Hervis Sport- és Divatkereskedelmi Kft. v Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-dunántúli Regionális Adó Főigazgatósága.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:531
Docket NumberC-385/12
Celex Number62012CC0385
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 September 2013
62012CC0385

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 5 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑385/12

Hervis Sport- és Divatkereskedelmi Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Közép-dunántúli Regionális Adó Főigazgatósága

[demande de décision préjudicielle formée par le Székesfehérvári Törvényszék (Hongrie)]

«Droit fiscal — Liberté d’établissement — Article 401 de la directive 2006/112/CE — Impôt national sur l’activité de commerce de détail en magasin dans certains secteurs économiques — Taux d’imposition progressif en cas d’une base d’imposition liée au chiffre d’affaires — Comparaison des entreprises liées dans un groupe et dans un système de franchise»

I – Introduction

1.

En raison de la crise financière et économique des dernières années, les États membres se tournent de plus en plus vers une source traditionnelle de revenus: la perception d’impôts. Cela ne prend pas seulement la forme d’une augmentation du taux des impôts déjà existants, l’on constate aussi l’introduction de nouvelles catégories d’impôts.

2.

La présente demande de décision préjudicielle concerne précisément un tel nouvel impôt. Pour faire face aux besoins de financement accrus de l’État, la Hongrie a institué pour une période de temps limitée un impôt basé sur le chiffre d’affaires de certaines entreprises, mais associé à un taux d’imposition progressif inhabituel pour un tel impôt.

3.

Naturellement, la critique dirigée contre un nouvel impôt ne saurait surprendre. La Cour est cependant saisie ici de la question de savoir si la critique se justifie dans la mesure où elle concerne l’admissibilité d’un tel impôt au regard du droit de l’Union. Les contribuables font notamment valoir, à ce propos, que du fait de son taux progressif, l’impôt fausserait la concurrence au détriment des entreprises étrangères. Il s’agira donc de déterminer si les distorsions de concurrence en question ne font que produire des effets économiques sensibles, ou si elles sont, de surcroît, incompatibles avec le droit de l’Union.

II – Le cadre juridique

4.

En Hongrie, la loi no XCIV 2010 relative à l’impôt spécial grevant certains secteurs (ci-après la «loi no XCIV 2010») a soumis l’activité de vente au détail dans certains secteurs économiques à un impôt spécial (ci-après l’«impôt spécial»). Cette loi est entrée en vigueur le 4 décembre 2010 et s’est appliquée rétroactivement à l’activité des assujettis pour toute l’année civile 2010 ainsi que pour un laps de temps consécutif limité.

5.

C’est le chiffre d’affaires net de l’assujetti réalisé pendant l’exercice imposable qui constitue la base d’imposition. Le taux varie en fonction du niveau de la base d’imposition. Jusqu’à un chiffre d’affaires de 500 millions de forints hongrois (HUF) (environ 1,7 million d’euros) le taux est égal à 0 %, puis le taux d’imposition se répartit en trois tranches correspondant à 0,1 %, 0,4 % et enfin 2,5 % pour la tranche excédant 100 milliards de HUF (environ 333 millions d’euros). En raison de cette progressivité, aucun impôt n’est par conséquent perçu jusqu’à un certain niveau de chiffre d’affaires. Dans le cas où un impôt est perçu, le taux moyen d’imposition ainsi que la charge fiscale correspondante en pourcentage sont d’autant plus élevés que le chiffre d’affaires est lui-même élevé.

6.

En vertu de l’article 7 de la loi no XCIV 2010, les entreprises qui sont réputées liées au sens de la loi hongroise relative à l’impôt sur les sociétés voient leur dette fiscale calculée de la manière suivante: le taux d’imposition est d’abord appliqué au chiffre d’affaires cumulé de tous les assujettis liés. Puis l’impôt dû par chaque assujetti correspond au prorata de sa part dans le chiffre d’affaires total réalisé par l’ensemble des assujettis liés. Sont réputés constituer des entreprises liées au sens de la loi hongroise relative à l’impôt sur les sociétés notamment les assujettis entre lesquels il existe un pouvoir d’influence dominante, exercé par l’un vis-à-vis de l’autre.

III – Le litige au principal et la procédure devant la Cour

7.

Hervis Sport- és Divatkereskedelmi Kft. (ci-après «Hervis»), société de droit hongrois, distribue des articles de sport et est soumise à ce titre à l’impôt spécial.

8.

Hervis est liée, au sens de l’article 7 de la loi no XCIV 2010, à une société mère dont le siège est sis en Autriche, qui réalise, en Hongrie, elle-même ou par le biais d’autres entreprises liées, des chiffres d’affaires dans le secteur du commerce de détail de denrées alimentaires, eux aussi soumis à l’impôt spécial. Du fait de la prise en compte du chiffre d’affaires total du groupe pour l’application du taux, Hervis se voit appliquer un taux moyen d’imposition bien plus élevé que si l’impôt avait été calculé sur la seule base de son propre chiffre d’affaires.

9.

Hervis conteste son imposition au titre de l’exercice 2010, soutenant que la perception de l’impôt spécial serait contraire à plusieurs dispositions du droit de l’Union. Cet impôt désavantagerait de façon discriminatoire les entreprises contrôlées par des étrangers par rapport à celles qui le sont par des Hongrois, ainsi que les opérateurs individuels par rapport aux entreprises exploitées dans le cadre d’un réseau de franchisés. En effet, il s’avérerait que, précisément dans le secteur de la distribution des denrées alimentaires, les sociétés détenues par des Hongrois sont exploitées sous la forme de franchises et qu’elles échappent, pour cette raison, au cumul des chiffres d’affaires aux fins de l’impôt spécial, seul étant pris en compte le chiffre d’affaires de chaque franchisé pour le calcul de l’impôt.

10.

C’est dans ce contexte que le Székesfehérvári Törvényszék (tribunal de Székesfehérvári, Hongrie), saisi d’un recours formé par Hervis, a posé à la Cour la question préjudicielle suivante, conformément à l’article 267 TFUE:

«Le fait qu’un contribuable exerçant une activité de commerce de détail en magasin doive acquitter un impôt spécial sur le montant de son chiffre d’affaires annuel net excédant 500 millions de HUF est-il compatible avec les dispositions relatives au principe général de [non-]discrimination (articles 18 TFUE et 26 TFUE), au principe de la liberté d’établissement (article 49 TFUE), au principe de l’égalité de traitement (article 54 TFUE), au principe d’égalité en ce qui concerne la participation financière au capital des sociétés au sens de l’article 54 (article 55 TFUE), au principe de la libre prestation des services (article 56 TFUE), au principe de la libre circulation des capitaux (articles 63 TFUE et 65 TFUE) et au principe d’égalité en ce qui concerne l’imposition des entreprises (article 110 TFUE)?»

11.

Au cours de la procédure devant la Cour, des observations écrites ont été déposées par Hervis, la Hongrie, la République d’Autriche ainsi que la Commission européenne, qui ont aussi pris part à l’audience qui s’est tenue le 18 juin 2013.

IV – Analyse juridique

A – Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

12.

Il convient, pour commencer, d’examiner la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, qui est mise en doute par la Hongrie.

13.

La Hongrie soutient que, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence, la décision de renvoi ne contient pas d’éléments expliquant pour quelles raisons la juridiction de renvoi estime qu’une interprétation s’impose des dispositions du droit de l’Union citées dans la question. En particulier, il ne serait pas expliqué de quelle manière l’impôt spécial produirait un effet discriminatoire.

14.

En vertu de la jurisprudence constante de la Cour, le juge national doit définir le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou, à tout le moins, expliquer les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. La décision de renvoi doit, en outre, indiquer les raisons qui ont conduit le juge national à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union ainsi que le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal ( 2 ).

15.

De telles exigences répondent à un double objectif. Elles visent à assurer, d’une part, que la Cour puisse fournir à la juridiction de renvoi une interprétation utile du droit de l’Union et, d’autre part, qu’un minimum d’explications permette aux États membres et aux autres parties intéressées de prendre utilement position dans la procédure régie par l’article 267 TFUE. Puisque seule la décision de renvoi est notifiée aux parties intéressées, celle-ci doit comporter toutes les informations leur permettant de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ( 3 ).

16.

Il est vrai que l’on peut effectivement se demander si la présente décision de renvoi répond, en soi, à l’exigence d’explications minimales. Ainsi, en particulier, la juridiction de renvoi n’explique pas en détail sur quels éléments factuels et juridiques la discrimination invoquée par Hervis dans le litige au principal est censée reposer. Non seulement il manque des indications relatives à l’article 7 de la loi no XCIV 2010, mais on ne trouve pas non plus d’explications sur l’inclusion d’Hervis dans la structure d’un groupe de sociétés ni sur la charge fiscale pesant sur les entreprises détenues respectivement par des nationaux et par des étrangers, ou sur les sociétés opérant au sein ou en dehors d’un réseau de franchisés.

17.

Le contenu d’une demande de décision préjudicielle peut cependant être complété, dans certaines circonstances, par d’autres sources d’information sans que soient...

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