European Commission v Alrosa Company Ltd.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62007CC0441
ECLIECLI:EU:C:2009:555
CourtCourt of Justice (European Union)
Date17 September 2009
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Docket NumberC-441/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 17 septembre 2009 (1)

Affaire C‑441/07 P

Commission des Communautés européennes

contre

Alrosa Company Ltd

«Pourvoi – Concurrence – Abus de position dominante (articles 82CE et 54 de l’accord EEE) – Marché mondial de la production et de la fourniture de diamants bruts – Engagements de l’entreprise en position dominante – Décision rendant obligatoires les engagements offerts par l’entreprise en position dominante [article 9 du règlement (CE) n° 1/2003] – Principe de proportionnalité – Liberté contractuelle – Droit d’être entendu»





Table des matières

I – Introduction

II – Le cadre juridique

A – Le règlement n° 1/2003

B – Le règlement n° 773/2004

III – Contexte du litige et procédure administrative

IV – La procédure contentieuse

V – Appréciation des moyens du pourvoi

A – Premier moyen: questions de droit matériel liées au principe de proportionnalité

1. Remarque préalable sur l’applicabilité du principe de proportionnalité

2. Exigences en matière de proportionnalité des décisions déclarant les engagements obligatoires (première partie du premier moyen)

3. Examen concret de la proportionnalité de la décision déclarant les engagements obligatoires (deuxième partie du premier moyen)

a) Sur le dépassement des limites du contrôle juridictionnel par le Tribunal

i) Existence d’une marge d’appréciation de la Commission

ii) Violation du pouvoir d’appréciation de la Commission par le Tribunal

b) Les autres griefs de la Commission concernant la manière de procéder du Tribunal

i) Sur l’allégation de «dénaturation de la portée de l’évaluation préliminaire»

ii) Sur la prise en considération unilatérale des arguments et des intérêts d’Alrosa

iii) Sur la qualification incorrecte en droit de la publication effectuée conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003

iv) Sur les violations alléguées de l’article 82CE

– Sur l’omission de la position de De Beers en tant que producteur

– Sur l’omission de la possibilité d’un comportement abusif des enchérisseurs lors des ventes aux enchères

B – Deuxième moyen: le droit d’être entendu au cours de la procédure administrative

1. Question préliminaire: le deuxième moyen est-il inopérant?

2. Examen du deuxième moyen

a) Sur l’insuffisance des motifs (première partie du deuxième moyen)

b) Sur le principe ne ultra petita et sur le droit à une procédure équitable (deuxième partie du deuxième moyen)

i) Sur le principe ne ultra petita

ii) Sur le droit à une procédure équitable

c) Sur les effets qu’une éventuelle violation du droit d’Alrosa d’être entendue peut avoir sur la décision de la Commission (quatrième partie du deuxième moyen)

d) Sur la portée du droit d’Alrosa d’être entendue (troisième partie du deuxième moyen)

i) Remarque préliminaire

ii) Sur le grief de la Commission

C – Résultat intermédiaire

VI – Appréciation du recours de première instance introduit par Alrosa

A – La légalité formelle de la décision litigieuse (premier moyen)

1. Le droit d’Alrosa d’être entendue

2. Objet du droit d’Alrosa d’être entendue

3. Aucune violation du droit d’Alrosa d’être entendue

B – La légalité matérielle de la décision litigieuse (deuxième et troisième moyens)

1. Sur la violation de l’article 9 du règlement n° 1/2003 (deuxième moyen)

a) Sur le droit de présenter des engagements conformément à l’article 9 du règlement n° 1/2003

b) Sur la limitation de la durée de validité d’une décision relative aux engagements

c) Résultat intermédiaire

2. Sur la violation de l’article 82CE, de l’article 9 du règlement n° 1/2003, de la liberté contractuelle et du principe de proportionnalité (troisième moyen)

a) Sur la liberté contractuelle (première partie du troisième moyen)

b) Sur la proportionnalité (deuxième partie du troisième moyen)

i) Sur l’existence d’un problème de concurrence

ii) Sur le caractère approprié et nécessaire des engagements individuels de De Beers

iii) Sur la proportionnalité au sens strict

iv) Sur la discrimination alléguée d’Alrosa

v) Résultat intermédiaire

C – Résultat intermédiaire

VII – Les dépens

VIII – Conclusion

I – Introduction

1. Quelles exigences découlent du principe de proportionnalité lorsqu’en sa qualité d’autorité de la concurrence, la Commission des Communautés européennes accepte et déclare obligatoires les engagements (2) d’une entreprise qui ont des effets sur les intérêts d’une autre? C’est sur cette question, essentielle pour l’évolution du droit européen de la concurrence, que repose tout le poids du présent pourvoi. C’est de la réponse qu’on lui donnera que dépend de manière décisive la portée de la nouvelle compétence d’adopter des décisions déclarant des engagements obligatoires que l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 (3) a conférée à la Commission. L’arrêt que la Cour est appelée à rendre pourrait également avoir un impact sur d’autres domaines du droit de la concurrence, notamment sur le droit des aides d’État et le contrôle des opérations de concentration d’entreprises.

2. Le présent litige se situe dans le contexte d’un engagement que l’entreprise De Beers a offert à la Commission en 2006 afin de se soustraire au grief d’abus de position dominante (article 82CE). En tant que numéro un du commerce mondial des diamants, De Beers s’est engagée à ne plus acheter de diamants bruts auprès d’Alrosa, Company Ltd, le deuxième producteur mondial, ce qui a mis fin à une relation d’affaires que les deux groupes entretenaient depuis de nombreuses années. La Commission a déclaré cet engagement de De Beers obligatoire au moyen d’une décision adoptée sur le pied de l’article 9 du règlement n° 1/2003 (4). Alrosa juge cette mesure disproportionnée et estime en outre que son droit d’être entendue n’a pas été respecté. Elle a donc demandé l’annulation de la décision litigieuse au Tribunal, qui a fait droit à son recours (5). C’est contre l’arrêt du Tribunal que la Commission a formé le présent pourvoi.

3. Le litige qui oppose la Commission à Alrosa démontre combien il peut être délicat d’assurer le juste équilibre entre l’intérêt d’une application efficace du droit de la concurrence et les intérêts individuels d’entreprises sans porter atteinte aux droits de la défense ni compromettre l’économie de la procédure.

II – Le cadre juridique

4. Outre les articles 82CE et 54 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’«accord EEE»), ce sont diverses dispositions du règlement n° 1/2003 et du règlement n° 773/2004 (6) qui constituent le cadre juridique de la présente affaire.

A –Le règlement n° 1/2003

5. Le règlement n° 1/2003, qui est entré en vigueur le 1er mai 2004 (7), a modernisé la procédure de répression des ententes et étendu les compétences de la Commission lorsqu’elle agit en qualité d’autorité communautaire de la concurrence.

6. Parmi les nouvelles compétences conférées à la Commission par le règlement n° 1/2003, on retiendra notamment celle que lui confie l’article 9, intitulé «Engagements», qui est rédigé dans les termes suivants:

«1. Lorsque la Commission envisage d’adopter une décision exigeant la cessation d’une infraction et que les entreprises concernées offrent des engagements de nature à répondre aux préoccupations dont la Commission les a informées dans son évaluation préliminaire, la Commission peut, par voie de décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises. La décision peut être adoptée pour une durée déterminée et conclut qu’il n’y a plus lieu que la Commission agisse.

2. La Commission peut rouvrir la procédure, sur demande ou de sa propre initiative:

a) si l’un des faits sur lesquels la décision repose subit un changement important;

b) si les entreprises concernées contreviennent à leurs engagements, ou

c) si la décision repose sur des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées fournies par les parties.»

7. L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, intitulé «Constatation et cessation d’une infraction», dispose ce qui suit:

«Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction […]»

8. L’article 27 du règlement n° 1/2003, qui énonce les règles suivant lesquelles les parties, les plaignants et les autres tiers doivent être entendus, est rédigé dans les termes suivants:

«1. Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.

2. Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. […]

3. Si la Commission le juge nécessaire, elle peut également entendre d’autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande. […]

4. Lorsque la Commission envisage d’adopter une décision en application de l’article 9 ou 10, elle publie un résumé succinct de l’affaire et le principal contenu des engagements ou de l’orientation...

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