Edyta Joanna Jakubowska v Alessandro Maneggia.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:729
Docket NumberC-225/09
Celex Number62009CJ0225
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date02 December 2010

Affaire C-225/09

Edyta Joanna Jakubowska

contre

Alessandro Maneggia

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Giudice di pace di Cortona)

«Règles de l’Union relatives à l’exercice de la profession d’avocat — Directive 98/5/CE — Article 8 — Prévention de conflits d’intérêts — Réglementation nationale interdisant l’exercice concomitant de la profession d’avocat et d’un emploi de fonctionnaire à temps partiel — Radiation de l’inscription au tableau de l’ordre des avocats»

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour — Limites — Questions générales ou hypothétiques — Vérification par la Cour de sa propre compétence

(Art. 234 CE; directive du Parlement européen et du Conseil 98/5, art. 8)

2. Concurrence — Règles communautaires — Obligations des États membres

(Art. 3, § 1, g), CE, 4 CE, 10 CE, 81 CE et 98 CE)

3. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Avocats — Exercice permanent de la profession dans un État membre autre que celui d'acquisition de la qualification — Directive 98/5

(Directive du Parlement européen et du Conseil 98/5, art. 8)

1. Les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

A cet égard, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 8 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, ne saurait être considérée comme hypothétique du fait qu'elle a été posée dans le cadre d'une procédure de radiation du tableau de l’ordre des avocats visant des avocats exerçant cette profession dans leur État sous le titre professionnel obtenu dans ce même État membre. En effet, la règle énoncée audit article 8 n’a pas seulement pour objet d’accorder aux avocats inscrits dans un État membre d’accueil sous leur titre professionnel obtenu dans un autre État membre les mêmes droits que ceux dont jouissent les avocats inscrits dans cet État membre d’accueil sous le titre professionnel obtenu dans celui-ci. Cette règle assure également que ces derniers ne subissent pas une discrimination à rebours, ce qui pourrait survenir si les règles qui leur sont imposées n’étaient pas appliquées aussi aux avocats inscrits dans ledit État membre d’accueil sous un titre professionnel obtenu dans un autre État membre.

(cf. points 28,31-32)

2. Les articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 10 CE, 81 CE et 98 CE ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui empêche les fonctionnaires occupés dans le cadre d’une relation de travail à temps partiel d’exercer la profession d’avocat, même s’ils sont titulaires de l’habilitation à l’exercice de cette profession, imposant leur radiation du tableau de l’ordre des avocats.

En effet, il y a violation des articles 10 CE et 81 CE lorsqu’un État membre soit impose ou favorise la conclusion d’ententes contraires à l’article 81 CE ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d’intervention d’intérêt économique. Or, le fait qu’un État membre prescrive aux organes d’une association professionnelle tels que les conseils de l’ordre des avocats des différents barreaux de procéder à la radiation d’office de l’inscription au tableau de l’ordre des avocats des membres de cette profession qui sont également fonctionnaires à temps partiel et qui n’ont pas opté, dans un délai fixe, soit pour le maintien de l’inscription audit tableau, soit pour le maintien de la relation de travail avec l’entité publique qui les emploie, n’est pas de nature à établir que cet État membre a retiré à sa réglementation son caractère étatique. En effet, lesdits conseils n’ont aucune influence en ce qui concerne l’adoption d’office, prescrite par la loi, de décisions de radiation.

Pour des motifs analogues, une telle réglementation nationale ne saurait être considérée comme imposant ou favorisant des ententes contraires à l’article 81 CE.

Ces considérations ne sont aucunement infirmées ni par l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE, qui envisage l’action de l’Union européenne en ce qui concerne un régime assurant que la concurrence ne soit pas faussée dans le marché intérieur, ni par les articles 4 CE et 98 CE, qui visent à l’instauration d’une politique économique dans le respect du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre.

(cf. points 49-53, disp. 1)

3. L’article 8 de la directive 98/5, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu’il est loisible à l’État membre d’accueil d’imposer, aux avocats y inscrits et employés - que ce soit à temps plein ou à temps partiel - par un autre avocat, une association ou société d’avocats, ou une entreprise publique ou privée, des restrictions sur l’exercice concomitant de la profession d’avocat et dudit emploi, pourvu que ces restrictions n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévention de conflits d’intérêts et s’appliquent à l’ensemble des avocats inscrits dans ledit État membre.

L'article 8 de la directive 98/5 porte, en effet, sur l’ensemble des règles que l’État membre d’accueil a instauré afin de prévenir les conflits d’intérêts qui pourraient, selon ses appréciations, résulter d’une situation dans laquelle un avocat est, d’une part, inscrit au tableau de l’ordre des avocats et, d’autre part, employé par un autre avocat, par une association ou société d’avocats, ou par une entreprise publique ou privée. Ainsi, l’interdiction imposée aux avocats inscrits dans l'État membre concerné d’être employés, même si ce n’est qu’à temps partiel, par une entité publique fait partie des règles visées à cet article 8, du moins pour autant que ladite interdiction porte sur l’exercice concomitant de la profession d’avocat et d’un emploi auprès d’une entreprise publique. Au demeurant, le fait que cette réglementation puisse être considérée comme stricte n’est pas en soi critiquable. En effet, l’absence de conflit d’intérêts est indispensable à l’exercice de la profession d’avocat et implique, notamment, que les avocats se trouvent dans une situation d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des autres opérateurs dont il convient qu’ils ne subissent aucune influence. Il convient, certes, que les règles fixées à cet égard n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de prévention de conflits d’intérêts. Enfin, ledit article 8 implique que les règles de l’État membre d’accueil soient appliquées à l’ensemble des avocats inscrits dans cet État membre, qu’ils le soient sous le titre professionnel obtenu dans celui-ci ou sous celui obtenu dans un autre État membre.

(cf. points 59-62, 64, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

2 décembre 2010 (*)

«Règles de l’Union relatives à l’exercice de la profession d’avocat – Directive 98/5/CE – Article 8 – Prévention de conflits d’intérêts – Réglementation nationale interdisant l’exercice concomitant de la profession d’avocat et d’un emploi de fonctionnaire à temps partiel – Radiation de l’inscription au tableau de l’ordre des avocats»

Dans l’affaire C‑225/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Giudice di pace di Cortona (Italie), par décision du 23 avril 2009, parvenue à la Cour le 19 juin 2009, dans la procédure

Edyta Joanna Jakubowska

contre

Alessandro Maneggia,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Levits, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et M. Safjan, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. M.‑A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 juin 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Mme Jakubowska, par Me M. Frigessi di Rattalma, avvocato,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. P. Gentili et L. Ventrella, avvocati dello Stato,

– pour le gouvernement irlandais, par M. D. J. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. M. Collins, SC,

– pour le gouvernement hongrois, par Mme R. Somssich, M. M. Fehér et Mme Z. Tóth, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement slovène, par Mme N. Pintar Gosenca, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par M. H. Støvlbæk et Mme E. Montaguti, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 10 CE, 81 CE et 98 CE, de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO L 78, p. 17), de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO L 77, p. 36), ainsi que des principes généraux de protection de la confiance légitime et de respect des droits acquis.

2 Cette...

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