Elmeka NE v Ypourgos Oikonomikon.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:730
Date01 December 2005
Celex Number62004CC0181
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-183/04,C-181/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme CHRISTINE Stix-Hackl

présentées le 1er décembre 2005 (1)

Affaires jointes C-181/04 à C-183/04

Elmeka NE

contre

Ypourgos Oikonomikon

[demande de décision préjudicielle formée par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce)]

«TVA – Exonérations – Exonération de la location de bateaux de mer – Portée»





I – Introduction

1. Dans la présente procédure préjudicielle, le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce) sollicite de la Cour une interprétation de l’article 15 de la sixième directive du Conseil (2) (ci-après la «sixième directive») concernant l’exonération des opérations à l’exportation, des opérations assimilées et des transports internationaux dans le cas des redevances de fret pour le transport de combustibles destinés à l’avitaillement des navires. De plus, cette juridiction souhaiterait savoir, au cas où l’exonération ne serait pas applicable, dans quelle mesure l’attitude de l’administration fiscale pourrait faire naître, dans le chef de l’assujetti, en application du principe de protection de la confiance légitime, une confiance digne de protection qui fait obstacle à une détermination de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a posteriori.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. L’article 15 de la sixième directive énonce notamment:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

4. les livraisons de biens destinés à l’avitaillement des bateaux:

a) affectés à la navigation en haute mer et assurant un trafic rémunéré de voyageurs ou l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou de pêche;

b) de sauvetage et d’assistance en mer, ou affectés à la pêche côtière, à l’exclusion pour ces derniers des provisions de bord;

[…]

5. les livraisons, transformations, réparations, entretien, affrètements et locations de bateaux de mer visés au point 4 sous a) et b), ainsi que les livraisons, locations, réparations et entretien des objets – y compris l’équipement de pêche – incorporés à ces bateaux ou servant à leur exploitation;

[…]

8. les prestations de services, autres que celles visées au point 5, effectuées pour les besoins directs des bateaux de mer y visés et de leur cargaison;

[…]»

B – Droit national

3. L’article 22 de la loi nº 1642/1986 qui transpose la sixième directive en droit grec, telle qu’en vigueur durant la période pertinente, dispose notamment:

«Sont exonérés de la taxe:

a) la livraison et l’importation de bateaux destinés à être affectés à la navigation commerciale ou à la pêche par des assujettis au régime normal de la TVA ou destinés à toute autre forme d’exploitation, au démantèlement ou à l’usage des forces armées et des pouvoirs publics en général, la livraison et l’importation des moyens de transport flottants pour le sauvetage et l’assistance en mer ainsi que d’objets et de matériaux destinés à être incorporés ou utilisés dans des bateaux ou moyens flottants de sauvetage en mer. Sont exclus les bateaux à usage privé, destinés à des activités de plaisance ou sportives;

[...]

c) la livraison et l’importation de carburants, lubrifiants, provisions et autres biens destinés à l’avitaillement de bateaux, de moyens de transport flottants et d’aéronefs, qui sont exonérés conformément aux dispositions des points a) et b). Concernant les bateaux et moyens de transport flottants pour la navigation commerciale intérieure, ou destinés à une autre exploitation à l’intérieur du pays, ainsi que les bateaux de pêche qui pêchent dans les eaux territoriales grecques, l’exonération se limite aux carburants et aux lubrifiants;

d) l’affrètement de bateaux et la location d’aéronefs en vue de la réalisation d’opérations imposables ou d’opérations exonérées avec droit de déduire la taxe versée en amont. Sont exclus l’affrètement et la location de bateaux ou aéronefs à usage privé, destinés à une activité de plaisance ou à une activité sportive. L’affrètement des bateaux professionnels de tourisme relevant de la loi n° 438/1976 (FEK 256 A’) est exonéré, dès lors que ceux-ci font, durant leurs traversées, également escale dans des ports hors de Grèce […]. Les dispositions ci-dessus qui concernent les bateaux relevant de la loi n° 438/1976 sont également applicables aux autres bateaux professionnels;

[...]»

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

4. La société Elmeka NE (ci‑après «Elmeka») exploite un navire-citerne privé qui effectue à l’intérieur du pays des transports de produits pétroliers pour le compte de divers affréteurs, commerçants de combustibles liquides.

5. Au cours du contrôle fiscal des livres comptables et des écritures de l’entreprise pour les exercices 1994, 1995 et 1996, les autorités fiscales nationales compétentes ont constaté que, parmi les affréteurs-fournisseurs, qui étaient en relations d’affaires avec la requérante et auprès desquels celle-ci recueillait des ordres de transport de produits pétroliers, figurait notamment la société panaméenne Oceanic International Bunkering dont l’objet social est le commerce de produits pétroliers et de lubrifiants. Les autorités ont en outre constaté que la requérante n’avait pas facturé à la société susmentionnée de TVA sur le fret brut qu’elle percevait pour les transports de produits pétroliers destinés à l’avitaillement de navires à l’intérieur du pays, car elle estimait que ces transactions étaient exonérées de la taxe en question.

6. Par courrier du 21 juin 1994, la requérante au principal a demandé au service des contributions du Pirée chargé des affaires maritimes si, dans le cadre de l’avitaillement de bateaux effectuant vers l’étranger des transports en carburants provenant de raffineries de la rade du port du Pirée, elle était légalement tenue de facturer la TVA sur le connaissement (bordereau de transport) qu’elle établissait pour Oceanic International Bunkering ou si elle en était exonérée en vertu de l’article 22 de la loi n° 1642/1986 et, dans ce cas, selon quelle procédure. Par lettre du 24 juin 1994, les autorités susmentionnées ont répondu que le connaissement concerné était exonéré de la TVA.

7. Au motif que, à la suite de la suppression de l’exonération de TVA pour les transporteurs de produits pétroliers à compter du 1er janvier 1993, les services fournis par la demanderesse étaient devenus assujettis puisqu’ils étaient effectués sur le territoire national, les autorités compétentes ont émis le 5 juin 1997 des avis d’imposition pour les exercices fiscaux litigieux, c’est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre 1994 (affaire C-181/04), du 1er janvier au 31 décembre 1995 (affaire C‑182/04) et du 1er janvier au 31 décembre 1996 (affaire C-183/04), en vertu desquels la requérante au principal était tenue d’acquitter la taxe différentielle, une majoration fiscale pour chaque exercice fiscal en raison des fausses déclarations qu’elle aurait faites ainsi qu’une amende.

8. La requérante au principal a d’abord contesté les avis litigieux devant le Dioikitiko Protodikeio (tribunal administratif de première instance) du Pirée. Ce recours a été rejeté. Elle a fait appel de ce jugement devant le Dioikitiko Efeteio (Cour administrative d’appel) du Pirée, qui a partiellement invalidé le jugement de première instance. La juridiction d’appel a considéré en substance que, lorsque le comportement de l’administration exprimé par des actes positifs a fait naître, dans le chef de l’assujetti, durant une longue période, une confiance permanente et justifiée au regard de l’expérience générale dans son non-assujettissement à la TVA, avec pour conséquence une absence d’obligation de répercuter celle-ci sur le consommateur, la détermination de la taxe à titre rétroactif n’est pas licite lorsqu’elle met en péril la stabilité financière de l’entreprise concernée. La requérante n’a cependant pas exposé qu’elle risquait une déconfiture. De plus, le Dioikitiko Efeteio a jugé que l’exonération de la TVA ne s’appliquait qu’aux seules livraisons de combustibles directement effectuées par le fournisseur et non au transport effectué pour le compte du fournisseur par des transporteurs tels que la requérante. Par conséquent, le Dioikitiko Efeteio a jugé que la requérante était à bon droit redevable de la dette principale, mais non pas de la majoration et de l’amende fiscale puisqu’elle s’est uniquement contentée de suivre les instructions des autorités.

9. La requérante s’est pourvue en cassation contre cet arrêt devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État). Dans le cadre de ce pourvoi, la juridiction de renvoi a saisi la Cour, par ordonnance du 3 mars 2004 qui est parvenue au greffe de la Cour le 19 avril 2004, d’une demande de décision préjudicielle portant sur les questions suivantes:

«1) Les dispositions de l’article 15, point 4, sous a), de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaire – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (directive 77/388/CEE du Conseil), auxquelles l’article 15, point 5, de cette directive renvoie, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles concernent l’affrètement tant des bateaux affectés à la navigation en haute mer et assurant un trafic rémunéré de voyageurs que des bateaux exerçant une activité commerciale, industrielle ou de pêche, ou concernent-elles uniquement l’affrètement des bateaux affectés à la navigation en haute mer, de sorte que, dans cette deuxième hypothèse, les dispositions de l’article 22, paragraphe 1, sous d), de la loi n° 1642/1986 auraient, pour ce qui est de la catégorie de bateaux concernés par l’affrètement, un champ d’application plus large que celles de la directive?

2) Aux fins de l’exonération au titre de l’article 15, point 8, de la...

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