Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 30 April 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:336
Celex Number62018CC0390
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 April 2019

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 30 avril 2019 (1)

Affaire C390/18

en présence de

YA,

AIRBNB Ireland UC,

Hotelière Turenne SAS,

Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (AHTOP),

Valhotel

[demande de décision préjudicielle formée par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris (France)]

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation de services – Directive 2000/31/CE – Mise en relation d’hôtes, professionnels ou particuliers, disposant de lieux d’hébergement à louer avec des personnes recherchant ce type d’hébergement – Prestation additionnelle d’autres services divers – Réglementation nationale prévoyant des règles restrictives pour l’exercice de la profession d’agent immobilier »






I. Introduction

1. Dans les arrêts Asociación Profesional Elite Taxi (2) et Uber France (3), la Cour a jugé qu’un service d’intermédiation ayant pour objet de mettre en relation, d’une part, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule et, d’autre part, des personnes qui souhaitent effectuer un déplacement urbain, qui est indissociablement lié à un service de transport, ne constitue pas un service de la société de l’information et est exclu du champ d’application de la directive 2000/31/CE (4).

2. La présente affaire s’inscrit également dans la problématique de la qualification des services fournis grâce aux plateformes électroniques. En effet, la Cour est invitée par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris (France) à déterminer si un service consistant à mettre en relation, d’une part, des loueurs disposant de lieux d’hébergement et, d’autre part, des personnes recherchant ce type d’hébergement correspond à la définition de la notion de « services de la société de l’information » et bénéficie, dès lors, de la libre circulation des services, telle qu’assurée par la directive 2000/31.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3. Les faits allégués sont survenus au cours de la période comprise entre le 11 avril 2012 et le 24 janvier 2017. À cet égard, il importe d’observer que, à compter du 7 octobre 2015, la directive (UE) 2015/1535 (5) a abrogé et remplacé la directive 98/34/CE (6). L’article 2, sous a), de la directive 2000/31 définit la notion de « services de la société de l’information » par renvoi à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2015/1535, qui dispose :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

b) “service”, tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition, on entend par :

i) “à distance”, un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

ii) “par voie électronique”, un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ;

iii) “à la demande individuelle d’un destinataire de services”, un service fourni par transmission de données sur demande individuelle.

Une liste indicative des services non visés par cette définition figure à l’annexe I.

[...] »

4. La définition de la notion de « service de la société de l’information » figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535 est en substance identique à celle prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/34. Par ailleurs, les références faites à la directive 98/34 s’entendent comme faites à la directive 2015/1535 (7). Pour ces raisons, l’analyse portant sur la qualification d’un service comme un « service de la société de l’information » au sens de la directive 2015/1535, à laquelle je me référerai donc dans les présentes conclusions, est, à mon sens, transposable aux dispositions de la directive 98/34.

5. Aux termes de l’article 2, sous h), de la directive 2000/31 :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

h) “domaine coordonné” : les exigences prévues par les systèmes juridiques des États membres et applicables aux prestataires des services de la société de l’information ou aux services de la société de l’information, qu’elles revêtent un caractère général ou qu’elles aient été spécifiquement conçues pour eux.

i) Le domaine coordonné a trait à des exigences que le prestataire doit satisfaire et qui concernent :

– l’accès à l’activité d’un service de la société de l’information, telles que les exigences en matière de qualification, d’autorisation ou de notification,

– l’exercice de l’activité d’un service de la société de l’information, telles que les exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire.

ii) Le domaine coordonné ne couvre pas les exigences telles que :

– les exigences applicables aux biens en tant que tels,

– les exigences applicables à la livraison de biens,

– les exigences applicables aux services qui ne sont pas fournis par voie électronique. »

6. L’article 3 de cette même directive se lit comme suit :

« 1. Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné.

2. Les État membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.

3. Les paragraphes 1 et 2 ne sont pas applicables aux domaines visés à l’annexe.

4. Les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service donné de la société de l’information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2 si les conditions suivantes sont remplies :

a) les mesures doivent être :

i) nécessaires pour une des raisons suivantes :

– l’ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,

– la protection de la santé publique,

– la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

– la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ;

ii) prises à l’encontre d’un service de la société de l’information qui porte atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui constitue un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs ;

iii) proportionnelles à ces objectifs ;

b) l’État membre a préalablement et sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris la procédure préliminaire et les actes accomplis dans le cadre d’une enquête pénale :

– demandé à l’État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et ce dernier n’en a pas pris ou elles n’ont pas été suffisantes,

– notifié à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures.

5. Les États membres peuvent, en cas d’urgence, déroger aux conditions prévues au paragraphe 4, [sous] b). Dans ce cas, les mesures sont notifiées dans les plus brefs délais à la Commission et à l’État membre visé au paragraphe 1, en indiquant les raisons pour lesquelles l’État membre estime qu’il y a urgence.

6. Sans préjudice de la faculté pour l’État membre de prendre et d’appliquer les mesures en question, la Commission doit examiner dans les plus brefs délais la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire ; lorsqu’elle parvient à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit communautaire, la Commission demande à l’État membre concerné de s’abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d’urgence aux mesures en question. »

B. Le droit français

7. L’article 1er de la loi nº 70-9, du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dans sa version consolidée (ci-après la « loi Hoguet ») (8) prévoit :

« Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :

1º L’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;

[...] »

8. L’article 3 de la loi Hoguet dispose :

« Les activités visées à l’article 1er ne peuvent être exercées que par les personnes physiques ou morales titulaires d’une carte professionnelle, délivrée, pour une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, par le président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou par le président de la chambre de commerce et d’industrie départementale d’Île-de-France, précisant celles des opérations qu’elles peuvent accomplir. [...]

Cette carte ne peut être délivrée qu’aux personnes physiques qui satisfont aux conditions suivantes :

1º Justifier de leur aptitude professionnelle ;

2º Justifier d’une garantie financière permettant le remboursement des fonds [...] ;

3º Contracter une assurance contre les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle ;

4º Ne pas être frappées d’une des incapacités ou interdictions d’exercer [...] »

9. Par ailleurs, l’article 5 de cette loi énonce :

« Les personnes visées à l’article 1er qui reçoivent, détiennent des sommes d’argent [...] doivent respecter les conditions prévues par décret en Conseil d’État, notamment les formalités de tenue des registres et de délivrance de reçus, ainsi...

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