Skatteverket v A.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:804
Date18 December 2007
Celex Number62005CJ0101
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-101/05

Affaire C-101/05

Skatteverket

contre

A

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Regeringsrätten)

«Libre circulation des capitaux — Restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers — Impôt sur les revenus de capitaux — Dividendes perçus d’une société établie dans un État membre de l’EEE — Exonération — Dividendes perçus d’une société établie dans un pays tiers — Exonération subordonnée à l’existence d’une convention fiscale prévoyant un échange de renseignements — Efficacité des contrôles fiscaux»

Conclusions de l'avocat général M. Y. Bot, présentées le 11 septembre 2007

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 18 décembre 2007

Sommaire de l'arrêt

1. Libre circulation des capitaux — Dispositions du traité

(Art. 56, § 1, CE, 57, § 1, CE et 58 CE)

2. Libre circulation des capitaux — Restrictions

(Art. 56, § 1, CE)

3. Libre circulation des capitaux — Restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers

(Art. 57, § 1, CE)

4. Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale — Impôts sur le revenu

(Art. 56 CE et 58 CE)

1. S'agissant des mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, l'article 56, paragraphe 1, CE, en liaison avec les articles 57 CE et 58 CE, peut être invoqué devant le juge national et entraîner l'inapplicabilité des règles nationales qui lui sont contraires, indépendamment de la catégorie de mouvements de capitaux en cause. En effet, l'article 56, paragraphe 1, CE a un effet direct, sans qu'une distinction doive être opérée entre les catégories de mouvements de capitaux qui relèvent de l'article 57, paragraphe 1, CE et celles qui n'en relèvent pas, l’exception prévue à ladite disposition ne faisant pas obstacle à ce que l’article 56, paragraphe 1, CE confère aux particuliers des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice.

(cf. points 26-27)

2. La notion de restrictions aux mouvements de capitaux doit être interprétée de la même manière dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans celles entre les États membres. En effet, même si la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers peut, certes, poursuivre des objectifs autres que celui de réaliser le marché intérieur, tels que ceux, notamment, d’assurer la crédibilité de la monnaie unique communautaire sur les marchés financiers mondiaux et de maintenir, dans les États membres, des centres financiers de dimension mondiale, force est de constater que, lorsque le principe de la libre circulation des capitaux a été étendu, par l’article 56, paragraphe 1, CE, aux mouvements de capitaux entre les pays tiers et les États membres, ces derniers ont choisi de consacrer ce principe dans le même article et dans les mêmes termes pour les mouvements de capitaux qui ont lieu à l’intérieur de la Communauté et ceux qui concernent des relations avec des pays tiers. En outre, il ressort de l’ensemble des dispositions introduites dans le traité, sous le chapitre relatif aux capitaux et aux paiements, que, afin de tenir compte du fait que l’objectif et le contexte juridique de la libéralisation des mouvements de capitaux sont différents selon qu’il s’agit des relations entre les États membres et les pays tiers ou de la libre circulation des capitaux entre les États membres, ceux-ci ont estimé nécessaire de prévoir des clauses de sauvegarde et des dérogations qui s’appliquent spécifiquement aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.

(cf. points 31-32, 38)

3. La notion de restriction existant le 31 décembre 1993, telle que visée à l'article 57, paragraphe 1, CE, suppose que le cadre juridique dans lequel s'insère la restriction en cause ait fait partie de l'ordre juridique de l'État membre concerné d'une manière ininterrompue depuis cette date. À cet égard, une mesure nationale adoptée postérieurement à cette date n'est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire prévu audit paragraphe, cette possibilité devant être comprise comme englobant les dispositions qui, dans leur substance, sont identiques à une législation antérieure ou qui se bornent à réduire ou supprimer un obstacle à l'exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure. Par contre, sont exclues dudit régime dérogatoire les dispositions qui reposent sur une logique différente de celle du droit antérieur et mettent en place des procédures nouvelles. Ainsi, ne sont pas visées les dispositions qui, tout en étant en substance identiques à une législation qui existait le 31 décembre 1993, ont réintroduit un obstacle à la libre circulation des capitaux qui, à la suite de l'abrogation de la législation antérieure, n'existait plus.

(cf. points 48-49)

4. Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'exonération de l'impôt sur le revenu de dividendes, distribués sous la forme d'actions d'une filiale, ne peut être accordée que si la société distributrice est établie dans un État membre de l'Espace économique européen (EEE) ou dans un État avec lequel une convention fiscale prévoyant l'échange de renseignements a été conclue par l'État membre d'imposition, lorsque cette exonération est soumise à des conditions dont le respect ne peut être vérifié par les autorités compétentes de cet État membre qu'en obtenant des renseignements de l'État d'établissement de la société distributrice.

Si une telle législation comporte une restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, en ce qu'elle a pour effet de dissuader les contribuables résidant dans l'État membre concerné d'investir leurs capitaux dans des sociétés établies en dehors de l'EEE, elle peut néanmoins être justifiée par la nécessité de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux, sous réserve du respect du principe de proportionnalité, en ce sens qu’elle doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Certes, un État membre ne saurait invoquer l'impossibilité de solliciter la collaboration d'un autre État membre pour effectuer des recherches ou recueillir des informations afin de justifier le refus d'un avantage fiscal. Toutefois, ce principe, qui porte sur des restrictions à l'exercice des libertés de circulation au sein de la Communauté, ne saurait être intégralement transposé aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, de tels mouvements s'inscrivant dans un contexte juridique différent de celui de mouvements de capitaux entre États membres. Par conséquent, lorsque la réglementation d'un État membre fait dépendre le bénéfice d'un avantage fiscal de la satisfaction de conditions dont le respect ne peut être vérifié qu'en obtenant des renseignements des autorités compétentes d'un pays tiers, il est, en principe, légitime pour cet État membre de refuser l'octroi de cet avantage si, notamment en raison de l'absence d'une obligation conventionnelle de ce pays tiers de fournir des informations, il s'avère impossible d'obtenir ces renseignements dudit pays.

(cf. points 42-43, 55-56, 58, 60, 63, 67 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

18 décembre 2007 (*)

«Libre circulation des capitaux – Restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers – Impôt sur les revenus de capitaux – Dividendes perçus d’une société établie dans un État membre de l’EEE – Exonération – Dividendes perçus d’une société établie dans un pays tiers – Exonération subordonnée à l’existence d’une convention fiscale prévoyant un échange de renseignements – Efficacité des contrôles fiscaux»

Dans l’affaire C‑101/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Regeringsrätten (Suède), par décision du 15 octobre 2004, parvenue à la Cour le 28 février 2005, dans la procédure

Skatteverket

contre

A,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur) et A. Tizzano, présidents de chambre, MM. R. Schintgen, J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. J. Malenovský, T. von Danwitz, A. Arabadjiev et Mme C. Toader, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2007,

considérant les observations présentées:

– pour le Skatteverket, par M. K. Rask, en qualité d’agent,

– pour A, par Mes S. Andersson et P. Nortoft, advokater,

– pour le gouvernement suédois, par Mmes K. Wistrand et A. Falk, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement danois, par Mme B. Weis Fogh, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma, U. Forsthoff et C. Blaschke, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad et M. M. Muñoz Pérez, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J. C. Gracia ainsi que par Mme C. Jurgensen, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. ten Dam ainsi que par M. M. de Grave, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes C. Jackson et T. Harris, en qualité d’agents, assistées de M. T. Ward, barrister,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et K. Simonsson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 septembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE à 58 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Skatteverket...

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