Marc Michel Josemans v Burgemeester van Maastricht.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:774
Docket NumberC-137/09
Celex Number62009CJ0137
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 December 2010

Affaire C-137/09

Marc Michel Josemans

contre

Burgemeester van Maastricht

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Raad van State)

«Libre prestation des services — Libre circulation des marchandises — Principe de non-discrimination — Mesure d’une autorité publique locale réservant l’accès aux coffee-shops aux résidents néerlandais — Commercialisation de drogues dites ‘douces’ — Commercialisation de boissons sans alcool et d’aliments — Objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine — Ordre public — Protection de la santé publique — Cohérence — Proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1. Droit communautaire — Principes — Égalité de traitement — Discrimination en raison de la nationalité — Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Libre circulation des marchandises — Libre prestation des services — Dispositions du traité — Champ d'application — Stupéfiants relevant du circuit illégal et tombant sous le coup d'une interdiction d'importation et de mise en vente dans tous les États membres — Commercialisation tolérée au niveau de la répression pénale, dans des coffee-shops, de stupéfiants qualifiés de drogues «douces» — Exclusion

(Art. 12 CE, 18 CE, 29 CE et 49 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Réglementation communale excluant les personnes non-résidentes de certaines prestations de services

(Art. 49 CE)

1. Dans le cadre de son activité consistant en la commercialisation, tolérée au niveau de la répression pénale, dans des coffee-shops, de stupéfiants ne faisant pas partie d'un circuit strictement surveillé par les autorités compétentes en vue d’être utilisés à des fins médicales ou scientifiques, un tenancier d'un tel coffee-shop ne saurait se prévaloir des articles 12 CE, 18 CE, 29 CE ou 49 CE pour s’opposer à une réglementation communale qui interdit l’admission de personnes non-résidentes dans de tels établissements.

Les stupéfiants qui ne se trouvent pas dans un circuit strictement surveillé par les autorités compétentes en vue d’être utilisés à des fins médicales ou scientifiques relèvent en effet, par leur nature même, d’une interdiction d’importation et de mise en vente dans tous les États membres. La circonstance que l’un ou l’autre des États membres qualifie un stupéfiant comme étant une drogue douce n’est pas de nature à remettre en cause cette affirmation. De même, cette interdiction d’importation et de mise en vente n’est pas affectée par le seul fait que les autorités chargées de son application, en tenant notamment compte de leurs capacités personnelles et matérielles limitées, réservent une priorité moindre à la répression d’un certain type de commerce de stupéfiants parce qu’elles considèrent d’autres types comme plus dangereux. Une telle approche ne peut surtout pas assimiler le trafic illicite de stupéfiants au circuit économique strictement surveillé par les autorités compétentes dans le domaine médical et scientifique. En effet, ce dernier trafic est effectivement légalisé alors que le trafic illicite, même s’il est toléré, reste interdit.

Quant à l’activité consistant en la commercialisation de boissons sans alcool et d’aliments dans ces mêmes coffee-shops, les articles 49 CE et suivants peuvent être utilement invoqués par le tenancier. En effet, la commercialisation de boissons sans alcool et d’aliments, dans des coffee-shops, constitue une activité de restauration, caractérisée par un faisceau d’éléments et d’actes au sein desquels les services prévalent par rapport à la livraison du bien lui-même.

(cf. points 41, 43, 49, 54, disp. 1)

2. L’article 49 CE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation communale qui interdit l’admission de personnes non-résidentes dans des coffee-shops constitue une restriction à la libre prestation de services consacrée par le traité CE, dans la mesure où cette interdiction frappe la fourniture de services de restauration dans des coffee-shops commercialisant certains stupéfiants qualifiés de drogues «douces». Cette restriction est cependant justifiée par l’objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine.

En effet, la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances que celui-ci draine s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la drogue. Elle se rattache tant au maintien de l’ordre public qu’à la protection de la santé des citoyens, et ceci aussi bien au niveau des États membres qu’à celui de l’Union. Étant donné les engagements pris par l’Union et par ses États membres, ces objectifs constituent un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit de l’Union, même en vertu d’une liberté fondamentale telle que la libre prestation des services.

S'agissant du caractère proportionné d'une telle restriction, il est incontestable qu’une interdiction d’admettre des non-résidents dans des coffee-shops constitue une mesure de nature à limiter de manière substantielle le tourisme de la drogue et, par voie de conséquence, de réduire les problèmes occasionnés par celui-ci. Dans ce contexte, il ne saurait être jugé incohérent qu’un État membre prenne des mesures adéquates pour faire face à un flux important de résidents provenant d’autres États membres et souhaitant bénéficier de la commercialisation, tolérée dans cet État, de produits qui relèvent, par leur nature même, d’une interdiction de mise en vente dans tous les États membres.

Quant à la possibilité d’adopter des mesures moins restrictives de la libre prestation des services et, plus particulièrement, d’accorder aux non-résidents l’accès à des coffee-shops tout en leur refusant la vente de cannabis, il n’est pas aisé de contrôler et de surveiller avec précision que ce produit n’est ni servi aux non-résidents ni consommé par eux. En outre, il serait à craindre qu’une telle approche n’encourage le commerce illicite ou la revente de cannabis par des résidents aux non-résidents à l’intérieur des coffee-shops. Or, il ne saurait être dénié aux États membres la possibilité de poursuivre l’objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine par l’introduction de règles générales qui sont facilement gérées et contrôlées par les autorités nationales.

Ainsi, en l'absence d'éléments pouvant laisser présumer que l’objectif poursuivi pourrait être assuré à un niveau tel que celui envisagé par la réglementation communale concernée en accordant aux non-résidents l’accès à des coffee-shops tout en leur refusant la vente de cannabis, une telle réglementation est propre à garantir la réalisation de l’objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

(cf. points 65-66, 69, 75, 78, 80-84, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 décembre 2010 (*)

«Libre prestation des services − Libre circulation des marchandises − Principe de non-discrimination − Mesure d’une autorité publique locale réservant l’accès aux coffee-shops aux résidents néerlandais − Commercialisation de drogues dites ‘douces’ − Commercialisation de boissons sans alcool et d’aliments − Objectif visant la lutte contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine − Ordre public − Protection de la santé publique − Cohérence − Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑137/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Raad van State (Pays-Bas), par décision du 8 avril 2009, parvenue à la Cour le 15 avril 2009, dans la procédure

Marc Michel Josemans

contre

Burgemeester van Maastricht,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas (rapporteur), A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 avril 2010,

considérant les observations présentées:

– pour M. Josemans, par Me A. Beckers, advocaat,

– pour le Burgemeester van Maastricht, par Me S. A. R. Lely, advocaat,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort ainsi que par M. J. Langer, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mme C. Pochet et M. L. Goossens, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et J. Möller, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme A. Czubinski, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. H. van Vliet et I. Rogalski, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE, 18 CE, 29 CE et 49 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Josemans, exploitant du coffee-shop Easy Going, au Burgemeester van Maastricht (maire de la commune de Maastricht), au motif que ce dernier a déclaré l’établissement en cause temporairement fermé à la suite de deux constats attestant que des personnes ne résidant pas aux Pays-Bas y avaient été admises au mépris des dispositions en vigueur dans cette commune.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 La nécessité de lutter contre la drogue, notamment en réprimant le trafic illicite de celle-ci et en prévenant la consommation de stupéfiants ainsi que la toxicomanie, a été reconnue par plusieurs actes et instruments de l’Union.

4 La décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil, du 25 octobre 2004, concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (JO L 335, p. 8), énonce, à son premier...

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