Petri Manninen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:164
Docket NumberC-319/02
Celex Number62002CC0319
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 March 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 18 mars 2004(1)



Affaire C-319/02

Petri Manninen




[demande de décision préjudicielle formée par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande)]

«Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Avoir fiscal pour les dividendes versés par les sociétés nationales – Justification pour des motifs de cohérence du régime fiscal»






I – Introduction 1. La présente demande de décision préjudicielle du Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) (Finlande) porte sur la réglementation finlandaise relative à l’imposition des dividendes. Celle-ci prévoit que l’actionnaire d’une société nationale perçoit, en plus du dividende, un avoir fiscal proportionnel à l’impôt sur les sociétés que l’entreprise a acquitté. Aux fins de l’imposition du dividende, l’avoir fiscal est déduit de telle manière que l’actionnaire n’a en pratique pas d’autre impôt à acquitter sur ces revenus du capital. En revanche, le bénéficiaire de dividendes de sociétés étrangères ne peut pas déduire l’impôt sur les sociétés acquitté dans le pays où la société a son siège. 2. M. Manninen réside en Finlande et doit acquitter en Finlande l’impôt sur le revenu au titre des dividendes qu’il a perçus d’une société suédoise. Il estime que la réglementation finlandaise, qui lui refuse la déduction de l’impôt sur les sociétés acquitté en Suède, est incompatible avec la libre circulation des capitaux. 3. Le principe de base de la réglementation finlandaise est d’éviter la double imposition des bénéfices des entreprises par l’administration fiscale finlandaise (double imposition économique). Celle-ci se produirait en effet si les bénéfices étaient d’abord grevés, lors de l’imposition de l’entreprise, de l’impôt sur les sociétés, puis à nouveau, lors de l’imposition des dividendes, de l’impôt sur le revenu. 4. De nombreux États membres ont ou ont eu des régimes analogues de déduction ou d’exonération, destinés à exclure ou à adoucir cette double imposition (2) . Mais il est fréquent que ces dispositions ne s’appliquent – comme en l’espèce – qu’aux opérations purement internes, car les États membres estiment que la prise en compte de l’impôt sur les sociétés lors de la taxation des dividendes n’est opportune que dans le cas où l’impôt sur les sociétés a lui aussi été perçu par l’administration fiscale nationale (3) . 5. La Cour a déjà établi, en particulier dans l’arrêt Verkooijen (4) , qu’une exonération de l’impôt sur le revenu frappant les dividendes ne peut être subordonnée à la condition que la société qui verse les dividendes ait son siège dans le pays. Dans aucun des cas sur lesquels la Cour a statué à ce jour, il n’existait un lien économiquement et juridiquement aussi étroit entre l’impôt sur les sociétés, d’une part, et l’impôt sur le revenu frappant les dividendes, d’autre part, que dans le cas d’espèce. C’est pourquoi la question de la justification tirée des motifs pris de la cohérence fiscale, que la Cour n’a jusqu’à présent admise que dans les arrêts Bachmann (5) et Commission/Belgique (6) , est à nouveau posée en l’espèce. II – La réglementation nationale sur l’avoir fiscal 6. En Finlande, les dividendes perçus par les personnes physiques assujetties à l’impôt à titre principal sont soumis à un impôt au taux de 29 %. Le taux de l’impôt sur les sociétés, que ces dernières doivent acquitter au titre de leurs bénéfices est également de 29 %. Afin d’éviter une double imposition des bénéfices distribués sous forme de dividende, l’article 4 de la loi sur l’avoir fiscal prévoit que le bénéficiaire de dividendes obtient un crédit d’impôt égal à 29/71 du dividende. L’avoir et le dividende liquide sont additionnés et soumis à l’impôt sur le revenu au titre des revenus du capital. 7. L’effet de l’avoir fiscal peut être illustré par l’exemple de calcul suivant. Si l’on suppose que le bénéfice d’une société s’élève à 100 centimes par action avant impôt, l’entreprise en acquitte 29 centimes au titre de l’impôt sur les sociétés. Les 71 centimes restants sont versés au titre du dividende. L’avoir fiscal s’élève à 29/71 du dividende (71 centimes), soit 29 centimes. Le bénéficiaire du dividende perçoit au total 71 centimes par action en liquide et 29 centimes sous la forme d’un avoir fiscal, soit au total 100 centimes. L’impôt sur le revenu frappant les revenus du capital s’élevant à 29 % de ces 100 centimes, cet impôt se monte à 29 centimes, dont est déduit l’avoir fiscal du même montant. Le bénéficiaire du dividende conserve donc, après impôt, exactement le montant du dividende en liquide, soit 71 centimes. La déduction de l’impôt sur les sociétés acquitté par la société entraîne donc, en pratique, une exonération totale de l’impôt sur le revenu frappant les revenus du capital. 8. Il existe un rapport inverse entre l’impôt sur les sociétés dû par la société et l’avoir fiscal. En effet, si l’impôt sur les sociétés effectivement acquitté par la société est inférieur à 29/71 du dividende, c’est-à-dire inférieur à l’avoir fiscal, la société doit fournir la différence sous la forme d’un impôt complémentaire. Tel est le cas lorsque les dividendes distribués excèdent le bénéfice de l’entreprise après impôt. 9. Si l’entreprise a en revanche acquitté plus d’impôt sur les sociétés que les actionnaires n’ont perçu à titre d’avoir fiscal, la différence reste pour la société un avoir fiscal qui peut être imputé pendant dix ans sur les dettes d’impôt correspondantes. 10. La loi sur l’avoir fiscal ne s’applique toutefois, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, qu’à la taxation par l’État et les communes des sociétés anonymes nationales versant des dividendes, et au contribuable assujetti à l’impôt à titre principal dans le pays qui perçoit des dividendes de cette société. En vertu de son article 1er, paragraphe 4, les dispositions de cette loi s’appliquent également aux sociétés établies dans un État membre de l’Espace économique européen dont les parts donnant lieu à des dividendes ont un lien effectif avec un établissement situé en Finlande. 11. En Suède, les dividendes servis à des contribuables à l’intérieur du pays sont soumis à titre principal à l’impôt sur le revenu. Dans le cas où les bénéficiaires des dividendes ne résident pas en Suède, un impôt est retenu à la source. En vertu de la convention fiscale conclue entre les pays nordiques en vue d’éviter la double imposition, l’État où le dividende est servi peut retenir un impôt à la source de 15 % au plus sur les dividendes, qui est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire des dividendes dans l’État membre où il réside. 12. En se basant sur l’exemple précédemment fourni, l’imposition est la suivante lorsqu’une entreprise suédoise sert un dividende de 71 centimes par action à un contribuable établi en Finlande. L’administration fiscale suédoise retient un impôt à la source de 15 % (au plus), soit 10,65 centimes. En Finlande, le bénéficiaire du dividende doit acquitter 29 % d’impôt sur le revenu de 71 centimes (20,59 centimes), sur lesquels sont imputés les 10,65 centimes déjà acquittés. Le dividende restant après impôt est de 50,41 centimes. L’impôt sur les sociétés déjà acquitté par la société en Suède n’est pas pris en considération. III – Faits du litige principal et questions préjudicielles 13. Dans sa demande auprès de la Keskusverolautakunta (commission centrale des impôts), M. Manninen a souhaité obtenir une décision préliminaire sur la question de savoir si, compte tenu des articles 56 CE et 58 CE, les dividendes que doit lui verser la société suédoise cotée en bourse Telia Ab (publ) sont imposables en Finlande, où il est assujetti à l’impôt à titre principal. Dans sa décision préliminaire, la Keskusverolautakunta a estimé que les dividendes servis en Finlande pour l’exercice fiscal 2001 par la société Telia Ab (publ) étaient intégralement assujettis à l’impôt sur le revenu, et que le contribuable n’avait pas droit à un avoir fiscal. 14. M. Manninen s’est pourvu contre cette décision auprès du Korkein hallinto-oikeus qui, par ordonnance de renvoi du 10 septembre 2002, a soumis à la Cour, au titre de l’article 234 CE, les questions préjudicielles suivantes:
«1)
Convient-il d’interpréter l’article 56 CE en ce sens qu’il s’oppose à un régime d’avoir fiscal tel que le régime finlandais décrit dans l’ordonnance de renvoi, dans lequel une personne qui est assujettie à l’impôt à titre principal en Finlande a droit à l’avoir fiscal au titre des dividendes qui lui sont versés par une société anonyme nationale, mais pas au titre de ceux qu’elle reçoit d’une société anonyme immatriculée en Suède?
2)
En cas de réponse affirmative à la première question, est-il possible d’interpréter l’article 58 CE en ce sens que les dispositions de l’article 56 CE ne restreignent pas le droit pour la Finlande d’appliquer les dispositions en cause de la loi relative à l’avoir fiscal, étant donné que l’octroi de l’avoir fiscal est subordonné au paiement en Finlande, par la société qui procède à la répartition des dividendes, d’un impôt ou impôt complémentaire correspondant, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de dividendes versés par une société étrangère, situation dans laquelle il n’y a pas du tout d’imposition?»
IV – Arguments des parties 15. Au cours de la procédure devant la Cour, M. Manninen, les gouvernements finlandais, français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, ont déposé des observations. Alors que M. Manninen et la Commission estiment que le régime finlandais de l’avoir fiscal est incompatible avec les articles 56 CE et 58 CE, les gouvernements cités sont tous d’un avis contraire. 16. Selon M. Manninen et la Commission, on est en présence...

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