Wikingerhof GmbH & Co. KG v Booking.com BV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:950
Date24 November 2020
Docket NumberC-59/19
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62019CJ0059
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0059

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence judiciaire – Article 7, points 1 et 2 – Compétence spéciale en matière délictuelle ou quasi délictuelle – Action en cessation de pratiques commerciales considérées comme contraires au droit de la concurrence – Allégation d’abus de position dominante matérialisé dans des pratiques commerciales couvertes par des dispositions contractuelles – Plate-forme de réservation d’hébergement en ligne booking.com »

Dans l’affaire C‑59/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 11 décembre 2018, parvenue à la Cour le 29 janvier 2019, dans la procédure

Wikingerhof GmbH & Co. KG

contre

Booking.com BV,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et Mme A. Prechal, présidents de chambre, M. T. von Danwitz, Mme C. Toader, MM. M. Safjan (rapporteur), D. Šváby, S. Rodin, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et P. G. Xuereb, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 janvier 2020,

considérant les observations présentées :

pour Wikingerhof GmbH & Co. KG, par Mes V. Soyez et C. Aufdermauer, Rechtsanwälte,

pour Booking.com BV, par Mes T. Winter, N. Hermann, L. Alexy et C. Bauch, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme A. Kasalická, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Heller et M. G. Meessen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, point 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Wikingerhof GmbH & Co. KG, une société de droit allemand exploitant un hôtel dans le Land de Schleswig-Holstein (Allemagne), à Booking.com BV, une société de droit néerlandais ayant son siège aux Pays-Bas et exploitant une plate‑forme de réservations d’hébergement, au sujet de certaines pratiques de cette dernière société dont Wikingerhof allègue qu’elles sont constitutives d’abus de position dominante.

Le cadre juridique

3

Les considérants 15, 16 et 34 du règlement no 1215/2012 sont libellés comme suit :

« (15)

Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)

Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. Cet aspect est important, en particulier dans les litiges concernant les obligations non contractuelles résultant d’atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, notamment la diffamation.

[...]

(34)

Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention], le règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1),] et le présent règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation par la Cour de justice de l’Union européenne de [cette] convention [...] et des règlements qui la remplacent. »

4

Le chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulé « Compétence », contient notamment une section 1, intitulée « Dispositions générales », et une section 2, intitulée « Compétences spéciales ». L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, qui figure sous cette section 1, dispose :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

5

L’article 7 du règlement no 1215/2012, qui figure sous la section 2 du chapitre II de ce règlement, est libellé comme suit :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

[...]

1)

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

[...]

2)

en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ;

[...] »

6

Figurant dans la section 7 du chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulée « Prorogation de compétence », l’article 25, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

Au cours du mois de mars 2009, Wikingerhof a conclu avec Booking.com un contrat type fourni par cette dernière, dans lequel il est notamment prévu ce qui suit :

« Conditions générales

L’hôtel déclare avoir reçu une copie de la version 0208 des conditions générales [...] de Booking.com. Celles-ci se trouvent en ligne sur le site de Booking.com [...] L’hôtel confirme avoir lu les conditions, les avoir comprises et y souscrire. Les conditions font partie intégrante de ce contrat [...] »

8

Par la suite, Booking.com a modifié plusieurs fois ses conditions générales, accessibles sur l’Extranet de cette société, système grâce auquel les informations relatives à l’hôtel peuvent être actualisées et les données concernant les réservations consultées.

9

Wikingerhof a contesté par écrit l’inclusion dans le contrat qui la liait à Booking.com d’une nouvelle version des conditions générales que cette dernière société avait portée à la connaissance de ses partenaires contractuels le 25 juin 2015. Elle a estimé qu’elle n’avait pas eu d’autre choix que de conclure ledit contrat en raison de la position de force détenue par Booking.com sur le marché des services d’intermédiaires et des portails de réservations d’hébergement, même si certaines pratiques de Booking.com sont inéquitables et donc contraires au droit de la concurrence.

10

Devant le Landgericht Kiel (tribunal régional de Kiel, Allemagne), Wikingerhof a introduit une action visant à ce qu’il soit interdit à Booking.com d’apposer au prix indiqué par Wikingerhof, sans le consentement de cette dernière, la mention « prix plus avantageux » ou « prix réduit » sur la plate-forme de réservations d’hébergement, de la priver de l’accès aux données de contact que ses partenaires contractuels fournissent sur cette plate-forme et, enfin, de faire dépendre le positionnement de l’hôtel qu’elle exploite, lorsque des demandes de recherches sont formulées, de l’octroi d’une commission excédant 15 %.

11

Booking.com a excipé de l’incompétence territoriale et internationale du Landgericht Kiel (tribunal régional de Kiel) dans la mesure où il existe une convention attributive de juridiction dans le contrat conclu avec Wikingerhof, selon laquelle les tribunaux d’Amsterdam (Pays-Bas) sont territorialement compétents pour connaître des litiges nés de ce contrat.

12

Le Landgericht Kiel (tribunal régional de Kiel) a jugé qu’il ne pouvait connaître de l’action de Wikingerhof en raison de l’absence de compétence territoriale et internationale. Ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt de l’Oberlandesgericht Schleswig (tribunal régional supérieur de Schleswig, Allemagne), selon lequel ni la compétence du tribunal du lieu d’exécution de l’obligation contractuelle, en vertu de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012, ni la compétence du tribunal du lieu du fait dommageable en matière délictuelle ou quasi délictuelle, en vertu de l’article 7, point 2, de ce règlement, n’était établie en l’espèce.

13

Wikingerhof a introduit contre cet arrêt un pourvoi en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour...

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