SAS Institute Inc. v World Programming Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:259
Date02 May 2012
Celex Number62010CJ0406
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑406/10
62010CJ0406

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

2 mai 2012 ( *1 )

«Propriété intellectuelle — Directive 91/250/CEE — Protection juridique des programmes d’ordinateur — Articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3 — Portée de la protection — Création directe ou par un autre processus — Programme d’ordinateur protégé par le droit d’auteur — Reprise des fonctions par un second programme sans accès au code source du premier — Décompilation du code objet du premier programme d’ordinateur — Directive 2001/29/CE — Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information — Article 2, sous a) — Manuel d’utilisation d’un programme d’ordinateur — Reproduction dans un autre programme d’ordinateur — Violation du droit d’auteur — Condition — Expression de la création intellectuelle propre à l’auteur du manuel d’utilisation»

Dans l’affaire C-406/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 2 août 2010, parvenue à la Cour le 11 août 2010, dans la procédure

SAS Institute Inc.,

contre

World Programming Ltd,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mme A. Prechal, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, G. Arestis (rapporteur), A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen, Mme M. Berger et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2011,

considérant les observations présentées:

pour SAS Institute Inc., par M. H. J. Carr, QC, et MM. M. Hicks et J. Irvine, barristers,

pour World Programming Ltd, par M. M. Howe, QC, M. R. Onslow et Mme I. Jamal, barristers, mandatés par M. A. Carter-Silk, solicitor,

pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,

pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. L. Seeboruth et Mme C. Murrell, en qualité d’agents, assistés par M. S. Malynicz, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme J. Samnadda, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 5, paragraphe 3, de la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (JO L 122, p. 42), ainsi que de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SAS Institute Inc. (ci-après «SAS Institute») à World Programming Ltd (ci-après «WPL»), au sujet d’une action en contrefaçon introduite par SAS Institute pour violation des droits d’auteur sur les programmes d’ordinateur et sur les manuels relatifs à son système informatique de bases de données.

Le cadre juridique

La réglementation internationale

3

L’article 2, paragraphe 1, de la convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la «convention de Berne») dispose:

«Les termes ‘œuvres littéraires et artistiques’ comprennent toutes les productions du domaine littéraire […] quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression […].»

4

L’article 9 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après l’«ADPIC»), figurant à l’annexe 1 C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), prévoit:

«1. Les Membres se conformeront aux articles 1er à 21 de la [convention de Berne] et à l’Annexe de ladite convention […].

2. La protection du droit d’auteur s’étendra aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels.»

5

Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de l’ADPIC:

«Les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires en vertu de la [convention de Berne].»

6

L’article 2 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur, adopté à Genève le 20 décembre 1996 et entré en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 14 mars 2010 (JO L 32, p. 1), est libellé comme suit:

«La protection au titre du droit d’auteur s’étend aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels.»

7

Aux termes de l’article 4 de ce traité:

«Les programmes d’ordinateur sont protégés en tant qu’œuvres littéraires au sens de l’article 2 de la Convention de Berne. La protection prévue s’applique aux programmes d’ordinateur quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression.»

La réglementation de l’Union

La directive 91/250

8

Les troisième, septième, huitième, quatorzième, quinzième, dix-septième, dix-huitième, vingt et unième et vingt-troisième considérants de la directive 91/250 prévoient:

«(3)

considérant que les programmes d’ordinateur jouent un rôle de plus en plus important dans de nombreux secteurs industriels et la technologie qui s’y rapporte peut dès lors être considérée comme fondamentale pour le développement industriel de la Communauté;

[...]

(7)

considérant que, aux fins de la présente directive, le terme ‘programme d’ordinateur’ vise les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel; que ce terme comprend également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur;

(8)

considérant que les critères appliqués pour déterminer si un programme d’ordinateur constitue ou non une œuvre originale ne devraient comprendre aucune évaluation de la qualité ou de la valeur esthétique du programme;

[…]

(14)

considérant que, en accord avec [le principe selon lequel seule l’expression d’un programme d’ordinateur est protégée par le droit d’auteur], les idées et principes qui sont à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation ne sont pas protégés en vertu de la présente directive;

(15)

considérant que, conformément à la législation et à la jurisprudence des États membres ainsi qu’aux conventions internationales sur le droit d’auteur, l’expression de ces idées et principes doit être protégée par le droit d’auteur;

[…]

(17)

considérant que les droits exclusifs de l’auteur d’empêcher la reproduction non autorisée de son œuvre doivent être soumis à une exception limitée dans le cas d’un programme d’ordinateur, afin de permettre la reproduction techniquement nécessaire à l’utilisation du programme par son acquéreur légal; que cela signifie que les opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation d’une copie d’un programme légalement acquis, ainsi que la correction de ses erreurs, ne peuvent pas être interdites par contrat; que, en l’absence de clauses contractuelles spécifiques, notamment en cas de vente d’une copie du programme, toute autre opération nécessaire à l’utilisation de la copie d’un programme peut être effectuée, en conformité avec son but prévu, par un acquéreur légal de cette copie;

(18)

considérant qu’une personne jouissant du droit d’utiliser un programme d’ordinateur ne peut être empêchée d’accomplir les actes nécessaires pour observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme, à condition que ces actes ne portent pas atteinte aux droits de l’auteur du programme;

[…]

(21)

considérant qu’il faut donc envisager que, dans certaines circonstances bien précises uniquement, l’accomplissement d’actes de reproduction et de traduction par ou au nom d’une personne ayant le droit d’utiliser une copie du programme est légitime et conforme aux bons usages, et ne doit donc pas requérir l’autorisation du titulaire du droit d’auteur;

[…]

(23)

considérant qu’une telle exception aux droits exclusifs de l’auteur ne doit pas être appliquée de façon à causer un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du droit ou à porter atteinte à une exploitation normale du programme».

9

Sous le titre «Objet de la protection», l’article 1er de la directive 91/250 dispose:

«1. Conformément aux dispositions de la présente directive, les États membres protègent les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur en tant qu’œuvres littéraires au sens de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. Le terme ‘programme d’ordinateur’, aux fins de la présente directive, comprend le matériel de conception préparatoire.

2. La protection prévue par la présente directive s’applique à toute...

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