Commission of the European Communities v Kingdom of Spain.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:614
CourtCourt of Justice (European Union)
Date06 October 2009
Docket NumberC-562/07
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62007CJ0562

Affaire C-562/07

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume d'Espagne

«Manquement d'État — Libre circulation des capitaux — Articles 56 CE et 40 de l'accord EEE — Fiscalité directe — Personnes physiques — Imposition des plus-values — Différence de traitement entre résidents et non-résidents»

Sommaire de l'arrêt

1. États membres — Obligations — Manquement — Justification — Principe de protection de la confiance légitime — Principe de coopération loyale

(Art. 226 CE)

2. Recours en manquement — Procédure précontentieuse — Durée excessive

(Art. 226 CE)

3. Recours en manquement — Examen du bien-fondé par la Cour — Situation à prendre en considération — Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Art. 226 CE)

4. Recours en manquement — Délai imparti à l'État membre dans l'avis motivé — Cessation postérieure du manquement — Intérêt à la poursuite de l'action

(Art. 226 CE)

5. Recours en manquement — Droit d'action de la Commission

(Art. 226 CE)

6. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôt sur le revenu

(Art. 56 CE et 58, § 1; accord EEE, art. 40)

1. La procédure en manquement repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui impose le droit communautaire. Les principes du respect de la confiance légitime et de coopération loyale ne sauraient être invoqués par un État membre pour faire obstacle à la constatation objective du non-respect, par lui, des obligations que lui impose le traité, car l'admission de cette justification va à l'encontre de l'objectif poursuivi par la procédure prévue à l'article 226 CE. La circonstance que la Commission ait renoncé à introduire un recours en constatation de manquement à l'encontre d'un État membre lorsque ce dernier avait mis un terme au manquement allégué après l'écoulement du délai fixé dans l'avis motivé ne saurait donc créer, dans le chef de cet État membre ou des autres États membres, une confiance légitime susceptible d'affecter la recevabilité d'une action intentée par la Commission. En outre, la circonstance que la Commission n'introduise pas une requête au titre de l'article 226 CE immédiatement après l'écoulement du délai fixé dans l'avis motivé n'est pas davantage susceptible de créer dans le chef de l'État membre concerné une confiance légitime quant au fait que la procédure en manquement a été clôturée.

(cf. points 18-20)

2. Certes, la durée excessive de la procédure précontentieuse est susceptible de constituer un vice rendant un recours en manquement irrecevable. Toutefois, une telle conclusion ne s'impose que dans les cas où, par son comportement, la Commission a rendu difficile la réfutation de ses arguments, violant ainsi les droits de la défense de l'État membre intéressé, et il appartient à ce dernier d'apporter la preuve d'une telle difficulté.

(cf. point 21)

3. Dans le cadre d'un recours au titre de l'article 226 CE, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai mentionné dans l'avis motivé.

(cf. point 23)

4. L'intérêt de la Commission à introduire un recours au titre de l'article 226 CE existe même lorsque l'infraction reprochée a été éliminée postérieurement au délai fixé dans l'avis motivé. Par conséquent, un État membre, lorsqu'il a été informé par la procédure précontentieuse que la Commission lui reprochait d'avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, ne saurait, en l'absence de toute prise de position explicite de la part de la Commission indiquant qu'elle allait clôturer la procédure en manquement engagée, faire utilement valoir que ladite institution a violé le principe de sécurité juridique.

(cf. points 23-24)

5. La Commission n'a pas à démontrer l'existence d'un intérêt à agir ni à indiquer les motifs qui l'ont amenée à introduire un recours en manquement. Lorsque l'objet du recours tel qu'il découle de la requête correspond à l'objet du litige tel que défini dans la lettre de mise en demeure et dans l'avis motivé, il ne saurait être valablement soutenu que la Commission a commis un détournement de pouvoir.

(cf. point 25)

6. Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 56 CE et de l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen, un État membre qui impose différemment les plus-values réalisées dans cet État membre selon qu'elles étaient obtenues par des résidents ou par des non-résidents alors que ces contribuables se trouvent dans une situation objectivement comparable au regard de cette imposition.

Ne se rapporte pas à une différence de situation, au sens de l’article 58, paragraphe 1, CE, résultant du lieu de résidence des contribuables, une réglementation qui ne vise que les plus-values résultant de cessions de biens détenus dans l'État membre concerné, qui ne poursuit pas, au moyen du traitement fiscal avantageux accordé aux résidents, une finalité sociale et dont il n'est pas établi qu'elle vise à tenir compte de la situation personnelle du contribuable pour la liquidation de l'impôt.

L'existence de conventions préventives de la double imposition n'est pas de nature à remettre en question cette conclusion lorsque celles-ci ne neutralisent que partiellement la charge acquittée dans l'État membre concerné par les non-résidents. Par ailleurs, l’existence d’une convention préventive de la double imposition n’exclut pas que le revenu qu’un contribuable perçoit dans un État sans y résider et qui est exclusivement imposable dans cet État soit néanmoins pris en considération par l’État de résidence pour calculer le montant de l’impôt sur le reste des revenus dudit contribuable en vue, notamment, d’appliquer la règle de progressivité de l’impôt. Le fait d’être non-résident ne permet donc pas d’échapper à l’application de cette règle. Il s’ensuit que, dans un tel cas de figure, les deux catégories de contribuables sont dans une situation comparable au regard de ladite règle.

La restriction résultant d'une telle réglementation ne saurait être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal national, lorsqu'il n'existe aucun lien direct entre les avantages consentis aux contribuables résidents et une compensation résultant d’un prélèvement fiscal déterminé.

(cf. points 50-59, 65-66, 69 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 octobre 2009 (*)

«Manquement d’État − Libre circulation des capitaux − Articles 56 CE et 40 de l’accord EEE − Fiscalité directe − Personnes physiques − Imposition des plus-values − Différence de traitement entre résidents et non-résidents»

Dans l’affaire C‑562/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 19 décembre 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal et Mme I. Martínez del Peral, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par:

Royaume de Belgique, représenté par M. T. Materne, en qualité d’agent,

République de Lettonie, représentée par Mme E. Balode-Buraka, en qualité d’agent,

République d’Autriche, représentée par M. E. Riedl et Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LA COUR (première chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de la cinquième chambre, faisant fonction de président de la première chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, E. Levits et J.-J. Kasel (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ayant traité différemment, jusqu’au 31 décembre 2006, les plus-values réalisées en Espagne selon qu’elles étaient obtenues par des résidents ou par des non-résidents, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE et 56 CE ainsi que des articles 28 et 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci‑après l’«accord EEE»).

Le cadre juridique

2 En Espagne, l’imposition des revenus des résidents était, jusqu’au 31 décembre 2006, régie par le texte codifié de la loi relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Texto Refundido de la Ley del Impuesto sobre la Renta de las Personas Físicas), adopté par le décret royal législatif 3/2004, du 5 mars 2004 (BOE n° 60, du 10 mars 2004, p. 10670, et rectificatif BOE n° 61, du 11 mars 2004, p. 11014, ci-après le «TRLIRPF»). En application des articles 67 et 77 du TRLIRPF, les plus-values résultant de la cession d’éléments patrimoniaux détenus depuis plus d’un an par le contribuable étaient imposées à un taux forfaitaire de 15 %. Les autres plus-values étaient imposées selon un barème progressif prévu aux articles 64 et 75 du TRLIRPF et dont le taux était compris entre 15 % et 45 %.

3 Jusqu’à cette même date, l’imposition des revenus des non-résidents était régie par le texte codifié de la loi relative à l’impôt sur le revenu des non-résidents (Texto Refundido de la Ley del Impuesto sobre la Renta de no Residentes), adopté par le décret royal législatif 5/2004, du 5 mars 2004 (BOE n° 62, du 12 mars 2004, p. 11176, ci-après le «TRLIRNR»), dont l’article 25, paragraphe 1, sous f), soumettait les plus-values à un taux d’imposition forfaitaire de 35 %.

4 En vertu de l’article 46 du TRLIRNR, les non-résidents dont au moins 75 % des revenus totaux provenaient, sur un même exercice, d’un travail ou d’une activité économique en Espagne pouvaient choisir d’être imposés en tant que contribuables à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Le paragraphe 3 de cet article prévoyait que les...

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