SIA „Maxima Latvija” v Konkurences padome.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:784
Docket NumberC-345/14
Celex Number62014CJ0345
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 November 2015
62014CJ0345

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

26 novembre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Concurrence — Article 101, paragraphe 1, TFUE — Application d’une réglementation nationale analogue — Compétence de la Cour — Notion d’‘accord ayant pour objet de restreindre la concurrence’ — Contrats de bail commercial — Centres commerciaux — Droit du locataire de référence de s’opposer à la location par le bailleur d’espaces commerciaux à des tiers»

Dans l’affaire C‑345/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie), par décision du 11 juillet 2014, parvenue à la Cour le 17 juillet 2014, dans la procédure

SIA «Maxima Latvija»

contre

Konkurences padome,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 juin 2015,

considérant les observations présentées:

pour SIA «Maxima Latvija», par Mes M. Gailis et L. Mervina, advokāti, ainsi que par M. A. Šteinmanis,

pour le gouvernement letton, par MM. I. Kalniņš et J. Treijs‑Gigulis, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. N. Khan et F. Ronkes Agerbeek ainsi que par Mme I. Rubene, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SIA «Maxima Latvija» (ci‑après «Maxima Latvija») au Konkurences padome (conseil de la concurrence) au sujet d’une amende infligée par celui‑ci à Maxima Latvija pour avoir conclu une série de contrats de bail commercial avec des centres commerciaux, contenant une clause ayant un objet anticoncurrentiel.

Le cadre juridique

3

Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la loi sur la concurrence (Konkurences likums):

«Sont interdits et nuls dès leur conclusion les accords entre opérateurs ayant pour objet ou pour effet d’entraver, de limiter ou de fausser la concurrence sur le territoire de la Lettonie, y compris les accords relatifs:

[...]

7)

à des actes (ou à une abstention) obligeant un autre opérateur à abandonner un marché déterminé ou entravant l’arrivée d’un autre opérateur potentiel sur un marché déterminé.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

4

Maxima Latvija, acteur letton du secteur du commerce de détail à dominante alimentaire, exploite des magasins à grande surface. Cette société a conclu une série de contrats de bail commercial avec des centres commerciaux situés en Lettonie, portant sur la location d’espaces commerciaux dans ces centres.

5

Après avoir analysé 119 de ces contrats, le conseil de la concurrence a constaté que 12 d’entre eux contenaient une clause accordant à Maxima Latvija, en sa qualité de «locataire de référence», le droit de consentir à la location par le bailleur à des tiers des espaces commerciaux non loués à Maxima Latvija. Il ressort de la décision de renvoi que le «locataire de référence» est la grande surface offrant des biens de consommation courante qui, au sein d’un centre commercial, occupe habituellement la plus grande partie ou une partie essentielle de la superficie de ce centre.

6

Considérant que les contrats de bail commercial contenant la clause en cause au principal constituaient des accords verticaux ayant pour objet d’entraver, de limiter ou de fausser la concurrence, le conseil de la concurrence a adopté une décision, dans laquelle il a conclu que ces accords violaient l’article 11, paragraphe 1, point 7, de la loi sur la concurrence, sans qu’il soit utile de démontrer qu’ils rendaient, en pratique, difficile l’accès au marché à des opérateurs particuliers. Le conseil de la concurrence a, par conséquent, infligé à Maxima Latvija une amende s’élevant à 25000 lats lettons (LVL) (environ 35770 euros).

7

Maxima Latvija a introduit un recours en annulation contre cette décision auprès de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) qui l’a rejeté par décision du 28 juin 2013. Cette juridiction a jugé que, au regard du pouvoir de marché détenu par Maxima Latvija sur le marché de la vente au détail, la finalité des accords en cause au principal était d’entraver la concurrence et que, dès lors, il n’était pas nécessaire d’en démontrer les éventuels effets sur la concurrence.

8

Maxima Latvija s’est pourvue en cassation contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Elle fait valoir, en substance, que l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a commis une erreur de droit en confirmant l’analyse du conseil de la concurrence selon laquelle les accords en cause au principal avaient pour objet de restreindre la concurrence.

9

La juridiction de renvoi fait observer, premièrement, qu’il n’est pas contesté entre les parties au principal que lesdits accords ne sont pas susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres. Elle considère toutefois que le libellé de l’article 11, paragraphe 1, de la loi sur la concurrence est en substance analogue à celui de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que cette loi devrait recevoir une application conforme à ce qu’exige le droit de l’Union. Cette juridiction souligne, par ailleurs, qu’il existe un intérêt manifeste à ce que les dispositions ou les notions tirées du droit de l’Union fassent l’objet d’une interprétation uniforme. Ladite juridiction constate, deuxièmement, que la jurisprudence de la Cour relative à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne permet pas de déterminer avec certitude si des accords tels que ceux en cause au principal peuvent être qualifiés d’accords ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition.

10

Dans ces conditions, l’Augstākā tiesa (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’accord examiné dans la présente affaire, conclu entre un bailleur de locaux commerciaux et un détaillant (locataire de référence), qui limite le droit du bailleur de décider individuellement, sans le consentement préalable du locataire de référence, de louer d’autres locaux commerciaux à des concurrents potentiels du locataire de référence, doit‑il être considéré comme un accord entre entreprises dont l’objet est d’entraver, de restreindre ou de fausser la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE?

2)

Faut‑il procéder à une analyse de la structure du marché pour apprécier la compatibilité de cet accord avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et quel doit le cas échéant être l’objet de cette analyse?

3)

Le pouvoir de marché des participants à l’accord examiné dans la présente affaire et son possible accroissement sont‑ils un élément qu’il convient nécessairement de prendre en compte pour apprécier la compatibilité dudit accord avec l’article 101, paragraphe 1, TFUE?

4)

Si, pour identifier la substance de l’accord et déterminer les éléments constitutifs de l’accord interdit, il est nécessaire d’apprécier ses effets potentiels sur le marché, lesdits effets peuvent‑ils par ailleurs suffire pour constater que l’accord correspond à la notion d’accord interdit sans examiner la question de savoir si des effets négatifs se sont réellement produits?»

Sur les questions préjudicielles

Observations liminaires

11

Il y a lieu de vérifier si la Cour est compétente pour répondre aux questions posées. En effet, l’Augstākā tiesa (Cour suprême) relève, dans la décision de renvoi, que les accords en cause au principal concernent une situation purement interne et n’ont pas d’incidence sur le commerce entre les États membres. Par conséquent, l’article 101 TFUE ne trouverait pas à s’appliquer au litige au principal.

12

À cet égard, la Cour s’est à maintes reprises déclarée compétente pour statuer sur les demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors du champ d’application directe de ce droit, pour autant que lesdites dispositions avaient été rendues applicables par la législation nationale, laquelle se conformait, pour les solutions apportées à des situations purement internes, à celles retenues par le droit de l’Union. En effet, dans de tels cas, selon une jurisprudence constante de la Cour, il existe un intérêt certain de l’Union européenne à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer (voir, notamment, arrêts Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 20, ainsi que FNV Kunsten Informatie en Media, C‑413/13, EU:C:2014:2411, point 18).

13

Tel est, selon la juridiction de renvoi, le cas de l’article 11, paragraphe 1, de la loi sur la concurrence en ce que cette disposition reproduit le contenu essentiel de l’article 101...

To continue reading

Request your trial
22 practice notes
  • UL and SA Royal Antwerp Football Club v Union royale belge des sociétés de football association ASBL.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2023
    ...de cet effet (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 359, ainsi que du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, points 16 et 87 L’examen qu’il convient d’effectuer diffère selon qu’il porte sur le point de savoir si le comportement en caus......
  • Gazdasági Versenyhivatal contra Budapest Bank Nyrt. y otros.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 April 2020
    ...«o», rende necessario innanzitutto considerare l’oggetto stesso dell’accordo (sentenze del 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, punto 16, e del 20 gennaio 2016, Toshiba Corporation/Commissione, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, punto 34 Pertanto, nel caso in cui venga dimostra......
  • Autoridade da Concorrência e.a. contre Ministério Público.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 October 2023
    ...rende necessario innanzitutto considerare l’oggetto stesso dell’accordo (v., in tal senso, sentenze del 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, punto 16, e giurisprudenza ivi citata, nonché del 18 novembre 2021, Visma Enterprise, C‑306/20, EU:C:2021:935, punti 54 e 55, e ......
  • Opinion of Advocate General Rantos delivered on 15 December 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 December 2022
    ...16 y 17; de 15 de diciembre de 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413), apartados 40 y 41, y de 26 de noviembre de 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784), apartados 21 y 41 Véase el punto 84 de las presentes conclusiones. 42 Véase la sentencia de 18 de noviembre de 2021, Visma Enterpris......
  • Request a trial to view additional results
20 cases
  • UL and SA Royal Antwerp Football Club v Union royale belge des sociétés de football association ASBL.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 21 December 2023
    ...de cet effet (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 359, ainsi que du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, points 16 et 87 L’examen qu’il convient d’effectuer diffère selon qu’il porte sur le point de savoir si le comportement en caus......
  • Gazdasági Versenyhivatal contra Budapest Bank Nyrt. y otros.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 2 April 2020
    ...«o», rende necessario innanzitutto considerare l’oggetto stesso dell’accordo (sentenze del 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, punto 16, e del 20 gennaio 2016, Toshiba Corporation/Commissione, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, punto 34 Pertanto, nel caso in cui venga dimostra......
  • Autoridade da Concorrência e.a. contre Ministério Público.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 October 2023
    ...rende necessario innanzitutto considerare l’oggetto stesso dell’accordo (v., in tal senso, sentenze del 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, punto 16, e giurisprudenza ivi citata, nonché del 18 novembre 2021, Visma Enterprise, C‑306/20, EU:C:2021:935, punti 54 e 55, e ......
  • Opinion of Advocate General Rantos delivered on 15 December 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 December 2022
    ...16 y 17; de 15 de diciembre de 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413), apartados 40 y 41, y de 26 de noviembre de 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784), apartados 21 y 41 Véase el punto 84 de las presentes conclusiones. 42 Véase la sentencia de 18 de noviembre de 2021, Visma Enterpris......
  • Request a trial to view additional results
2 firm's commentaries
  • Restrictive Covenant In Commercial Property Lease Not Restrictive 'By Object' Says ECJ
    • European Union
    • Mondaq European Union
    • 3 December 2015
    ...16 November 2015, the European Court of Justice (ECJ) handed down its judgment in the SIA Maxima Latvija case (C-345/14), on the application of competition law to a non-compete clause in a commercial property The ECJ concluded that a commercial lease agreement for a large shop or hypermarke......
  • Annual review of EU Competition Cases 2017 - January 2018
    • European Union
    • JD Supra European Union
    • 29 March 2018
    ...harmful to the proper functioning of normal competition (see, inter alia, judgments of 26 November 2015, Maxima Latvija, C ‑ 345/14, EU:C:2015:784, paragraph 17, and of 20 January 2016, Toshiba Corporation v Commission, C ‑ 373/14 P, EU:C:2016:26, paragraph 26).” The CJEU observed that “the......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT