Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 16 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:426
Celex Number62018CC0281
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 May 2019

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 mai 2019 (1)

Affaire C‑281/18 P

Repower AG

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Révocation de la décision initiale de la chambre de recours portant rejet partiel de la demande d’annulation de la marque de l’Union verbale REPOWER »






1. En résumé, le présent pourvoi porte sur la base juridique qui permet aux chambres de recours de l’EUIPO de révoquer leurs propres décisions.

2. Le litige est né de la tentative de l’association repowermap.org (ci-après « repowermap ») d’obtenir l’annulation d’une marque de l’Union européenne (« REPOWER ») dont était titulaire l’entreprise (Repower AG) pour tous les produits et services visés par la demande d’enregistrement.

3. Au terme de la procédure administrative, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO, par décision du 8 février 2016, a fait partiellement droit à la demande en nullité de la marque (2). Repowermap ayant attaqué cette décision devant le Tribunal (3), la chambre de recours elle-même l’a révoquée (le 3 août 2016) au motif qu’elle n’était pas suffisamment motivée.

4. Repower AG a alors saisi le Tribunal d’un recours contre la décision du 3 août 2016, qui l’a rejeté par arrêt du 21 février 2018. Le présent pourvoi vise cet arrêt.

I. Cadre juridique. Règlement (CE) nº 207/2009 (4)

5. Le présent litige est régi ratione temporis par le règlement nº 207/2009 dans sa version initiale. Celui-ci a été modifié en 2015 (5) puis remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 (6).

6. L’article 80 du règlement nº 207/2009 dispose :

« 1. Lorsque l’Office effectue une inscription dans le registre ou prend une décision entachées d’une erreur de procédure manifeste, qui lui est imputable, il se charge de supprimer une telle inscription ou de révoquer cette décision. Dans le cas où il n’y a qu’une seule partie à la procédure dont les droits sont lésés par l’inscription ou l’acte, la suppression de l’inscription ou la révocation de la décision est ordonnée même si, pour la partie, l’erreur n’était pas manifeste.

2. La suppression de l’inscription ou la révocation de la décision, visées au paragraphe 1, sont ordonnées, d’office ou à la demande de l’une des parties à la procédure, par l’instance ayant procédé à l’inscription ou ayant adopté la décision. La suppression ou la révocation sont ordonnées dans un délai de six mois à partir de la date d’inscription au registre ou de l’adoption de la décision, après avoir entendu les parties à la procédure ainsi que les éventuels titulaires de droits sur la marque communautaire en question qui sont inscrits au registre.

3. Le présent article ne porte pas atteinte au droit qu’ont les parties de former un recours en application des articles 58 et 65 ni à la possibilité, conformément aux modalités et aux conditions fixées par le règlement d’exécution d’obtenir la correction des erreurs linguistiques ou de transcription et des erreurs manifestes figurant dans les décisions de l’Office, ainsi que des erreurs imputables à l’Office lors de l’enregistrement de la marque ou de la publication de cet enregistrement. »

7. L’article 83 du règlement nº 207/2009 prévoit :

« En l’absence d’une disposition de procédure dans le présent règlement, le règlement d’exécution, le règlement relatif aux taxes ou le règlement de procédure des chambres de recours, l’Office prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les États membres. »

II. Antécédents du litige

A. Procédure devant l’EUIPO

8. Repower AG est titulaire de la marque de l’Union verbale « REPOWER » enregistrée pour des produits et services des classes 4, 9, 37, 39, 40 et 42 de l’arrangement de Nice (7). Ces catégories de produits et services incluent ou concernent, entre autres, l’énergie électrique et sa production ainsi que d’autres aspects techniques.

9. Le 3 juin 2013, repowermap a demandé la nullité de la marque REPOWER au motif qu’il s’agissait d’un signe descriptif et que celui-ci était dépourvu de caractère distinctif pour tous les produits et services pour lesquels il avait été enregistré (8).

10. Par décision du 9 juillet 2014, la division d’annulation de l’EUIPO :

– a accueilli la demande en nullité pour certains des produits et services compris dans les classes 37 (9) et 42 (10) ;

– a rejeté la demande en nullité à l’égard de tous les autres produits et services ;

– quant au caractère distinctif du signe, elle a souligné que repowermap n’avait pas démontré que le mot REPOWER fût communément utilisé dans le commerce pour désigner les autres produits et services, de sorte qu’il y avait lieu de le considérer comme une marque.

11. Repowermap a attaqué la décision de la division d’annulation devant la chambre de recours, qui l’a annulée par décision du 8 février 2016. Selon la division d’annulation, le signe n’était pas descriptif et repowermap n’avait pas apporté de preuves démontrant son caractère usuel pour les produits et services litigieux.

12. Le 26 avril 2016, repowermap a saisi le Tribunal d’un recours en annulation à l’encontre de la décision de la chambre de recours du 8 février 2016 (affaire T‑188/16).

13. Alors que le recours T‑188/16 était pendant devant le Tribunal, la chambre de recours a décidé, le 3 août 2016 (11), de révoquer la décision du 8 février 2016. Elle a justifié cette révocation par l’« insuffisance de la motivation [de la décision du 8 février 2016] » concernant les produits et services, ce qui était constitutif d’une « erreur manifeste de procédure au sens de l’article 80 du [règlement nº 207/2009] ». Elle a également annoncé qu’elle adopterait une nouvelle décision en temps utile (12), ce qu’elle a fait le 26 septembre 2016 (13).

B. L’arrêt attaqué

14. Repower AG a saisi le Tribunal le 10 octobre 2016 d’un recours en annulation de la décision de la chambre de recours du 3 août 2016 en se fondant sur quatre moyens : i) défaut de base juridique, ii) incompétence des chambres de recours pour révoquer leurs décisions, iii) violation de l’article 80 du règlement nº 207/2009, des directives d’examen de l’EUIPO ainsi que des principes de bonne administration, de sécurité juridique et de l’autorité de la chose jugée et iv) défaut de motivation.

15. Pour ce qui nous intéresse en l’espèce, je souligne que Repower AG faisait valoir dans son recours devant le Tribunal ce qui suit :

– la chambre de recours aurait violé l’article 80, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, puisque le défaut de motivation n’est pas une erreur de procédure, mais une erreur de droit matériel (14) ;

– en vertu de la partie A, section 6, point 1.3.1 des directives d’examen de l’EUIPO, il n’y a pas lieu de révoquer une décision lorsque celle-ci a été attaquée devant une chambre de recours. Ce principe devrait s’appliquer, par analogie, aux décisions des chambres de recours attaquées devant le Tribunal ;

– il serait incompatible avec les principes de bonne administration, de sécurité juridique et de l’autorité de la chose jugée que n’importe quelle instance de l’EUIPO puisse librement modifier l’objet du litige dans des procédures en cours.

16. Dans son arrêt du 21 février 2018 (15), le Tribunal a rejeté ces quatre moyens et, partant, le recours formé par Repower AG.

17. Le Tribunal a accueilli l’allégation selon laquelle l’insuffisance de motivation ne pouvait pas être qualifiée d’erreur de procédure. Il a déduit d’un arrêt précédent (16) que « la motivation d’une décision affecte la substance même de cette décision et qu’un défaut de motivation ne peut être considéré comme une erreur de procédure au sens de l’article 80, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 ». Par conséquent, la chambre de recours « ne pouvait pas fonder la décision attaquée sur l’article 80, paragraphe 1, du règlement n º 207/2009 » (17).

18. Ayant établi ce postulat, le Tribunal a affirmé que « les chambres de recours peuvent, en principe, se fonder sur le principe général du droit autorisant le retrait d’un acte administratif illégal pour retirer leurs décisions » (18). Selon lui, l’existence d’une disposition spécifique (l’article 80, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009) ne faisait pas obstacle à l’application de ce principe, indépendamment de cet article.

19. Pour corroborer cette assertion, le Tribunal s’est de nouveau appuyé sur deux de ses arrêts précédents (19), dont il a déduit que, « même dans l’hypothèse où le législateur a réglementé la procédure de retrait des actes d’une institution, cette institution peut retirer un acte sur le fondement du principe général du droit autorisant le retrait des actes administratifs illégaux sous réserve du respect de certaines conditions [respect d’un délai raisonnable et de la confiance légitime du bénéficiaire] » (20).

20. Pour le Tribunal, la notion d’« erreur de procédure manifeste » n’est définie dans aucun des règlements visés à l’article 80, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009 et cette disposition « n’est pas dépourvu[e] d’ambiguïté et n’est donc pas suffisamment clair[e] pour exclure l’application de l’article 83 du règlement nº 207/2009 » (21).

21. Dès lors, le Tribunal a concentré son analyse sur les conditions d’application du principe général de droit susmentionné et a conclu (22) que :

– la décision attaquée (décision de révocation) avait été rendue dans un délai raisonnable, à savoir un peu moins de six mois après celle du 8 février 2016 ;

– Repower AG ne pouvait pas invoquer la confiance légitime après que repowermap eut attaqué la décision du 8 février 2016 (23).

22. Le Tribunal a nié que le principe de retrait fût en conflit avec ceux de bonne administration, de sécurité juridique et de l’autorité de la chose jugée. D’une part, il est légitime, et conforme à une gestion administrative adéquate, de corriger les erreurs et les omissions dont une décision est entachée. D’autre part, comme ce...

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