Q-Beef NV (C-89/10) v Belgische Staat and Frans Bosschaert (C-96/10) v Belgische Staat, Vleesgroothandel Georges Goossens en Zonen NV and Slachthuizen Goossens NV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:555
Docket NumberC-89/10,C-96/10
Celex Number62010CJ0089
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 September 2011

Affaires jointes C-89/10 et C-96/10

Q-Beef NV

contre

Belgische Staat
et
Frans Bosschaert
contre
Belgische Staat e.a.

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

le rechtbank van eerste aanleg te Brussel)

«Taxes nationales incompatibles avec le droit de l’Union — Taxes payées en vertu d’un système de soutien financier et de prélèvements déclaré contraire au droit de l’Union — Système remplacé par un nouveau système jugé compatible — Restitution des taxes indûment perçues — Principes d’équivalence et d’effectivité — Durée du délai de prescription — Dies a quo — Créances à recouvrer sur l’État et sur des particuliers — Délais différents»

Sommaire de l'arrêt

1. Droit de l'Union — Effet direct — Taxes nationales incompatibles avec le droit de l'Union — Restitution — Modalités — Application du droit national — Prévision, par celui-ci, de délais de prescription ou de forclusion

2. Droit de l'Union — Effet direct — Taxes nationales incompatibles avec le droit de l'Union — Restitution — Modalités — Application du droit national — Prévision, par celui-ci, d'un délai de prescription plus long pour obtenir la restitution des taxes auprès d'un particulier intermédiaire que celui applicable à l'État — Admissibilité — Condition

3. Questions préjudicielles — Interprétation — Effets dans le temps des arrêts d'interprétation — Effet rétroactif — Arrêt constatant l'incompatibilité avec le droit de l'Union du caractère rétroactif d'une réglementation nationale

(Art. 267 TFUE)

1. Le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’application d’un délai de prescription de cinq ans, prévu dans l’ordre juridique interne d'un État membre pour les créances sur l’État, à des actions en répétition de taxes qui ont été versées en violation dudit droit au titre d’un «système mixte d’aides et de taxes».

En effet, en l'absence de règles harmonisées régissant le remboursement de taxes imposées en violation du droit de l’Union, les États membres conservent le droit d’appliquer les modalités procédurales prévues par leur ordre juridique interne, notamment en matière de délais de forclusion, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

Or, le principe d'équivalence n'est pas enfreint pour autant qu'un délai de prescription de cinq ans s’applique à toutes les créances sur l’État membre en cause et que son applicabilité ne dépend pas de la question de savoir si ces créances découlent d’une violation du droit national ou du droit de l’Union, ce qu’il revient aux juridictions nationales de vérifier. En ce qui concerne le principe d'effectivité, la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l’administration concernés est compatible avec le droit de l'Union. En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, même si, par définition, l’écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, d'une action intentée.

(cf. points 34-36, 38, disp. 1)

2. Le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui octroie à un particulier un délai plus long pour obtenir la récupération de taxes auprès d’un autre particulier intervenu en qualité d’intermédiaire, auquel il les a indûment versées et qui les a acquittées pour le compte du premier au bénéfice de l’État, alors que, s’il avait versé ces taxes directement à l’État, l’action de ce particulier aurait été enfermée dans un délai de répétition plus court, dérogatoire au régime de droit commun de l’action en répétition de l’indu, dès lors que les particuliers agissant en tant qu’intermédiaires peuvent effectivement réclamer à l’État les montants éventuellement acquittés au bénéfice d’autres particuliers.

(cf. point 45, disp. 2)

3. La constatation par la Cour, dans un arrêt rendu à la suite d’un renvoi préjudiciel, de l’incompatibilité du caractère rétroactif d'une réglementation nationale avec le droit de l’Union n’a pas d’incidence sur le point de départ du délai de prescription prévu dans l’ordre juridique interne pour les créances sur l’État membre en cause.

En effet, d'une part, la question de la détermination du point de départ du délai de prescription relève en principe du droit national. D'autre part, un arrêt rendu sur un renvoi préjudiciel a une valeur non pas constitutive mais purement déclarative, avec pour conséquence que ses effets remontent, en principe, à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée. Par conséquent, le droit de l’Union ne s’oppose à ce qu’une autorité nationale excipe de l’écoulement d’un délai de prescription raisonnable que si le comportement des autorités nationales combiné avec l’existence d’un délai de forclusion aboutit à priver totalement une personne de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales.

(cf. points 47-48, 51, 53, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

8 septembre 2011 (*)

«Taxes nationales incompatibles avec le droit de l’Union – Taxes payées en vertu d’un système de soutien financier et de prélèvements déclaré contraire au droit de l’Union – Système remplacé par un nouveau système jugé compatible – Restitution des taxes indûment perçues – Principes d’équivalence et d’effectivité – Durée du délai de prescription – Dies a quo – Créances à recouvrer sur l’État et sur des particuliers – Délais différents»

Dans les affaires jointes C‑89/10 et C‑96/10,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle introduites par le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (Belgique), par décisions, respectivement, des 29 et 12 janvier 2010, parvenues à la Cour les 17 et 22 février 2010, dans les procédures

Q-Beef NV (C‑89/10)

contre

Belgische Staat,

et

Frans Bosschaert (C‑96/10)

contre

Belgische Staat,

Vleesgroothandel Georges Goossens en Zonen NV,

Slachthuizen Goossens NV,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mmes C. Toader (rapporteur), A. Prechal et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2011,

considérant les observations présentées:

– pour Q-Beef NV et M. Bosschaert, par Me J. Arnauts-Smeets, advocaat,

– pour Vleesgroothandel Georges Goossens en Zonen NV et Slachthuizen Goossens NV, par Mes A. D’Halluin et F. van Remoortel, advocaten,

– pour le gouvernement belge, par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agent, assisté de Mes Y. Vastersavendts et E. Jacubowitz, advocaten,

– pour la Commission européenne, par MM. S. Thomas et H. van Vliet, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur la conformité avec les principes d’équivalence et d’effectivité issus du droit de l’Union d’un délai spécial de prescription de cinq ans prévu par le droit interne du Royaume de Belgique ainsi que sur la détermination du point de départ de ce délai.

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, Q‑Beef NV (ci-après «Q-Beef») à l’État belge (C‑89/10) et, d’autre part, M. Bosschaert à l’État belge ainsi qu’à Vleesgroothandel Georges Goossens en Zonen NV et à Slachthuizen Goossens NV (ci-après les «sociétés Goossens») (C‑96/10) au sujet de la possibilité d’appliquer un délai de prescription de cinq ans aux recours formés contre l’État belge en vue d’obtenir le remboursement des cotisations prélevées en vue d’alimenter le Fonds de la santé et de la production des animaux (ci-après le «Fonds»).

Le cadre juridique

La réglementation nationale relative au Fonds

La réglementation de 1987

3 La loi relative à la santé des animaux, du 24 mars 1987 (Moniteur belge du 17 avril 1987, p. 5788, ci-après la «loi de 1987»), instituait un régime de financement des prestations relatives à la lutte contre les maladies des animaux ainsi qu’à l’amélioration de l’hygiène, de la santé et de la qualité des animaux et des produits animaux (ci-après le «régime de 1987»). Conformément à son article 2, cette loi avait pour objectif de «lutter contre les maladies des animaux dans le but de promouvoir la santé publique et la prospérité économique des détenteurs d’animaux».

4 L’article 32, paragraphe 2, de la loi de 1987 disposait:

«Le [Fonds] est institué au ministère de l’Agriculture [...]. Ce Fonds a pour but d’intervenir dans le financement des indemnités, des subventions et autres prestations en ce qui concerne la lutte contre les maladies des animaux et l’amélioration de l’hygiène, de la santé et de la qualité des animaux et des produits animaux. Le Fonds est alimenté par:

1° Les cotisations obligatoires à charge des personnes physiques ou morales qui produisent, transforment, transportent, traitent, vendent ou commercialisent des animaux;

[...]

Si la cotisation obligatoire est perçue à charge de personnes qui transforment, transportent, traitent, vendent ou commercialisent des animaux ou produits animaux, elle est répercutée lors de chaque transaction jusqu’au stade du producteur.»

5 La loi de 1987 habilitait le Roi à déterminer par arrêté le montant de ces cotisations obligatoires ainsi que les modalités de leur perception. Par l’arrêté royal du 11 décembre 1987, relatif aux cotisations obligatoires au Fonds de la santé et de la production des animaux (Moniteur belge du 23 décembre 1987, p. 19317, ci-après l’«arrêté de 1987»), une cotisation obligatoire par bovin, veau ou porc abattu ou exporté vivant a été mise à la charge des abattoirs et des exportateurs, à partir du 1er janvier 1988. Les cotisations obligatoires imposées aux abattoirs et aux exportateurs devaient être répercutées par ceux-ci sur le fournisseur des animaux, qui, le cas échéant, les...

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