Akzo Nobel Chemicals Ltd and Akcros Chemicals Ltd v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:512
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-550/07
Date14 September 2010
Celex Number62007CJ0550

Affaire C-550/07 P

Akzo Nobel Chemicals Ltd
et
Akcros Chemicals Ltd

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Mesures d’instruction — Pouvoirs de vérification de la Commission — Protection de la confidentialité des communications — Relation d’emploi entre un avocat et une entreprise — Échanges de courriers électroniques»

Sommaire de l'arrêt

1. Pourvoi — Intérêt à agir — Condition — Pourvoi susceptible de procurer un bénéfice à la partie l'ayant intenté

2. Concurrence — Procédure administrative — Pouvoirs de vérification de la Commission — Pouvoir d'exiger la présentation d'une communication entre avocat et client — Limites — Protection de la confidentialité d'une telle communication — Portée — Exclusion des communications avec les avocats internes à l'entreprise

3. Droit de l'Union — Principes — Égalité de traitement — Notion — Limites

(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 20 et 21)

4. Concurrence — Procédure administrative — Pouvoirs de vérification de la Commission — Pouvoir d'exiger la présentation d'une communication entre avocat et client — Limites — Protection de la confidentialité d'une telle communication — Portée — Exclusion des communications avec les avocats internes à l'entreprise

(Règlement du Conseil nº 1/2003)

5. Droit de l'Union — Principes — Droits de la défense — Application aux procédures susceptibles d'aboutir à des sanctions

(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 48, § 2)

6. Concurrence — Procédure administrative — Pouvoirs de vérification de la Commission — Pouvoir d'exiger la présentation d'une communication entre avocat et client — Limites — Protection de la confidentialité d'une telle communication — Portée — Exclusion des communications avec les avocats internes à l'entreprise

(Art. 101 TFUE et 102 TFUE; règlements du Conseil nº 17 et nº 1/2003)

7. Droit de l'Union — Effet direct — Droits individuels — Sauvegarde par les juridictions nationales — Recours en justice — Principe de l'autonomie nationale de procédure

8. Concurrence — Procédure administrative — Pouvoirs de vérification de la Commission — Pouvoir d'exiger la présentation d'une communication entre avocat et client

(Règlements du Conseil nº 17, art. 14, § 6, et nº 1/2003, art. 20, § 6)

9. Union européenne — Compétences exclusives — Dispositions nécessaires au fonctionnement du marché intérieur — Règles de procédure en matière de concurrence — Inclusion

(Art. 3, § 1, b), TFUE, 101 TFUE à 103 TFUE et 105 TFUE; règlements du Conseil nº 17, art. 14, et nº 1/2003, art. 20)

1. L’intérêt à agir constitue une condition de recevabilité qui doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond.

Par ailleurs, dans le cadre d'un pourvoi, un tel intérêt existe tant que le pourvoi peut procurer, par son résultat, un bénéfice à la partie qui l’a intenté.

En matière de concurrence, l'intérêt d'une entreprise à agir contre une décision de la Commission refusant de lui retourner des documents et d'en détruire les copies éventuelles, en raison de la violation de la confidentialité des communications entre avocats et clients lors de vérifications, se poursuit au moins tant que la Commission détient lesdits documents ou une copie de ces derniers. En effet, l’éventuelle violation de la confidentialité des communications entre avocats et clients lors de vérifications intervient non pas lorsque la Commission se base dans une décision au fond sur un document protégé, mais dès le moment où un tel document est saisi par un fonctionnaire de la Commission.

(cf. points 22-23, 25)

2. Le bénéfice de la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients est subordonné à deux conditions cumulatives. D’une part, l’échange avec l’avocat doit être lié à l’exercice du droit de la défense du client et, d’autre part, il doit s’agir d’un échange émanant d’avocats indépendants, c’est-à-dire d’avocats non liés au client par un rapport d’emploi.

L'exigence d’indépendance implique l’absence de tout rapport d’emploi entre l’avocat et son client, si bien que la protection au titre du principe de la confidentialité ne s’étend pas aux échanges au sein d’une entreprise ou d’un groupe avec des avocats internes.

La notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est-à-dire par l’absence d’un rapport d’emploi. Un avocat interne, en dépit de son inscription au barreau et de la soumission aux règles professionnelles qui s’ensuit, ne jouit pas à l’égard de son employeur du même degré d’indépendance qu’un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l’égard de son client. Dans ces circonstances, il est plus difficile pour un avocat interne que pour un avocat externe de remédier à d’éventuelles tensions entre les obligations professionnelles et les objectifs poursuivis par son client.

L'avocat interne ne saurait donc, quelles que soient les garanties dont il dispose dans l’exercice de sa profession, être assimilé à un avocat externe du fait de la situation de salariat dans laquelle il se trouve, situation qui, par sa nature même, ne permet pas à l’avocat interne de s’écarter des stratégies commerciales poursuivies par son employeur et met ainsi en cause sa capacité à agir dans une indépendance professionnelle.

En outre, dans le cadre de son contrat de travail, l’avocat interne peut être appelé à exercer d’autres tâches qui peuvent avoir une incidence sur la politique commerciale de l’entreprise et qui ne peuvent que renforcer ses liens étroits avec son employeur.

Il en résulte que, du fait tant de la dépendance économique de l’avocat interne que des liens étroits avec son employeur, l’avocat interne ne jouit pas d’une indépendance professionnelle comparable à celle d’un avocat externe.

L’avocat interne se trouvant dans une position fondamentalement différente de celle d’un avocat externe, de sorte que leurs situations respectives ne sont pas comparables, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne résulte du fait de traiter de façon différente ces professionnels au regard de la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients.

Par ailleurs, à supposer que la consultation d’avocats internes, employés par l’entreprise ou le groupe, devrait relever du droit de se faire conseiller, défendre et représenter, cela n’exclut pas l’application, en cas d’intervention d’avocats internes, de certaines restrictions et modalités relatives à l’exercice de la profession, sans que cela doive être considéré comme portant atteinte aux droits de la défense.

Enfin, le fait que, dans le cadre d’une vérification menée par la Commission, la protection des communications est limitée aux échanges avec des avocats externes ne porte aucune atteinte au principe de sécurité juridique.

(cf. points 40-41, 44-45, 47-49, 58-59, 95, 106)

3. Le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(cf. points 54-55)

4. La Cour a souligné, dans l’arrêt du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, au sujet du principe de la protection de la confidentialité dans les procédures de vérification en matière de droit de la concurrence, que ce domaine du droit de l’Union doit tenir compte des principes et des conceptions communs aux droits des États membres en ce qui concerne le respect de la confidentialité à l’égard, notamment, de certaines communications entre les avocats et leurs clients. À cette fin, la Cour a opéré une comparaison des différents droits nationaux. Elle a reconnu, sur la base de cette comparaison, que, si certaines conditions étaient remplies, la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients devait être protégée au titre du droit de l’Union.

Au cours des années qui se sont écoulées depuis le prononcé de l’arrêt AM & S Europe/Commission, aucune tendance prépondérante en faveur d’une protection de la confidentialité des communications au sein d’une entreprise ou d’un groupe avec des avocats internes ne peut être dégagée en ce qui concerne les ordres juridiques des 27 États membres de l’Union européenne. La situation juridique au sein des États membres de l’Union n’a donc pas évolué dans une mesure justifiant d’envisager un développement de la jurisprudence dans le sens d’une reconnaissance, aux avocats internes, du bénéfice de la protection de la confidentialité.

En outre, si le règlement nº 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, a apporté un grand nombre de modifications aux règles de procédure relatives au droit de la concurrence de l’Union, lesdites règles ne contiennent aucun indice susceptible d’établir qu’elles imposent une assimilation des avocats exerçant à titre indépendant et des avocats salariés en ce qui concerne la protection de la confidentialité des communications, ce principe ne faisant aucunement l’objet dudit règlement, qui vise à renforcer l’étendue des pouvoirs d’inspection de la Commission, notamment en ce qui concerne les documents susceptibles de faire l’objet de telles mesures. La modification des règles de procédure en matière de droit de la concurrence, résultant notamment dudit règlement, ne saurait donc non plus justifier un revirement de la jurisprudence établie par l’arrêt AM & S Europe/Commission.

(cf. points 69-70, 74, 76, 83, 86-87)

5. Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit...

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