Akzo Nobel Chemicals Ltd and Akcros Chemicals Ltd v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:229
CourtCourt of Justice (European Union)
Date29 April 2010
Docket NumberC-550/07
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62007CC0550

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 29 avril 2010 (1)

Affaire C‑550/07 P

Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd

contre

Commission européenne e.a.

«Pourvoi – Concurrence – Procédure administrative – Pouvoirs de vérification de la Commission – Documents copiés au cours d’une vérification puis versés au dossier – Protection de la confidentialité de la communication entre avocats et clients (‘legal professional privilege’) – Communication interne avec un juriste d’entreprise – Avocat lié à son client par un rapport d’emploi – Article 14 du règlement n° 17 du Conseil – Règlement (CE) n° 1/2003»





I – Introduction

1. Un échange interne de vues et d’informations entre la direction d’une société et un avocat interne employé par cette dernière (2) relève-t-il du droit fondamental à la protection des échanges entre un avocat et son client (ou «confidentialité des communications entre avocats et clients» (3)) reconnu par le droit de l’Union européenne? Telle est, en substance, la question que la Cour est appelée à trancher dans le cadre du présent pourvoi (4). Son importance pratique aux fins de l’application et de la mise en œuvre du droit européen de la concurrence ne saurait être sous-estimée; la modernisation des règles de procédure en matière d’ententes opérée par le règlement (CE) n° 1/2003 (5) n’altère en rien sa pertinence.

2. La présente affaire trouve son origine dans une perquisition (ce qu’il est convenu d’appeler une «vérification») réalisée en février 2003 par la Commission européenne, en tant qu’autorité de concurrence, dans les locaux des sociétés Akzo Nobel Chemicals Ltd (ci-après «Akzo») et Akcros Chemicals Ltd (ci-après «Akcros») (6). Au cours de ces opérations, les fonctionnaires de la Commission ont pris copie de certains documents considérés par les représentants d’Akzo et d’Akcros comme insusceptibles d’être saisis au motif qu’ils seraient, selon eux, couverts par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients.

3. Un litige s’est noué à ce sujet entre les deux entreprises concernées et la Commission. Akzo et Akcros ont saisi le Tribunal de première instance (devenu le Tribunal) de recours dirigés, d’une part, contre la décision de la Commission ordonnant la vérification et, d’autre part, contre la décision de cette dernière de joindre au dossier un certain nombre de documents litigieux. Par arrêt du 17 septembre 2007 (7) (ci-après l’«arrêt attaqué»), le Tribunal a rejeté le premier recours comme irrecevable et le second comme non fondé.

4. La présente procédure de pourvoi porte uniquement sur le point de savoir si c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté comme non fondé le second recours. À ce stade de la procédure, seuls deux des documents litigieux retiennent encore l’attention. Il s’agit de courriers électroniques échangés entre le directeur général d’Akcros et un employé du service juridique d’Akzo, qui était dans le même temps un avocat inscrit au barreau néerlandais.

II – Cadre juridique

5. Le cadre juridique de la présente affaire résulte du règlement n° 17 du Conseil (8), dont l’article 14 était ainsi rédigé:

«1. Dans l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par l’article [105 TFUE] et par les prescriptions arrêtées en application de l’article [103 TFUE], la Commission peut procéder à toutes les vérifications nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

À cet effet, les agents mandatés par la Commission sont investis des pouvoirs ci-après:

a) contrôler les livres et autres documents professionnels;

b) prendre copie ou extrait des livres et documents professionnels;

c) demander sur place des explications orales;

d) accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises.

2. Les agents mandatés par la Commission pour ces vérifications exercent leurs pouvoirs sur production d’un mandat écrit […]

3. Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux vérifications que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de la vérification, […]

[…]»

6. Le règlement n° 1/2003, qui a procédé à la modernisation des règles de procédure en matière d’ententes et abrogé le règlement n° 17, n’est pas applicable ratione temporis à la présente affaire, dès lors que les faits à l’origine du litige sont antérieurs au 1er mai 2004 (9).

III – Antécédents du litige

A – Les vérifications réalisées par la Commission et leurs suites administratives

7. Il ressort des constatations des faits opérées par le Tribunal (10) que le présent litige s’insère dans le cadre d’une procédure d’enquête diligentée par la Commission en tant qu’autorité de concurrence. Au début de l’année 2003, la Commission a adopté une décision (11) ordonnant la réalisation de vérifications au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 auprès d’Akzo et d’Akcros ainsi que de leurs filiales respectives, en vue de rechercher les preuves d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles (ci-après la «décision ordonnant la vérification»). Ladite décision avait pour objet d’ordonner aux sociétés concernées de se soumettre à ces vérifications.

8. Sur le fondement de cette décision ordonnant la vérification, des fonctionnaires de la Commission, assistés de représentants de l’Office of Fair Trading (OFT) (12), ont effectué, les 12 et 13 février 2003, une vérification dans les locaux d’Akzo et d’Akcros situés à Eccles, Manchester (Royaume-Uni) (13). Durant cette vérification, les fonctionnaires de la Commission ont pris copie d’un nombre considérable de documents.

9. Au cours de ces opérations, les représentants d’Akzo et d’Akcros ont indiqué aux fonctionnaires de la Commission que certains documents étaient susceptibles d’être couverts par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients. Les fonctionnaires de la Commission ont alors répondu qu’il leur était nécessaire de consulter sommairement les documents en cause, afin de pouvoir se forger leur propre opinion sur la protection dont lesdits documents devaient éventuellement bénéficier. Au terme d’une longue discussion, et après que les fonctionnaires de la Commission et de l’OFT eurent rappelé aux représentants d’Akzo et d’Akcros les conséquences d’une obstruction à des opérations de vérification, il a été décidé que la responsable de la vérification consulterait sommairement les documents en question, un représentant d’Akzo et d’Akcros se tenant à ses côtés.

10. Durant l’examen des documents en cause, un différend est survenu à propos de plusieurs documents que le Tribunal, suivant en cela la proposition d’Akzo et d’Akcros, a classés en deux catégories (série «A» et série «B»).

11. La série «A» comporte deux documents. Le premier de ces documents est un mémorandum dactylographié de deux pages, daté du 16 février 2000, émanant du directeur général d’Akcros et adressé à l’un de ses supérieurs. Selon les demanderesses au pourvoi, ce mémorandum contiendrait des informations rassemblées par le directeur général lors de discussions internes avec d’autres employés. Ces informations auraient été recueillies afin d’obtenir un avis juridique externe dans le cadre du programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence mis en place par Akzo. Le deuxième document est un second exemplaire de ce mémorandum, sur lequel figurent des annotations manuscrites qui se réfèrent à des contacts avec un avocat d’Akzo et d’Akcros, en faisant, notamment, mention de son nom.

12. Après avoir recueilli les explications des requérantes au sujet de ces deux premiers documents, les fonctionnaires de la Commission n’ont pas été en mesure de parvenir sur-le-champ à une conclusion définitive quant à la protection dont lesdits documents devaient éventuellement bénéficier. Ils en ont donc fait une copie et l’ont placée dans une enveloppe scellée qu’ils ont emportée au terme de leur vérification.

13. La série «B» comporte également plusieurs documents. Il s’agit, d’une part, d’un ensemble de notes manuscrites du directeur général d’Akcros, dont les demanderesses au pourvoi soutiennent qu’elles ont été rédigées à l’occasion de discussions avec des employés et utilisées en vue de la rédaction du mémorandum dactylographié constituant la série «A». Il s’agit, d’autre part, de deux courriers électroniques, échangés entre le directeur général d’Akcros et M. S., le coordinateur d’Akzo pour le droit de la concurrence. Ce dernier est un avocat inscrit au barreau néerlandais qui, au moment des faits, était membre du service juridique d’Akzo et, en conséquence, employé de façon permanente par cette entreprise.

14. Après avoir revu les documents de la série «B» et recueilli les explications d’Akzo et d’Akcros, la fonctionnaire de la Commission responsable de la vérification a considéré que ces documents n’étaient certainement pas protégés par la confidentialité des communications entre avocats et clients. En conséquence, elle en a fait une copie et l’a jointe au reste du dossier, sans l’isoler dans une enveloppe scellée.

15. Le 17 février 2003, Akzo et Akcros ont fait parvenir une lettre à la Commission, dans laquelle elles exposaient les raisons pour lesquelles les documents de la série «A» et ceux de la série «B» étaient, selon elles, protégés par la confidentialité. Par courrier du 1er avril 2003, la Commission a informé les entreprises concernées que les arguments présentés dans leur lettre du 17 février 2003 ne lui permettaient pas de conclure que les documents visés étaient effectivement couverts par la confidentialité. Elle leur accordait toutefois la possibilité de présenter des observations sur ces conclusions préliminaires dans un délai de deux semaines, à l’expiration duquel elle adopterait une décision finale.

16. Par décision du 8 mai 2003 (14), la Commission a rejeté la demande de protection des documents litigieux au titre de la...

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