Opinion of Advocate General Bobek delivered on 24 September 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:774
Celex Number62017CC0515
CourtCourt of Justice (European Union)
Date24 September 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 24 septembre 2019 (1)

Affaires jointes C515/17 P et C561/17 P

Uniwersytet Wrocławski

contre

Agence exécutive pour la recherche (REA) (C515/17 P)

et

République de Pologne

contre

Uniwersytet Wrocławski,

Agence exécutive pour la recherche (REA) (C561/17 P)

« Pourvoi – Article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Représentation des requérants non privilégiés dans les recours directs – Notion d’avocat – Notion autonome du droit de l’Union – Possibilité de remédier à un vice affectant la représentation en justice »






Table des matières


I. Introduction

II. Cadre juridique

III. L’ordonnance attaquée

IV. La procédure devant la Cour

V. Appréciation

A. Genèse et problèmes actuels

1. L’évolution de la jurisprudence sur l’article 19, troisième alinéa, du statut

a) Origines liées au droit de la concurrence

b) Comment la condition d’indépendance a été « transférée » à l’article 19, troisième alinéa, du statut

2. Les aspects problématiques du « transfert » et ses conséquences procédurales

a) Le contexte

b) Le caractère flou du critère

c) Les conséquences du nonrespect de l’exigence d’indépendance

B. Les options et les variables

1. Les options

a) L’article 19, quatrième alinéa, du statut

b) L’article 19, troisième alinéa, du statut

2. L’objectif de la représentation en justice

C. Un critère modifié

1. Sur le plan matériel

a) Habilitation à exercer devant les juridictions nationales

b) Le statut de l’avocat – un tiers indépendant de la partie requérante

1) La qualité de tiers

2) L’indépendance

2. Sur le plan procédural

D. La présente affaire

VI. Dépens

VII. Conclusion


I. Introduction

1. Qui a le droit de représenter un requérant non privilégié dans le cadre d’un recours direct devant la Cour de justice de l’Union européenne ? Qu’est-ce qu’un « avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre », pour reprendre les termes de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ?

2. Le processus de vérification des qualifications formelles d’un avocat, des certificats requis et de son pouvoir d’agir au nom d’un requérant est un sujet qui, traditionnellement, se retrouve rarement sous les feux de l’actualité (jurisprudentielle). Ce processus de vérification, à la fois discret et banal, constituait une tâche routinière des greffes, les débats sur ce sujet étant réservés aux connaisseurs et aux aficionados de la procédure propre aux juridictions de l’Union. La situation aurait pu en rester là si le processus de vérification, qui constitue normalement une formalité, n’avait pas évolué progressivement vers quelque chose d’assez différent.

3. L’Uniwersytet Wrocławski (l’université de Wrocław, Pologne) a saisi le Tribunal d’un recours contre une décision adoptée par l’Agence exécutive pour la recherche (ci‑après la « REA ») ordonnant à l’université de rembourser certains fonds qui lui avaient été octroyés.

4. Ce recours a été déclaré irrecevable pour non‑respect des conditions régissant la représentation en justice (2). Selon le Tribunal, le représentant de l’université de Wrocław ne satisfaisait pas à l’exigence d’indépendance qui s’attache à la notion d’« avocat » au sens de l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (ci‑après le « statut »). Bien qu’ayant la qualité d’avocat au sens du droit polonais et exerçant dans un cabinet, ce représentant dispensait également des cours, en tant qu’enseignant extérieur, à l’université de Wrocław sur la base d’un contrat de droit civil conclu à cet effet avec l’université. Selon le Tribunal, l’existence de ce contrat signifiait que l’exigence d’indépendance de l’avocat n’était pas respectée.

5. Dans le contexte du présent pourvoi contre cette ordonnance, je souhaiterais inviter la Cour à reconsidérer, sur deux points, la jurisprudence et la pratique du Tribunal dans ce domaine. Premièrement, sur le fond, il convient de replacer l’interprétation de l’article 19, troisième alinéa, du statut dans un cadre raisonnable et prévisible. Deuxièmement, ce qui est peut-être plus important, une irrégularité potentielle affectant la représentation en justice devrait être considérée comme une irrégularité procédurale affectant le recours, dont il convient d’informer dûment le requérant, en lui donnant la possibilité d’y remédier.

II. Cadre juridique

6. L’article 19 du statut dispose :

« Les États membres ainsi que les institutions de l’Union sont représentés devant la Cour de justice par un agent nommé pour chaque affaire ; l’agent peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat.

Les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, autres que les États membres, ainsi que l’Autorité de surveillance AELE visée par ledit accord, sont représentés de la même manière.

Les autres parties doivent être représentées par un avocat.

Seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut représenter ou assister une partie devant la Cour.

Les agents, conseils et avocats comparaissant devant la Cour jouissent des droits et garanties nécessaires à l’exercice indépendant de leurs fonctions, dans les conditions qui seront déterminées par le règlement de procédure.

La Cour jouit à l’égard des conseils et avocats qui se présentent devant elle des pouvoirs normalement reconnus en la matière aux cours et tribunaux, dans les conditions qui seront déterminées par le même règlement

7. Aux termes de l’article 53 du statut, « [l]a procédure devant le Tribunal est régie par le titre III […] ». Ce titre inclut l’article 19 du statut.

8. L’article 51 du règlement de procédure du Tribunal concerne l’« Obligation de représentation » dans les recours directs et dispose :

« 1. Les parties doivent être représentées par un agent ou un avocat dans les conditions prévues à l’article 19 du statut.

2. L’avocat représentant ou assistant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE.

3. Les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière.

4. Si les documents visés aux paragraphes 2 et 3 ne sont pas déposés, le greffier fixe à la partie concernée un délai raisonnable pour les produire. À défaut de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de cette formalité entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête ou du mémoire. »

III. L’ordonnance attaquée

9. Le 25 mars 2016, l’université de Wrocław a saisi le Tribunal d’un recours en vue, premièrement, de l’annulation des décisions de la REA de résilier une convention de subvention et d’obliger la requérante à rembourser les sommes de 36 508,37 euros, de 58 031,38 euros et de 6 286,68 euros ainsi qu’à payer des dommages et intérêts d’un montant de 5 803,14 euros et, deuxièmement, de la restitution par la REA des sommes correspondantes avec les intérêts dus.

10. Dans son mémoire en défense, la REA a d’abord soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur cinq moyens. Le premier moyen portait sur le fait que l’avocat représentant l’université de Wrocław ne satisfaisait pas à la condition d’indépendance requise par le statut et le règlement de procédure du Tribunal. En effet, selon la REA, le représentant de l’université de Wrocław était salarié de l’un des centres de recherche de l’université.

11. Dans l’ordonnance attaquée (3), le Tribunal a tout d’abord rappelé que les représentants de requérants non privilégiés devant les juridictions de l’Union doivent remplir deux conditions. La première condition impose que ce représentant soit un « avocat ». La seconde condition précise que cet avocat doit être « habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre […] ». Si la seconde condition renvoie au droit national, la première ne comporte aucun renvoi exprès et doit être interprétée, dans la mesure du possible, de manière autonome, sans faire référence au droit national (4).

12. Le Tribunal a ensuite précisé que la conception du rôle de l’avocat dans l’ordre juridique de l’Union, qui émane des traditions juridiques communes aux États membres et sur laquelle l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne se fonde, est celle d’un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle‑ci, l’assistance légale dont le client a besoin (5). La notion d’indépendance de l’avocat est définie non seulement de manière positive, à savoir par une référence à la discipline professionnelle, mais également de manière négative, c’est‑à‑dire par l’absence d’un rapport d’emploi (6).

13. Se référant à l’arrêt Prezes Urzędu Komunikacji Elektronicznej (7), le Tribunal a jugé que, même si l’absence d’un lien de subordination entre l’avocat et la requérante impliquait que la relation d’emploi créée par ce contrat de droit civil pourrait être considérée comme formellement absente, il existait néanmoins un risque que l’opinion professionnelle de l’avocat soit, à tout le moins en partie, influencée par son environnement professionnel (8).

14. Sur la base de ces arguments, le Tribunal a déclaré le recours manifestement irrecevable, en fondant sa décision sur l’article 19, troisième et quatrième alinéas du statut et sur l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (9).

IV. La procédure devant la Cour

15. L’ordonnance du Tribunal a fait l’objet d’un pourvoi de l’université de Wrocław (C‑515/17 P) et de la République de Pologne (C‑561/17 P).

16. Par une décision du 24 novembre 2017, le Président de la Cour de justice a joint les deux pourvois.

17. Le pourvoi de l’université de Wrocław est fondé sur deux moyens. Elle invoque...

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