation de récupération – Nullité – Pouvoirs du juge national»

Dans l’affaire C‑275/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 28 mai 2010, parvenue à la Cour le 2 juin 2010, dans la procédure

Residex Capital IV CV

contre

Gemeente Rotterdam,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan, A. Borg Barthet, E. Levits et J.‑J. Kasel, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 avril 2011,

considérant les observations présentées:

– pour Residex Capital IV CV, par Mes M. Scheltema et E. Schotanus, advocaten,

– pour la Gemeente Rotterdam, par Mes J. van den Brande et M. Custers, advocaten,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. Noort, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. H. van Vliet et S. Thomas, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 88, paragraphe 3, CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Residex Capital IV CV (ci-après «Residex») à la Gemeente Rotterdam (commune de Rotterdam) au sujet d’une garantie octroyée par la Gemeentelijk Havenbedrijf Rotterdam (société communale du port de Rotterdam, ci-après la «GHR») à Residex dans le but de couvrir un crédit accordé par cette dernière à un emprunteur.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Le treizième considérant du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), est libellé comme suit:

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