Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation v Compagnie des pêches de Saint-Malo.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:726
Docket NumberC-212/19
Date17 September 2020
Celex Number62019CJ0212
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

17 septembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Notion – Naufrage du navire pétrolier Erika – Régime d’aides en faveur d’entreprises d’aquaculture et de pêche – Décision déclarant le régime d’aides en partie incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides versées – Appréciation de validité Examen d’office Recevabilité Défaut d’introduction d’un recours en annulation par la défenderesse au principal Allègement de charges sociales – Cotisations salariales – Avantage –Détermination du débiteur de l’obligation de restitution »

Dans l’affaire C‑212/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 15 février 2019, parvenue à la Cour le 6 mars 2019, dans la procédure

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation

contre

Compagnie des pêches de Saint-Malo,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur) et T. von Danwitz, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 novembre 2019,

considérant les observations présentées :

– pour la Compagnie des pêches de Saint-Malo, par Mes F.-H. Briard et B. de Dreuzy, avocats, ainsi que par Mme A. Bodmer,

– pour le gouvernement français, par Mme E. de Moustier et M. P. Dodeller, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par M. V. Bottka et Mme C. Georgieva-Kecsmar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mars 2020,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision 2005/239/CE de la Commission, du 14 juillet 2004, concernant certaines mesures d’aide mises à exécution par la France en faveur des aquaculteurs et des pêcheurs (JO 2005, L 74, p. 49, ci-après la « décision litigieuse »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (France) à la Compagnie des pêches de Saint-Malo au sujet d’un titre de perception émis en vue du recouvrement des aides que cette société avait perçues en application des mesures nationales faisant l’objet de la décision litigieuse.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 17, 18, 20, 55, 56, 98 et 99 de la décision litigieuse sont libellés comme suit :

« (17) Le ministre de l’[A]griculture et de la [P]êche a décidé, par deux circulaires, l’une en date du 15 avril 2000 et l’autre du 13 juillet 2000, de faire bénéficier l’ensemble des entreprises du secteur d’un allègement de 50 % des charges sociales, portant sur la période du 15 avril au 15 juillet 2000 pour les aquaculteurs et du 15 avril au 15 octobre 2000 pour les pêcheurs.

(18) Cet allègement a porté sur les cotisations patronales et salariales et s’est appliqué à l’ensemble des pêcheurs et aquaculteurs de France métropolitaine et des départements d’outre-mer.

[...]

(20) Pour les cotisations versées à l’[Établissement national des invalides de la marine], le taux de réduction était de 50 %, tant pour les cotisations salariales que pour les cotisations patronales. [...]

[...]

(55) Les différentes mesures faisant l’objet de la présente décision (allègements de charges sociales et financières, exonération de redevances domaniales) sont des mesures qui procurent un avantage à des entreprises exerçant une activité spécifique, les entreprises d’aquaculture ou de pêche. Elles sont en effet dispensées de certaines charges qu’elles auraient normalement dû supporter.

(56) Ces mesures entraînent une perte de ressources pour l’État, soit directement (allègement de charges financières et exonération de redevances domaniales), soit indirectement, l’État devant compenser les pertes subies par l’organisme percevant les charges sociales. Il y a donc existence d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE (devenu article 107, paragraphe 1, TFUE)].

[…]

(98) [...] [L]a Commission estime que l’allègement général de charges sociales en faveur des pêcheurs pour la période du 15 avril au 15 octobre ne peut pas être déclaré compatible avec le marché commun sur la base de l’article 87, paragraphe 2, point b), [CE (devenu article 107, paragraphe 2, point b), TFUE)].

(99) En tant qu’aide au fonctionnement ayant été octroyée à l’ensemble des entreprises de pêche sans exiger une quelconque obligation de leur part, cette mesure d’aide est incompatible avec le marché commun en vertu du point 1.2, quatrième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices [pour l’examen des aides d’État dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, adoptées en 1997].

[...] »

4 L’article 3 de cette décision dispose :

« La mesure d’aide mise à exécution par la France en faveur des pêcheurs sous forme d’allègement de charges sociales pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000 est incompatible avec le marché commun. »

5 Aux termes de l’article 4 de ladite décision :

« 1. La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de [leurs] bénéficiaires les aides visées [à l’article 3] et déjà mises illégalement à leur disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération. [...] »

Le droit français

6 L’article L. 741-9 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Les ressources des assurances sociales des salariés agricoles sont constituées :

I.- Pour l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès :

1° Par une cotisation assise :

a) Sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge des employeurs et des assurés ;

b) Sur les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires, à la charge des titulaires ;

c) Sur les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2 du code de la sécurité sociale, à la charge des titulaires ;

2° Par une fraction du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7, L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

II.- Pour l’assurance vieillesse, par une cotisation assise :

a) Sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés dans la limite d’un plafond, à la charge des employeurs et des assurés ;

b) Sur la totalité des rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge des employeurs ;

III.- Pour l’assurance veuvage, par une cotisation assise sur les rémunérations ou gains perçus par les assurés, à la charge de ces derniers. »

7 L’article 4 du décret du 17 juin 1938, relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins, dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Sauf en ce qui concerne le marin blessé ou malade, pris en charge par son armateur ou par la caisse générale de prévoyance, l’affiliation à la caisse générale de prévoyance entraîne versement d’une cotisation personnelle et d’une contribution patronale dans les conditions fixées aux articles L. 41 et L. 42 du code des pensions de retraite des marins.

Quand une période de service n’est admise en compte que partiellement pour la pension de retraite sur la caisse de retraites des marins, les cotisations et contributions restent dues à la caisse générale de prévoyance pour la totalité de la période en cause. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 À la suite, d’une part, de la pollution par hydrocarbures causée par le naufrage du navire Erika survenu le 12 décembre 1999 dans le golfe de Gascogne et, d’autre part, des importants dégâts entraînés dans la moitié sud de la France par la violente tempête ayant eu lieu les 27 et 28 décembre 1999, la République française a adopté un dispositif d’indemnisation en faveur des pêcheurs et des aquaculteurs, afin de remédier aux dommages qui leur ont ainsi été causés.

9 Différentes mesures d’indemnisation ont initialement été prévues à l’égard des pêcheurs et des aquaculteurs des six départements français de la côte atlantique directement touchés par ces événements, à savoir ceux allant du Finistère à la Gironde.

10 Par deux circulaires du 15 avril et du 13 juillet 2000, la République française a adopté plusieurs mesures complémentaires consistant, notamment, à faire bénéficier l’ensemble des entreprises du secteur concerné d’un allègement de 50 % des charges sociales, portant sur la période comprise entre le 15 avril et le 15 juillet 2000 pour les aquaculteurs et entre le 15 avril et le 15 octobre 2000 pour les pêcheurs. Cet allègement a porté sur les cotisations tant patronales que salariales et s’est appliqué à l’ensemble des pêcheurs et des aquaculteurs de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer.

11 Les autorités françaises ont mis immédiatement en œuvre ces différentes mesures, lesquelles n’ont été communiquées à la Commission que par une lettre du 21 juin 2000.

12 Par la décision litigieuse, la Commission a qualifié une partie de ces mesures, notamment celle relative aux allègements de cotisations sociales des pêcheurs, d’aides d’État incompatibles avec le marché commun et a ordonné la récupération immédiate des sommes correspondant à ces allègements. Ni la République française ni aucun des bénéficiaires des mesures concernées n’ont contesté la légalité de cette décision par la voie d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE.

13 À la suite de l’adoption de ladite décision, plusieurs...

To continue reading

Request your trial
10 practice notes
  • Fondul Proprietatea SA contra Guvernul României y otros.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Enero 2022
    ...normalen Marktbedingungen nicht erhalten hätte, als staatliche Beihilfen (Urteil vom 17. September 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo, C‑212/19, EU:C:2020:726, Rn. 39 und die dort angeführte 97 Als Beihilfen gelten dabei insbesondere Maßnahmen, die in verschiedener Form die Belastunge......
  • Volotea, SA and easyJet Airline Company Ltd. v European Commission.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 Noviembre 2022
    ...y Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, apartado 84, y de 17 de septiembre de 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo, C‑212/19, EU:C:2020:726, apartado 108 Por último, la caracterización de la existencia de tal ventaja se realiza, en principio, aplicando el principio del......
  • Conclusiones de la Abogada General Sra. J. Kokott, presentadas el 9 de noviembre de 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 Noviembre 2023
    ...già nel caso di una riduzione dei contributi delle imprese ittiche, v. sentenza del 17 settembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, punto 9 Sentenze del 3 marzo 2020, Tesco-Global Áruházak (C‑323/18, EU:C:2020:140, punto 36); del 6 ottobre 2015, Finanzamt Lin......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 12 May 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 Mayo 2021
    ...(C‑40/08, EU:C:2009:615, punto 54). 78 V., in particolare, sentenza del 17 settembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, punti 28 e 79 Sentenza del 17 dicembre 2020, BAKATI PLUS (C‑656/19, EU:C:2020:1045, punto 33). Prima di questa, v. sentenze del 16 ottobre ......
  • Request a trial to view additional results
10 cases
  • Opinion of Advocate General Collins delivered on 28 September 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 Septiembre 2023
    ...Dzelzceļš, point 63. 43 Voir point 41 des présentes conclusions. 44 Voir arrêt du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, point 27 et jurisprudence 45 Ibidem, point 28. 46 Au point 52 de l’arrêt du 24 février 2021, Silcompa (C‑95/19, EU:C:2021:128), l......
  • Opinion of Advocate General Kokott delivered on 15 July 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 15 Julio 2021
    ...2020, Facebook Ireland and Schrems (C‑311/18, EU:C:2020:559, paragraph 161); and of 17 September 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, paragraph 11 Judgments of 3 December 1998, Belgocodex (C‑381/97, EU:C:1998:589, paragraph 26); of 26 April 2005, ‘Goed Wonen’ (......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 12 May 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 Mayo 2021
    ...(C‑40/08, EU:C:2009:615, punto 54). 78 V., in particolare, sentenza del 17 settembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, punti 28 e 79 Sentenza del 17 dicembre 2020, BAKATI PLUS (C‑656/19, EU:C:2020:1045, punto 33). Prima di questa, v. sentenze del 16 ottobre ......
  • Conclusiones de la Abogada General Sra. J. Kokott, presentadas el 9 de noviembre de 2023.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 9 Noviembre 2023
    ...già nel caso di una riduzione dei contributi delle imprese ittiche, v. sentenza del 17 settembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, punto 9 Sentenze del 3 marzo 2020, Tesco-Global Áruházak (C‑323/18, EU:C:2020:140, punto 36); del 6 ottobre 2015, Finanzamt Lin......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT