Zeturf Ltd v Premier ministre.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:437
Date30 June 2011
Celex Number62008CJ0212
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-212/08

Affaire C-212/08

Zeturf Ltd

contre

Premier ministre

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France))

«Régime d’exclusivité de gestion des paris hippiques hors hippodromes — Article 49 CE — Restriction à la libre prestation des services — Raisons impérieuses d’intérêt général — Objectifs de lutte contre l’assuétude au jeu et contre les activités frauduleuses et criminelles ainsi que de contribution au développement rural — Proportionnalité — Mesure restrictive devant viser à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités de jeux de hasard d’une manière cohérente et systématique — Opérateur menant une politique commerciale dynamique — Politique publicitaire mesurée — Appréciation de l’entrave à la commercialisation par les canaux traditionnels et par Internet»

Sommaire de l'arrêt

1. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de ces jeux à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique étroit — Justification

(Art. 49 CE)

2. Libre prestation des services — Restrictions — Jeux de hasard — Réglementation nationale octroyant un régime d'exclusivité pour l'organisation de paris hippiques à un opérateur unique soumis à un contrôle étatique étroit

(Art. 49 CE)

1. L’article 49 CE doit être interprété dans le sens qu'un État membre cherchant à assurer un niveau particulièrement élevé de protection des consommateurs dans le secteur des jeux de hasard peut être fondé à considérer que seul l’octroi de droits exclusifs à un organisme unique soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics est de nature à permettre de maîtriser les risques liés audit secteur et de poursuivre l’objectif de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées aux jeux et de lutte contre l’assuétude au jeu d’une façon suffisamment efficace.

À cet égard, il incombe à la juridiction nationale de vérifier, d'une part, que les autorités nationales visaient véritablement, au moment des faits, à assurer un tel niveau de protection particulièrement élevé et que, au regard de ce niveau recherché, l’institution d’un monopole pouvait effectivement être considérée comme nécessaire, et, d'autre part, que les contrôles étatiques auxquels les activités de l’organisme bénéficiant des droits exclusifs sont en principe soumises sont effectivement mis en œuvre de manière cohérente et systématique dans la poursuite des objectifs assignés à cet organisme.

Afin d’être cohérente avec les objectifs de lutte contre la criminalité ainsi que de réduction des occasions de jeu, une réglementation nationale instituant un monopole en matière de jeux de hasard doit:

- reposer sur la constatation selon laquelle les activités criminelles et frauduleuses liées aux jeux et l’assuétude au jeu constituent un problème sur le territoire de l’État membre concerné auquel une expansion des activités autorisées et réglementées serait de nature à remédier,

- ne permettre la mise en œuvre que d’une publicité mesurée et strictement limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôlés.

(cf. point 72, disp. 1)

2. Afin d’apprécier l’atteinte à la libre prestation des services par un système qui consacre un régime d’exclusivité pour l’organisation des paris hippiques, il incombe aux juridictions nationales de tenir compte de l’ensemble des canaux de commercialisation substituables de ces paris, à moins que le recours à Internet n’ait pour conséquence d’aggraver les risques liés aux jeux de hasard concernés au-delà de ceux existants en ce qui concerne les jeux commercialisés par des canaux traditionnels.

En présence d’une réglementation nationale qui s’applique de la même manière à l’offre de paris hippiques en ligne et à celle effectuée par des canaux traditionnels, il convient d’apprécier l’atteinte à la libre prestation des services du point de vue des restrictions apportées à l’ensemble du secteur concerné.

(cf. point 83, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

30 juin 2011 (*)

«Régime d’exclusivité de gestion des paris hippiques hors hippodromes Article 49 CE – Restriction à la libre prestation des services – Raisons impérieuses d’intérêt général – Objectifs de lutte contre l’assuétude au jeu et contre les activités frauduleuses et criminelles ainsi que de contribution au développement rural – Proportionnalité – Mesure restrictive devant viser à réduire les occasions de jeu et à limiter les activités de jeux de hasard d’une manière cohérente et systématique – Opérateur menant une politique commerciale dynamique – Politique publicitaire mesurée – Appréciation de l’entrave à la commercialisation par les canaux traditionnels et par Internet»

Dans l’affaire C‑212/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 9 mai 2008, parvenue à la Cour le 21 mai 2008, dans la procédure

Zeturf Ltd

contre

Premier ministre,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. K. Schiemann (rapporteur), président de chambre, Mmes C. Toader et A. Prechal, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 décembre 2010,

considérant les observations présentées:

– pour Zeturf Ltd, par Mes O. Delgrange et M. Riedel, avocats,

– pour le Groupement d’intérêt économique Pari Mutuel Urbain, par Mes P. de Montalembert, P. Pagès et C.-L. Saumon, avocats,

– pour le gouvernement français, par Mmes E. Belliard et N. Rouam ainsi que par MM. G. de Bergues et B. Messmer, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet et L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées de Me P. Vlæmminck, advocaat,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et B. Klein, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement grec, par Mmes E.-M. Mamouna, M. Tassopoulou et G. Papadaki, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement maltais, par Mme A. Buhagiar ainsi que par MM. S. Camilleri et J. Borg, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. Mateus Calado, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme C. Vrignon et M. E. Traversa, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 CE et 50 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Zeturf Ltd (ci‑après «Zeturf»), une société de droit maltais, au Premier ministre français à propos d’une décision implicite de ce dernier portant refus de procéder à l’abrogation de mesures nationales conférant un monopole, en France, pour la gestion des paris hippiques hors hippodromes au Groupement d’intérêt économique Pari Mutuel Urbain (ci-après le «PMU»).

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 La directive 90/428/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, concernant les échanges d’équidés destinés à des concours et fixant les conditions de participation à ces concours (JO L 224, p. 60), a, aux termes de son deuxième considérant, pour objectif de fixer au niveau communautaire des règles relatives aux échanges intracommunautaires d’équidés destinés à des concours.

4 Le cinquième considérant de ladite directive est libellé comme suit:

«considérant que les échanges d’équidés destinés à des concours et la participation à ces concours peuvent être compromis par les disparités existant dans les réglementations concernant l’affectation d’un pourcentage du montant des gains et profits à la sauvegarde, la promotion et l’amélioration de l’élevage dans les États membres; [...]»

5 L’article 1er de la même directive dispose que celle-ci «établit les conditions d’échange des équidés destinés à des concours et les conditions de participation de ces équidés à ces concours».

6 Aux termes de l’article 2, second alinéa, de la directive 90/428, «on entend par ‘concours’ toute compétition hippique».

7 L’article 3 de ladite directive prohibe toute discrimination, dans les règles du concours, à l’encontre des équidés enregistrés dans un État membre ou originaires d’un État membre autre que celui dans lequel le concours est organisé.

8 L’article 4 de la même directive dispose:

«1. Les obligations énoncées à l’article 3 valent notamment pour:

[...]

c) les gains ou profits qui peuvent résulter du concours.

2. Toutefois:

[...]

– les États membres sont autorisés à réserver, pour chaque concours ou type de concours, par l’intermédiaire des organismes officiellement agréés ou reconnus à cet effet, un certain pourcentage du montant des gains ou profits visés au paragraphe 1 point c) à la sauvegarde, la promotion et l’amélioration de l’élevage.

[...]»

La réglementation nationale

L’organisation des courses de chevaux

9 L’article 1er de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux (Bulletin des lois 1891, n° 23707), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi de 1891»), prévoit:

«Aucun champ de courses ne peut être ouvert sans l’autorisation préalable du ministre de l’Agriculture.»

10 L’article 2 de la loi de 1891 dispose:

«Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l’amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l’Agriculture, après avis du conseil supérieur des haras.»

11 L’article 1er du décret n° 97-456, du 5 mai 1997, relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel (JORF du 8 mai 1997, p. 7012), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le «décret de 1997»), est libellé comme suit:

«Les sociétés de courses de chevaux sont régies par les dispositions de...

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