Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:388
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 June 2005
Docket NumberC-456/03
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62003CJ0456

Affaire C-456/03

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne

«Manquement d'État — Directive 98/44/CE — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Recevabilité — Défaut de transposition — Articles 3, paragraphe 1, 5, paragraphe 2, 6, paragraphe 2, et 8 à 12»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 10 mars 2005

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 16 juin 2005

Sommaire de l'arrêt

1. Recours en manquement — Preuve du manquement — Charge incombant à la Commission — Présomptions — Inadmissibilité — Non-respect de l'obligation d'information imposée aux États membres par une directive — Conséquences

(Art. 10 CE et 226 CE)

2. Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse — Modification ultérieure dans un sens restrictif — Admissibilité

(Art. 226 CE)

3. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Brevetabilité des inventions faisant usage de matière biologique — Brevetabilité des éléments isolés du corps humain ou autrement produits par un procédé technique — Réglementation nationale se bornant à définir les conditions de la brevetabilité de toute invention — Inadmissibilité à défaut de consécration jurisprudentielle de la brevetabilité desdites inventions ou desdits éléments

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 3, § 1, et 5, § 2)

4. Rapprochement des législations — Protection juridique des inventions biotechnologiques — Directive 98/44 — Non-brevetabilité de certains procédés spécifiques, tels que le clonage des êtres humains et les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales — Réglementation nationale se bornant à exclure la brevetabilité des inventions contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs — Inadmissibilité

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/44, art. 6, § 1 et 2)

1. Si, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 226 CE, il incombe à la Commission, qui a la charge d'établir l'existence du manquement allégué, d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence dudit manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, il appartient également aux États membres, en vertu de l'article 10 CE, de lui faciliter l'accomplissement de sa mission. C'est d'ailleurs à ces fins qu'un certain nombre de directives imposent aux États membres une obligation d'information.

En l'absence d'une telle information, la Commission n'est pas en mesure de vérifier si un État membre a réellement et complètement mis en application une directive. Le manquement d'un État membre à cette obligation, que ce soit par une absence totale d'information ou par une information insuffisamment claire et précise, peut donc justifier, à lui seul, l'ouverture de la procédure de l'article 226 CE. L'État membre concerné ne saurait alors reprocher à la Commission le manque de précision de la requête introductive d'instance dès lors que celui-ci résulte du comportement de cet État.

(cf. points 26-27, 29)

2. L'objet d'un recours en manquement en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition, de sorte que le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre l'énoncé des griefs dans la lettre de mise en demeure, le dispositif de l'avis motivé et les conclusions du recours, dès lors que l'objet du litige n'a pas été étendu ou modifié.

Tel est le cas lorsque la Commission, après avoir reproché à un État membre le défaut de toute transposition d'une directive, précise ensuite que la transposition alléguée par cet État pour la première fois à un stade ultérieur de la procédure est, en tout état de cause, incorrecte ou incomplète en ce qui concerne certaines dispositions de cette même directive. En effet, un tel grief est nécessairement inclus dans celui tiré de l'absence de toute transposition et revêt un caractère subsidiaire par rapport à ce dernier.

(cf. points 35, 39-40)

3. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 2, de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, l'État membre qui ne prévoit ni la brevetabilité des inventions faisant usage de matière biologique ni celle des éléments isolés du corps humain ou autrement produits par un procédé technique mais se borne à définir, d'une manière générale, les conditions de la brevetabilité de toute invention, sans faire, par ailleurs, valoir aucune décision judiciaire ayant spécifiquement consacré la brevetabilité de telles inventions ou de tels éléments. Dans ces circonstances, en effet, il apparaît que, en dépit de l'objectif de clarification poursuivi par la directive 98/44, un état d'incertitude demeure quant à la possibilité de faire protéger les inventions biotechnologiques par le droit de l'État membre concerné.

(cf. points 59-61, 71-73)

4. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 98/44, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, l'État membre qui ne prévoit pas explicitement la non-brevetabilité de certains procédés spécifiques, tels que le clonage des êtres humains et les utilisations d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales, mais se borne, en termes généraux, à exclure la brevetabilité des inventions dont l'exploitation serait contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs et les actes de disposition du corps humain.

En effet, contrairement à l'article 6, paragraphe 1, de cette directive, qui laisse aux autorités administratives et aux juridictions des États membres une large marge d'appréciation dans la mise en oeuvre de l'exclusion de la brevetabilité des inventions dont l'exploitation commerciale serait contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, le paragraphe 2 du même article ne laisse aux États membres aucune marge d'appréciation en ce qui concerne la non-brevetabilité des procédés et utilisations qui y sont énumérés, cette disposition visant précisément à encadrer l'exclusion prévue au paragraphe 1.

(cf. points 78, 80)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

16 juin 2005 (*)

«Manquement d’État – Directive 98/44/CE – Protection juridique des inventions biotechnologiques – Recevabilité – Défaut de transposition – Articles 3, paragraphe 1, 5, paragraphe 2, 6, paragraphe 2, et 8 à 12»

Dans l’affaire C‑456/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 27 octobre 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Banks, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J.‑P. Puissochet, S. von Bahr, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. D. Ruiz‑Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’adoptant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques (JO L 213, p. 13, ci‑après la «directive»), la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15 de cette directive.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive:

«1. Les États membres protègent les inventions biotechnologiques au moyen de leur droit national des brevets. Ils adaptent leur droit national des brevets, si nécessaire, pour tenir compte des dispositions de la présente directive.»

3 Selon l’article 3, paragraphe 1, de cette même directive:

«1. Aux fins de la présente directive, sont brevetables les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle, même lorsqu’elles portent sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser de la matière biologique.»

4 L’article 5 de la directive dispose:

«1. Le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables.

2. Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel.

3. L’application industrielle d’une séquence ou d’une séquence partielle d’un gène doit être concrètement exposée dans la demande de brevet.»

5 L’article 6 de ladite directive précise:

«1. Les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont exclues de la brevetabilité, l’exploitation ne pouvant être considérée comme telle du seul fait qu’elle est interdite par une disposition légale ou réglementaire.

2. Au titre du paragraphe 1 ne sont notamment pas brevetables:

a) les procédés de clonage des êtres humains;

b) les procédés de modification de l’identité génétique germinale de l’être...

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